Loi Macron : les 6 mesures qui ne passent pas
Le gouvernement a décidé, mardi 17 février 2015, de recourir à l'article 49-3 de la Constitution pour adopter en première lecture le projet de loi pour la croissance et l'activité. Voici les six mesures qui créent la polémique.
Je m'abonne1. L'actionnariat salarié encouragé
L'article 34 du projet de loi voté par l'Assemblée nationale prévoit, comme prévu dans le texte initial, plusieurs mesures sur les actions gratuites (AGA) et leur cadre fiscal. D'abord, en taxant les gains d'acquisition sous le régime des plus-values mobilières, qui permet de bénéficier d'un abattement de 50% pour les titres détenus depuis deux ans, et de 65% au-delà de huit ans. De plus, la contribution salariale spécifique est supprimée.
Du côté de l'entreprise, les contributions patronales passent de 30 à 20% de la valeur de l'action et elles ne seront dues qu'au moment de l'acquisition effective des actions, et non plus de l'attribution. L'employeur ne sera donc plus contraint de payer une contribution dans le cas où son salarié ne remplit pas les conditions d'exigibilité.
Par ailleurs, une franchise de cotisation patronale est prévue pour les PME n'ayant versé aucun dividende depuis trois ans.
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Le projet de loi, via l'article 35, prévoit également de faciliter l'accès aux bons de souscriptions de parts de créateurs d'entreprise (BSPCE). Les sociétés pourront désormais distribuer des BSPCE aux salariés de leurs filiales, si ces dernières sont détenues à 75% minimum par la société mère.
Si ces mesures sont globalement bien accueillies du côté du patronat, des députés de la gauche ont pointé le coût caché d'une telle mesure pour les finances publiques.
2. L'ordre des licenciements revu
Dans l'article 98, le projet de loi revoit le périmètre d'application des critères d'ordre des licenciements. Les entreprises soumises à l'obligation d'établir un plan de sauvegarde de l'emploi - entreprises d'au moins 50 salariés dont le projet de licenciement concerne au moins 10 salariés sur une période de 30 jours - pourront le mettre en oeuvre au niveau d'une zone d'emploi. Jusqu'ici, les critères (charges de famille, ancienneté, qualités professionnelles) étaient appréciés à l'échelle de l'entreprise tout entière.
Les députés socialistes frondeurs et l'UMP se sont exprimés contre cette mesure qui, selon eux, constitue une rupture d'égalité entre les salariés et un reniement du dialogue social.
L'article 99, lui, limite le contrôle de l'administration au licenciement de 10 salariés et plus dans les entreprises de moins de 50 salariés. En deçà, la validation, de rigueur depuis la loi de sécurisation de l'emploi de 2013, n'est plus nécessaire.
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3. Des plans sociaux proportionnés aux moyens de l'entreprise
Autre mesure suscitant le débat : celle de l'article 101, selon lequel "dans les entreprises en redressement ou en liquidation, le plan social devra être proportionné au regard des moyens dont dispose l'entreprise". Ceci permettrait à l'employeur de limiter les indemnités alors que, jusqu'ici, la loi se référait aux moyens du groupe dont il dépend.
La gauche démocrate et républicaine, ainsi que de nombreux députés de l'UMP ont dénoncé cette mesure.
6. L'ouverture dominicale
Sur décision du Maire, les commerces pourront ouvrir entre cinq et douze dimanches par an. Cependant, au-delà de cinq dimanches, l'élu local devra demander l'avis des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI).
Seuls les salariés volontaires pourront travailler le dimanche. Et ils auront le droit de changer d'avis. Par ailleurs, les partenaires sociaux devront définir, dans les deux ans, l'augmentation salariale due aux travailleurs du dimanche. A défaut d'accord, les commerces se verront refuser l'ouverture dominicale.
- Zones commerciales étendues
L'Assemblée Nationale a aussi défini les zones où les commerces pourront ouvrir tous les dimanches. Il s'agit de douze gares à forte fréquentation (Avignon TGV, Bordeaux, Lyon Part-Dieu, Marseille, Montpellier, Nice et les six gares parisiennes), mais aussi des zones commerciales où "l'offre commerciale et la demande potentielle sont particulièrement importantes."
Concrètement, il s'agit du remplacement des 41 Puce (dont 38 en Ile-de-France) créés par la Loi Maillé de 2009. Désormais, il n'est plus nécessaire d'appartenir à une agglomération d'au moins 1 million d'habitants pour faire partie d'une zone commerciale étendue. Celles-ci seront définies par décret.
