[Tribune] Avoir des amis dans " l'arène " après le 11 mai
A partir du 11 mai, les entreprises devront mobiliser la sympathie qu'elles suscitent auprès de leur communauté pour rompre l'attentisme des consommateurs échaudés par la crise. Quelques pistes de réflexion pour sortir vivant de " l'arène " : être solidaire, local, en réseau et transparent.
Je m'abonneLe 11 mai sera un moment de vérité pour de nombreux commerçants et entreprises de services pouvant reprendre leur activité. Personne ne sait quel comportement les clients adopteront.
Un chômage partiel très généreux par rapport à d'autres pays, fait qu'en moyenne les Français ont un pouvoir d'achat presque intact, voire accru par l'épargne forcée. Tout va donc dépendre de leur volonté de dépenser, et auprès de qui. Il faudra des leviers puissants pour combattre la peur de l'avenir.
Clients et acteurs publics vont pouvoir sauver les entreprises qu'ils préfèrent
Qu'ils s'en rendent compte ou non, les clients disposeront collectivement du droit de sauver ou non un grand nombre d'entreprises qui ont un genou à terre avec cette crise.
Leurs achats seront autant de pouces levés pour " gracier " les combattants jugés valeureux dans l'arène ; leurs abstentions autant de pouces abaissés pour les commerçants et entreprises de services qui seront moins chers à leur coeur.
Les acteurs publics, locaux ou nationaux selon les cas, joueront aussi souvent un rôle. Ils amplifieront la " vox populi " ou décideront de certains sauvetages. La bonne implantation locale et le caractère " citoyen " primeront alors dans ces choix.
Pour les grandes entreprises, on le voit déjà. Les appels de Richard Branson demandant de l'aide (il a proposé son île privée en garantie d'un prêt public) pour renflouer sa compagnie aérienne, ne sont pas aussi efficaces que ceux des acteurs luttant visiblement pendant la crise sanitaire.
Citons à l'inverse la démarche d'Accor pour aider à faciliter la quarantaine des personnes contaminées : elle jouera sûrement un rôle dans les soutiens futurs de l'Etat, puis dans le retour des clients.
Quelques pistes pour avoir la faveur du public
Voici trois idées pour avoir des amis dans les gradins de l'arène au moment décisif :
Mettre en place un programme solidaire d'accès à ses services.
Des réductions ou gratuités se sont mises en place pour les soignants pendant le confinement : pourquoi ne pas imaginer de consentir des réductions ciblées pour des personnes sous condition de ressources ?
Cela offre la possibilité de communiquer positivement et d'accroître ses volumes à un moment critique, sans sacrifier ses marges par des rabais généralisés. Il s'agit d'être transparent avec ses clients habituels pour qu'ils acceptent de payer le prix habituel ou d'avoir une réduction moins forte que les nouveaux clients.
Dans les services liés à l'éducation, à la santé ou à la culture, cette démarche devrait être bien acceptée, si elle est cohérente avec les valeurs de l'entreprise.
Etre inclus dans des réseaux d'entraide locaux.
Les villes communiquent de plus en plus en faveur de leurs commerçants, voire parfois prennent en charge leurs loyers pendant le confinement. Il est probable qu'elles seraient prêtes à encourager d'autres initiatives lors du déconfinement.
Si les systèmes de monnaie locale sont encore rares, on voit se multiplier les bons d'achat utilisables chez les commerçants d'une commune. Les banques pourraient aussi être un relais utile.
Les clients soutiendront les commerçants et entreprises dont ils se sentent les plus proches.
Communiquer avec transparence sur sa situation auprès de ses clients et montrer sa qualité.
Plus vos clients, et les acteurs publics, comprendront que vous vous battez vaillamment pour sauver des emplois, plus ils lèveront le pouce pour vous sauver. Communiquer sur son histoire, son enracinement local et son apport à la communauté rafraîchira bien des mémoires.
Beaucoup d'entreprises de services seront tentées de baisser fortement leurs prix pour tenter de faire vite revenir la clientèle attentiste ; et de tailler très vite dans les coûts fixes et la qualité. Cependant le résultat risque de ne pas être à la hauteur si la crise de confiance est trop forte.
Un chemin sans doute plus payant est de maintenir voire augmenter sa qualité de service, d'être intransigeant sur les mesures sanitaires, qui vont être coûteuses et de communiquer énergiquement à ce sujet.
La bonne gestion de la trésorerie est capitale pour pouvoir choisir cette voie plus prometteuse.
Un nouveau mot d'ordre
Il s'agit donc de faire comprendre aux clients que le civisme consiste maintenant non plus à rester chez soi, mais à consommer en accord avec leurs valeurs profondes pour sauver des emplois utiles... et les leurs par la même occasion.
Pour en savoir plus
Michel Wendling est consultant en gestion d'entreprise. Il a exercé en PME dans des fonctions de cadre dirigeant, sur des postes commerciaux, financiers et RH, menant notamment à bien deux redressements d'entreprise. Il est également président fondateur de l'association d'éducation Ateliers Amasco.