Le régime social des indemnités de télétravail : quelles exonérations ?
Les frais engagés par le salarié en télétravail régi par le contrat de travail, par convention ou accord collectif sont des dépenses inhérentes à l'emploi. Leur remboursement peut être exclu de l'assiette des cotisations, s'ils sont justifiés par la réalité des dépenses supportées par le salarié.
Je m'abonneLe télétravail s'est considérablement généralisé depuis l'arrivée de la pandémie de Covid-19. Les salariés sont ainsi amenés à exposer des frais plus importants qu'en cas de télétravail ponctuel. S'est donc posée la question de la prise en charge des frais liés au télétravail et de leur traitement social.
Les partenaires sociaux se sont emparés de ce sujet d'actualité et ont récemment conclu un accord national interprofessionnel qui rappelle et complète le dispositif législatif et règlementaire applicable en la matière (Ani du 26 novembre 2020 pour une mise en oeuvre réussie du télétravail - avis relatif à son extension JORF n°0029 du 3 février 2021).
Les frais liés au télétravail
S'agissant de la prise en charge des frais professionnels, l'accord rappelle le principe selon lequel les frais engagés par un salarié dans le cadre de l'exécution de son contrat de travail doivent être supportés par l'employeur quelle que soit la situation de travail.
Les dépenses engagées par le salarié qui télétravaille pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'entreprise, après accord de l'employeur, doivent donc être prises en charge par ce dernier, y compris en cas de circonstances exceptionnelles.
Quels sont les frais pouvant être exclus de l'assiette des cotisations sociales ?
Les frais engagés par le salarié sont considérés comme des charges de caractère spécial inhérentes à la fonction ou à l'emploi, dont le remboursement peut être exclu de l'assiette des cotisations.
S'agissant des frais engagés dans le cadre du télétravail, selon l'arrêté du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale modifié par l'arrêté du 25 juillet, sont visés :
- les frais fixes et variables liés à la mise à disposition d'un local privé pour un usage professionnel ;
- les frais liés à l'adaptation d'un local spécifique ;
- les frais de matériel informatique, de connexion et de fournitures diverses.
D'autres types de frais peuvent être admis, à charge pour l'employeur de démontrer qu'il s'agit de frais professionnels liés au télétravail.
A l'inverse, lorsque le salarié utilise son matériel personnel, l'employeur ne peut pas prétendre à l'exonération de frais.
L'utilisation de technologies mobiles appartenant au salarié peut être mixte. Ainsi, s'agissant des abonnements internet de type " box formule illimitée ", dont les salariés disposent déjà à titre personnel, l'Urssaf a apporté une précision dans le cadre d'un rescrit visant une situation de pandémie grippale, qui pourrait donc s'appliquer à une autre situation exceptionnelle, voire même au télétravail " classique " :
· si l'employeur est en mesure de justifier de façon certaine du nombre d'heures de connexion consacré à l'exercice de leur activité professionnelle par ses salariés en situation de télétravail, la prise en charge par ses soins du coût de l'abonnement au prorata du temps de connexion lié à l'usage professionnel peut être exclue des assiettes sociales, quel que soit ce temps professionnel ;
· si l'évaluation de l'utilisation professionnelle des outils issus des nouvelles technologies de l'information et de la communication ne repose que sur une simple déclaration des salariés, elle ne peut être retenue en franchise de charges sociales que dans la limite maximale de 50 % du nombre d'heures d'usage total.
Exonération : forfaitaire ou sur justificatifs ?
La prise en charge des frais peut s'effectuer :
· soit sous forme de remboursement des dépenses réellement engagées par le salarié sur présentation de justificatifs ;
· soit sur la base d'allocations forfaitaires : lorsque l'employeur verse une allocation forfaitaire globale, celle-ci est réputée utilisée conformément à son objet et exonérée de cotisations et contributions sociales dans la limite globale de 10 € par mois pour un salarié effectuant une journée de télétravail par semaine, de 20 € par mois pour deux jours de télétravail par semaine, 30 € par mois pour 3 jours, etc.
Dans sa fiche actualisée le 29 janvier 2021, l'Urssaf a complété les possibilités de remboursement sans justificatifs des frais liés au télétravail. Ainsi, " si l'allocation forfaitaire est prévue par la convention collective de branche, l'accord professionnel ou interprofessionnel ou un accord de groupe, elle est réputée utilisée conformément à son objet et exonérée de cotisations et contributions sociales dans la limite des montants prévus par accord collectif, dès lors que l'allocation est attribuée en fonction du nombre de jours effectivement télétravaillés ". La fourniture de justificatifs n'est alors pas nécessaire pour bénéficier de l'exonération de cotisations et de contributions sociales.
Comme auparavant, lorsque le montant versé par l'employeur dépasse ces limites, l'exonération pourra être admise, mais à " condition de justifier de la réalité des dépenses professionnelles supportées par le salarié ", selon le site internet de l'Urssaf).
L'Urssaf vise l'accord de groupe mais pas l'accord d'entreprise. La question se pose donc de savoir si un accord d'entreprise répondant aux conditions posées par l'Urssaf permettrait de prévoir une allocation forfaitaire de remboursement des frais plus élevée.
L'Ani du 26 novembre 2020 prévoit que le choix des modalités de prise en charge éventuelle des frais professionnels peut être, le cas échéant, un sujet de dialogue social au sein de l'entreprise et que l'allocation forfaitaire versée, le cas échéant, par l'employeur est réputée utilisée conformément à son objet et exonérée de cotisations et contributions sociales " dans la limite des seuils prévus par la loi ".
Attention : la déduction forfaitaire est une tolérance et ne résulte pas d'un texte opposable à l'administration. La prudence impose de conserver les pièces justificatives des frais professionnels ayant fait l'objet d'une prise en charge en cas de contentieux.
Tableau Urssaf sur l'évaluation des charges
L'Urssaf a établi un tableau très complet d'évaluation des frais engagés par les salariés en télétravail consultable sur son site (https://www.urssaf.fr/portail/home/taux-et-baremes/frais-professionnels/evaluation-des-frais-engages-par.html).
Pour en savoir plus
Manuelle Puylagarde, avocat en droit du travail chez MPS Avocat, médiateur agréé par le Conseil National des Barreaux / AME