- Zones touristiques internationales (ZTI)
Des zones touristiques internationales (ZTI) ont été créées par les députés. Ce sont des zones où "l'affluence touristique exceptionnelle, le rayonnement international et l'importance des achats réalisés par des touristes étrangers justifient l'ouverture des commerces." Pour l'heure, sont visés certains quartiers de Paris (comme les Champs-Elysées par exemple) et des villes côtières comme Deauville, Cannes ou Nice. Les ZTI seront définies par décret.
Les commerces appartenant aux ZTI pourront non seulement ouvrir tous les dimanches de l'année, mais aussi en soirée (de 21h à minuit). Comme pour le travail dominical, les partenaires sociaux devront trouver un accord. A noter que les salariés volontaires verront, au minimum, leur salaire doublé pour les horaires de nuit. Le transport à domicile et les frais de garde des enfants devront être pris en charge par l'employeur.
4. Le financement des entreprises
Un amendement vise à instaurer un contrat de partenariat, dans lequel un dirigeant disposant d'une trésorerie excédentaire peut octroyer un prêt à une autre entreprise avec laquelle elle entretient des liens économiques. Cette mesure, qui ne peut excéder une durée de deux ans, doit ainsi permettre de faciliter les prêts entre une entreprise et ses fournisseurs ou sous-traitants, sans passer par une banque.
Objectif: créer une faille dans le "monopole bancaire", dénoncé par le député Jean-Christophe Fromentin (UDI). "Les banques sont extrêmement réservées sur cette question de la trésorerie, parce que financer du court terme ne leur rapporte pas beaucoup d'argent, a déclaré le député lors des débats. L'extension de cette exception qui existe déjà à l'intérieur des groupes résoudrait une partie de ces financements à court terme".
Plutôt que d'autoriser le crédit interentreprises, le gouvernement n'a pas caché qu'il préfère avoir recours aux bons de caisse, plus flexibles. Il s'agit d'un outil permettant notamment à une entreprise de prêter à une autre entreprise pour des délais allant jusqu'à cinq ans.
5. Une révision des contrats franchisés
De nombreux acteurs de la franchise s'élèvent contre le projet de loi Macron. Première source de litige: la possibilité de limiter les contrats entre les franchiseurs et leurs affiliés à neuf ans. La volonté du gouvernement, est de laisser la possibilité aux commerçants indépendants "de modifier à échéances raisonnables leurs conditions d'affiliation, et de stimuler la concurrence des réseaux, au bénéfice des français". La Fédération du Commerce Coopératif et Associé (anciennement FCA) soulève la dangerosité de cette mesure car "la renégociation possible de ces conditions à chaque échéance créera alors périodiquement un climat d'insécurité pour leur propre commerce comme pour le réseau dans son ensemble".
Deuxième mesure qui fait débat : l'article L. 341-2, qui signe la fin des clauses contractuelles de non concurrence et de non affiliation. En d'autres termes, un franchisé qui décide de quitter un réseau peut rejoindre la concurrence dans les jours qui suivent la conclusion de son contrat (aujourd'hui les contrats prévoient des clauses de non concurrence post contractuelles de 12 à 24 mois). "Le projet de loi remet en cause ce qui est le fondement même de la franchise : le savoir-faire transmis par le franchiseur au franchisé, en interdisant au franchiseur de protéger efficacement son savoir-faire au moyen d'une clause de non concurrence à la fin du contrat", s'insurge la Fédération française de la franchise (FFF).
Une mesure qui divise dans les rangs des franchiseurs. Si certains s'alignent sur les réactions de la FFF, d'autres sont plutôt favorables à cet article. Pour Bruno Pain, fondateur et dirigeant de Carrément Fleurs, la loi Macron et son amendement sont une chance. " Le fait pour un franchisé de pouvoir, sans risque juridique, continuer son activité commerciale, ne l'exonère pas de supprimer les éléments du concept et du savoir-faire. Il ne peut plus utiliser la marque, l'architecture commerciale, les outils de communication, les logiciels, la centrale d'achat ou de référencement, les recettes spécifiques... Bien entendu, il saura comment faire mais pour autant, il sera obligé de tout rebâtir. Peu importe qu'il y ait ou non une clause de non concurrence, le contrat protègera encore contre les plagiats et les juges continueront de condamner les franchisés parasitaires".