Lutte pour une équité des droits : le pouvoir de l'entreprise !
L'entreprise est une émanation concrète de la société civile dans laquelle chaque citoyen évolue. De ce fait, elle devient un écosystème profondément politique dans lequel ses acteurs sociaux ont un rôle à jouer sur l'échiquier de la lutte pour l'équité des droits. Les chefs d'entreprise ont le devoir d'être le porte-étendard de cet engagement.
Je m'abonneEn matière de lutte, il existe une doctrine simple sans laquelle aucun combat ne peut aboutir à une victoire. L'identification de son objectif et de ses partisans génère la connaissance nécessaire à son accomplissement. En tant que dirigeant, il est ainsi primordial de prendre conscience de l'impact que ses propres choix et stratégies ont sur le respect des droits de celles et ceux qui composent son entreprise. Bien sûr, la loi donne un cadre juridique que tout le monde est censé suivre, mais elle ne peut suffire pour répondre aux besoins du terrain. D'une part parce que les organes de contrôle manquent de moyens pour accomplir leurs missions et d'autre part parce que les avancées législatives sont à la fois lentes et insuffisantes, à l'image de la proposition de loi rejetée par le Sénat en février 2024 visant à créer un arrêt de travail sans délai de carence lorsqu'une salariée souffrait d'endométriose ou de règles douloureuses (dysménorrhée). A savoir que cette proposition de loi prévoyait également des conditions plus favorables au télétravail pour ces femmes et un congé en cas de fausse couche.
Il n'est pas question ici de justes différences reposant sur des efforts méritocratiques mais bien de discriminations qui empêchent un départ équitable entre citoyen.
Les décisions personnelles aux incidences collectives
Prendre conscience de l'ampleur de la tâche et que chaque action a son importance, si infime soit elle, est les prémices de cette lutte pour l'équité des droits. Les injustices s'immiscent partout et peuvent être complexes à identifier pour qui n'est pas concerné directement. Même au sein des réseaux d'entrepreneurs et dirigeants, il est parfois difficile de faire entendre sa voix, malgré sa réussite professionnelle, si l'on ne vient pas d'un milieu adéquat, qu'il soit social, culturel ou économique.
Prenons un exemple simple mais parlant : le fait d'être une femme, qui est une position sociale en soi. Côté entrepreneuriat, seulement 33% des créateurs d'entreprises sont des créatrices. En entreprise, plus de la moitié des femmes cadres déclarant avoir fait l'objet de traitements inégalitaires dans leur emploi actuel estiment que le sexisme en est le principal motif. Pour 8 femmes sur 10, les attitudes et décisions sexistes restent régulières dans le cadre de leur travail. Selon l'Index de l'égalité professionnelle, 6% des entreprises sont en infraction vis-à-vis de la loi de 2006 sur le retour de congé maternité, et près d'un tiers des entreprises ont moins de deux femmes dans les 10 meilleures rémunérations. Niveau salaires, ceux des femmes sont en moyenne inférieurs de 15% à ceux des hommes à temps de travail équivalent. Et à ces données chiffrées s'ajoute tout ce qui n'est pas quantifié : le manque de considération du quotidien (comme la reformulation du célèbre "ce que ma collègue veut dire"), les micro-agressions non recensées (comme les paroles ou gestes hostiles) ou encore le travail dans des conditions contraignantes (douleurs menstruelles ou charges mentales des enfants à s'occuper).
Une fois ce constat établi, il en va de la responsabilité des chefs d'entreprise de mettre en place des actions concrètes en faveur de l'équité des droits. Transparence des salaires, congé menstruel, flexibilité de l'emploi du temps, instauration du télétravail, formations, défense des victimes en cas de harcèlement... Les principales intéressées savent ce dont elles ont besoin, la meilleure solution est de les écouter.
Dans le même temps, et c'est aussi ce qui a motivé cette prise de parole, il est fondamental que les hommes prennent leur part dans ce combat et ne se cachent pas derrière une fraternité qui mêle virilité puérile et masculinisme outrancier.
L'inaction a des explications mais pas de justifications
Lutter pour l'équité des droits en entreprise a un coût. Adopter une vision managériale progressiste n'est pas toujours en adéquation avec une augmentation significative du chiffre d'affaires. Cela peut même être synonyme de contrats perdus ou de partenariats rompus. Car être patron, c'est faire des choix. Il serait indécent par exemple de travailler pour des industriels du tabac ou des entreprises qui délocalisent des populations africaines, tout en revendiquant le fait de lutter contre les injustices sociales, environnementales ou économiques. Tout comme il serait inenvisageable de refuser le recrutement de femmes enceintes sous prétexte qu'elles auront un congé maternité ou seront plus fatiguées.
Aujourd'hui, force est de constater que ce sont les petites et moyennes entreprises, qui constituent le tissu économique français même si elles sont très souvent dépendantes des grands groupes qui ont parfois tout pouvoir sur elles. Le changement ne viendra ni de l'Etat ni du top management des multinationales, il naîtra de l'engagement mutuel des dirigeants des TPM/PME et de leurs salariés dans la lutte pour une société plus juste.
En tant que micro-systèmes de la société au sens large, c'est à travers les petites et moyennes entreprises, sans oublier les associations, que l'avenir s'arrangera. C'est parce que leurs dirigeants feront les bons choix, adopteront le bon management, feront coïncider leurs paroles et leurs actes, que la société évoluera.
Les TPE-PME représentent 99% de l'écosystème entrepreneurial du pays, il est temps de leur redonner le pouvoir qui leur appartient. Certaines conditions doivent cependant être respectées, comme l'incarnation des dirigeants de ces entreprises dans la lutte pour l'équité des droits.
Originaire de banlieue parisienne, Florian Dubart a toujours travaillé dans le secteur de la communication digitale en France et à l'étranger. Après avoir créé puis vendu ses précédentes entreprises, Florian dédie une partie de son activité au développement d'actions sociétales grâce à des partenaires majeurs comme Face Grand Lyon, prônant l'inclusion et l'insertion des personnes issues de quartiers populaires mais aussi l'aide des femmes victimes de violences conjugales. Aujourd'hui implanté à Lyon, Florian dirige Revolucy, une agence de développement sur mesure d'ERP/CRM composée d'une douzaine de collaborateurs. Il dirige également deux autres sociétés dans le domaine digital et du développement informatique.