Facturer des management fees via votre holding ? Oui, c'est désormais possible !
Lorsqu'un dirigeant de société facture des management fees via sa holding, des questions fiscales se posent. Le Conseil d'Etat vient de rendre une décision favorable aux dirigeants sur la déductibilité de ces sommes, en rappelant que de telles management fees ne sont pas anormales en soi.
Je m'abonneCette décision du 4 octobre dernier est un éclaircissement bienvenu du Conseil d'Etat concernant la rémunération indirecte des dirigeants. Dans de nombreux groupes et en particulier ceux sous LBO, les dirigeants sont rémunérés à leur souhait par le biais de contrats de prestation de services via leur holding. Cette pratique génère des risques fiscaux importants, en particulier du fait du « doublon » entre le paiement de ces management fees et les attributions du dirigeant/mandataire social, souvent actionnaire unique de sa holding. La déductibilité de ces management fees pour la société qui les verse était challengée sur le fondement d'une jurisprudence fêtant tout juste ses 20 ans, dite « Gamlor ».
La rémunération indirecte d'un dirigeant n'implique pas nécessairement un acte anormal de gestion
En matière de convention de prestation de services dite « management fees », lorsque le prestataire n'a rien à voir avec le bénéficiaire et que les prestations sont réelles, ce type de contrat ne pose généralement pas de problèmes. Cependant, la situation devient plus complexe lorsque deux sociétés partagent le même dirigeant, et par le biais de ces conventions la société A confie à la société B la réalisation des missions de direction qui incombent déjà personnellement à ce dirigeant en qualité de gérant ou dirigeant de la société A.
Dans de tels cas, l'administration fiscale (appuyée par la jurisprudence historique) estime que la convention peut faire doublon avec les missions de direction dévolues au dirigeant compte tenu de ses fonctions, et le paiement des honoraires constitue un acte anormal de gestion, non déductible fiscalement du résultat du groupe.
Dans un rare revirement de jurisprudence favorable aux contribuables, le Conseil d'Etat affirme tout d'abord que le simple fait que le contrat de management fees externalise des fonctions de direction, qui auraient normalement dû être exercées en interne par le gérant ou dirigeant, ne suffit pas à conclure qu'il s'agit d'un acte anormal de gestion (exit la position prise dans l'arrêt Gamlor de 2003).
En effet, un acte anormal de gestion suppose que la société subisse un appauvrissement à des fins étrangères à son intérêt. Mais dans cette affaire, la rémunération indirecte permettait au contraire de réduire les coûts liés à la gestion de la société, en réduisant le coût « chargé » de la rémunération totale du dirigeant porté par la société. Du point de vue des juges, ce mode de rémunération constitue un simple choix de gestion de la société, qui ne peut être remis en cause fiscalement sur ce seul fondement.
Lire aussi : Travail contre equity : de l'intérêt de rémunérer ses dirigeants et prestataires en capital
Et maintenant, tout est permis ?
Attention toutefois, il faut rester prudent en la matière : le recours aux management fees via la holding du dirigeant ne doit être envisagé que dans des circonstances le justifiant : lorsque les organes sociaux compétents ont réellement l'intention de rémunérer indirectement le dirigeant via ces honoraires, que le paiement n'est pas dépourvu de contrepartie et que la rémunération totale n'est pas excessive, ou encore lorsque cette structuration permet effectivement au dirigeant d'accomplir ses fonctions dans des conditions à la fois meilleures et différentes de celles dans lesquelles il les aurait accomplies seul.
Cette décision est une excellente nouvelle, mais elle ne vient pas consacrer un principe général et absolu de validité des conventions de management fees. Elle trace de nouvelles lignes directrices pour des schémas valides en matière de rémunération indirecte, tout en laissant la porte ouverte à des contrôles fiscaux si ces principes ne sont pas respectés.
Lire aussi : Contrôle fiscal d'entreprise : pourquoi vous ?
Par ailleurs, cette évolution jurisprudentielle concerne la déduction fiscale des honoraires pour la société. Il est essentiel de ne pas négliger les autres aspects fiscaux, tels que la déductibilité de la TVA sur les honoraires ou les implications fiscales personnelles du dirigeant, avec ou sans requalification desdits honoraires en revenus d'une autre nature.
En outre, cette jurisprudence fiscale n'est pas transposable en droit des sociétés : en la matière, la légalité de ce mode de rémunération reste sujet à débat. En ce sens, la Cour de cassation maintient une approche stricte sur la validité de ces conventions, qu'elle peut réputer nulles et non avenues.
Dans ce contexte, il est recommandé de rester attentif à la rédaction des stipulations des conventions de management fees, en définissant notamment de manière précise les services rendus, en veillant à ce que la convention soit en accord avec l'intérêt social de la société bénéficiaire des prestations et en s'assurant que ce mode de rémunération ait été validé par les organes compétents.
Avocat Associé chez Moncey Avocats, Frédéric Bosc intervient sur les aspects fiscaux des opérations de M&A et de private equity. Il est particulièrement impliqué sur la structuration et mise en oeuvre d'opérations de LBO et de management packages et accompagne entreprises, dirigeants et fondateurs dans la gestion quotidienne de leurs enjeux fiscaux. Il intervient également régulièrement dans le cadre de restructurations d'entreprises, de contrôles et contentieux fiscaux.