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Lionel Roques : « Taxer davantage les entreprises, c'est affaiblir la France »

Publié par Antoine Fonfreyde le | Mis à jour le
Lionel Roques
Lionel Roques

Alors que le gouvernement instaure une surtaxe sur les grandes entreprises, Lionel Roques, fondateur du groupe Franco European et auteur de Laissez-nous bosser !, tire la sonnette d'alarme. Il dénonce une politique fiscale qui fragilise l'ensemble du tissu économique, des multinationales aux PME, et appelle à un changement de cap pour préserver l'investissement et l'emploi.

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Vous êtes à la tête du groupe Franco European. Pouvez-vous nous en dire plus sur votre parcours et votre entreprise ?

J'ai fondé le groupe en 1997, à l'époque centré sur l'événementiel. Il s'est ensuite structuré autour de quatre pôles : l'événementiel, la production audiovisuelle, les relations publiques (avec Yucatan) et enfin, la restauration, avec deux établissements en Suisse et en France. Aujourd'hui, nous sommes une entreprise totalement indépendante, employant une centaine de personnes et réalisant entre 80 000 et 100 000 couverts par an.

Le gouvernement vient d'annoncer une surtaxe exceptionnelle sur les entreprises réalisant plus d'un milliard d'euros de chiffre d'affaires. En tant qu'entrepreneur, comment percevez-vous cette mesure ?

Très mal. C'est la poursuite d'une politique économique erratique. Dans mon livre Laissez-nous bosser !, paru il y a un an, j'explique déjà à quel point l'économie française est en train de se bloquer. Les grandes entreprises hésitent à investir, les PME peinent à se projeter, et nos salariés, impliqués et légitimistes, ont l'impression de ne pas être reconnus.

On ne peut pas continuellement demander au secteur privé de compenser les déficiences du secteur public.

Les entreprises participent déjà largement au financement du pays à travers les charges, les cotisations, les impôts. Elles créent de la richesse, de l'emploi et de l'innovation. Cette surtaxe est un signal négatif, qui va inévitablement peser sur l'économie dans son ensemble.

Bernard Arnault a déclaré que cette surtaxe risquait de provoquer des délocalisations. Partagez-vous cette crainte ?

C'est une réalité déjà bien enclenchée. Emmanuel Macron se félicitait que la France soit le pays européen attirant le plus d'investissements étrangers, mais il omettait un point essentiel : les entreprises françaises investissent deux fois plus à l'étranger.

L'État choisit de taxer davantage les entreprises qui restent en France, alors même qu'elles tirent une grande partie de leurs bénéfices de l'international. Le risque, c'est un sous-investissement chronique sur notre territoire. Et au-delà de l'aspect fiscal, il y a un climat délétère : les dirigeants d'entreprises sont désormais ouvertement critiqués, insultés, ce qui contribue à décourager toute dynamique entrepreneuriale.

Le gouvernement justifie ces mesures par la nécessité de réduire la dette publique, notamment creusée par la crise sanitaire. Cette approche vous semble-t-elle justifiée ?

Non, et c'est une erreur de lecture. La dette publique n'est pas le fait des entreprises. Sur les 1 000 milliards de dette accumulés sous Emmanuel Macron et Bruno Le Maire, 600 milliards sont liés aux retraites, 200 milliards à l'Ukraine et au Covid. Quant aux « aides aux entreprises », elles ont été immédiatement réinjectées dans l'économie et ont permis de créer de l'emploi.

Le problème de fond, c'est que l'État refuse de se remettre en question. Il empile les normes, complexifie la fiscalité, et ne se réforme jamais. À un moment, il faut arrêter d'alourdir la charge sur ceux qui créent de la richesse et revoir en profondeur le modèle économique du pays.

Que faudrait-il faire pour relancer l'investissement des entreprises en France ?

D'abord, arrêter de les entraver avec une bureaucratie paralysante. Ce n'est pas seulement un problème pour les PME : même Airbus dénonce aujourd'hui l'impact des lourdeurs administratives. L'agilité est un facteur clé pour la compétitivité, et la France l'étouffe par une complexité administrative excessive.

Nos salariés ne gagnent pas assez, alors qu'ils nous coûtent trop cher.

Ensuite, il faut baisser les charges salariales et patronales. Nos salariés ne gagnent pas assez, alors qu'ils nous coûtent trop cher. C'est le paradoxe du modèle français : on fait peser une grande partie du financement du système social sur le travail, ce qui le rend non viable dans une économie ouverte. Il faudrait explorer d'autres pistes, comme une taxe sur le chiffre d'affaires non récupérable en échange d'une réduction significative des charges.

Votre groupe est implanté en France et en Suisse. Constatez-vous des différences en matière de réglementation et d'attractivité économique ?

C'est le jour et la nuit. Il n'y a aucune raison que la Suisse fonctionne mieux que la France, et pourtant, son modèle est infiniment plus efficace. En France, nous avons des entrepreneurs talentueux, des salariés engagés, mais un État qui complique tout et qui punit au lieu d'encourager. Il est temps de comprendre que rien ne se fera sans les entreprises.

Depuis plusieurs mois, une grogne monte chez les entrepreneurs, y compris dans d'autres pays européens. Pensez-vous que le gouvernement finira par entendre ces alertes ?

Je l'espère. J'ai écrit Laissez-nous bosser ! parce que je ne comprenais pas pourquoi personne ne prenait la parole. Aujourd'hui, des chefs d'entreprise de premier plan commencent à parler, ce qui est une bonne chose.

Mais il y a une vraie déconnexion entre les décideurs politiques et l'économie réelle. Le secteur privé, c'est 21 millions de salariés et 64 % de la richesse du pays. Ne pas l'écouter, le mépriser, c'est une folie. Il faut revenir à des fondamentaux : encourager l'investissement, récompenser la prise de risque, et cesser d'opposer systématiquement secteur public et secteur privé.

Vous restez optimiste malgré tout ?

Si on n'est pas optimiste, on n'entreprend pas.

La dissolution et l'instabilité politique ont-elles un impact sur vos décisions d'investissement ?

Bien sûr. Tout est figé. L'incertitude est totale. Je constate autour de moi des entrepreneurs qui reportent leurs projets, qui hésitent à embaucher. Les chiffres que nous voyons aujourd'hui ne sont que le début : les conséquences économiques de cette période instable seront visibles dès 2025, et elles seront sévères.

Un dernier message à l'attention de nos décideurs ?

Le temps est venu de se faire entendre. Il faut arrêter de mépriser ceux qui font tourner l'économie.

 
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