Comment rebondir après un échec ? Un serial entrepreneur témoigne
Emmanuel Debuyck est un entrepreneur chevronné. Sa première entreprise a connu un dépôt de bilan mais, loin de se laisser décourager, il a choisi d'en tirer tout le bénéfice possible. Son "expérience", comme il l'appelle, a posé les fondements de sa seconde société, aujourd'hui valorisée plusieurs millions d'euros.
Je m'abonnePlus de 160 collaborateurs, des bureaux à Paris, Londres et New York pour ne citer que les principaux, une valorisation de plusieurs millions de dollars : Adwanted Group est une entreprise on ne peut plus florissante. Son dirigeant, Emmanuel Debuyck, l'a fondée il y a maintenant 12 ans, pour proposer trois activités : l'édition de logiciels, la collecte de data et l'édition de contenu. Or, ce n'est pas sa première entreprise : fraîchement sorti de son école de commerce, Emmanuel Debuyck se lance dans l'entrepreneuriat avec Sioux, une agence de publicité qui atteindra la cinquantaine de collaborateurs.
« Je l'ai développée depuis Lille : 16 années durant lesquelles j'ai eu l'opportunité de racheter un premier concurrent, un deuxième ensuite, puis un troisième. Ce rythme de croissance très soutenu représente un coût. Le besoin en fonds de roulement est difficile à financer. Pourtant, j'étais toujours en train de développer l'entreprise : nous réinvestissions tout ce que nous gagnions. » En parallèle, certains clients tardent à payer leurs factures... Et quand survient la crise financière de 2008, c'est l'alerte générale : les défauts de paiement se généralisent. Sioux doit survivre, malgré les mauvais payeurs.
Du redressement au bilan
Emmanuel Debuyck détient 100 % du capital de Sioux. Pour redonner du souffle aux finances de l'agence, il fait entrer un nouvel actionnaire qui intervient à travers deux versements : le premier permet d'éponger les dettes. Le second versement, celui qui doit alimenter le compte courant, n'arrive jamais. « Je découvre que ce nouvel entrant à mon capital est en situation de dépôt de bilan et qu'il ne l'a dit à personne », déplore l'entrepreneur. Il doit désormais geler les dépenses de l'entreprise et, pour cela, il n'y a qu'une seule solution : la placer en redressement judiciaire.
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À l'annonce de la nouvelle, les salariés paniquent et démissionnent en masse. L'effectif passe à 30 collaborateurs : un mal pour un bien car cela permet de réduire le coût de la masse salariale. Avec un pilotage mesuré et une discrétion assurée auprès des clients, Emmanuel Debuyck maintient son entreprise à flot. Malheureusement, la situation de Sioux finit par fuiter, affolant les clients. La plupart d'entre eux se rétractent. Pour l'entrepreneur, c'est la solution fatale : il doit déposer le bilan. « J'étais aussi en plein divorce. Mon monde s'effondrait... », partage Emmanuel Debuyck.
S'inspirer de la Silicon Valley
L'entrepreneur ne veut pas se laisser abattre : il sollicite l'aide de son coach et consent à aller voir une psy. « J'avais un réel besoin d'être accompagné, partage l'entrepreneur. Il me fallait un regard extérieur bienveillant. » Au bout de quelques mois, il se sent prêt à repartir. Il ressort de ses tiroirs un projet qu'il avait déjà en tête du temps de Sioux et qui constitue les premières briques d'Adwanted Group.
Cependant, les banques refusent de le suivre, refroidies par le précédent dépôt de bilan. La confiance d'amis proches, qui acceptent de lui donner un petit coup de pouce financier, lui remet le pied à l'étrier. Il peut aussi compter sur l'aide de l'incubateur EuraTechnologies à Lille, qui lui propose notamment une session de 10 jours en Californie pour rencontrer l'écosystème de la Silicon Valley. « Pour eux, le dépôt de bilan est un gage d'expérience ! », affirme l'entrepreneur. Il est désormais convaincu : Adwanted Group se déploiera aussi aux États-Unis.
Le voir comme une expérience
Pari réussi ! Adwanted Group est désormais une entreprise internationale. Son succès repose notamment sur l'expérience de son fondateur. « J'ai réussi, grâce à un accompagnement, à transformer cette épreuve en expérience positive. Je me suis même convaincu que je pouvais en tirer quelque chose de bénéfique », développe Emmanuel Debuyck. Pour lui, il faut certes accepter sa situation, mais ne pas se placer en victime. « Cela m'a aussi forgé une carapace : les petits bobos du quotidien, que l'on découvre au moment de lancer son entreprise, me paraissaient ridicules après un dépôt de bilan », assure l'entrepreneur.
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D'ailleurs, de son parcours, il retiendra aussi ceci : il refuse d'employer le mot "échec", s'inspirant ainsi de ses homologues américains. « Pour les Américains, l'échec, c'est quand on se plante et qu'on ne se relance pas. Ils préfèrent l'évoquer de manière plus élégante en disant "soit on réussit, soit on apprend". » Depuis trois ans, Emmanuel Debuyck accompagne à son tour de jeunes entrepreneurs, partageant volontiers son expérience avec eux. Il intervient même auprès de dirigeants d'outre-Atlantique.
Un conseil ?
« Il faut parler ! La stigmatisation de l'échec conduit les entrepreneurs à ne pas oser parler quand ils ont des difficultés, alors que c'est précisément à ce moment-là qu'il y a des gens bienveillants autour d'eux, prêts à donner un coup de main. L'aide que l'on reçoit alors nourrit la confiance en soi. »