Rembourser ou ne pas rembourser tout de suite son PGE, that is the question...
La majorité des TPE PME ayant contracté un PGE ne l'ont pas ou peu utilisé selon le dernier baromètre Bpifrance Le lab/Rexcode. Dès lors est-il plus judicieux de rembourser son PGE dès que possible ou plutôt de profiter du sursis d'un an proposé par l'Etat ? L'éclairage de Maître Arnaud Moussatoff.
Je m'abonneSelon le dernier baromètre Bpifrance Le Lab/Rexecode, publié il y a quelques jours, la part des PME et TPE qui ont mobilisé la quasi-totalité de leur PGE reste limitée (23%). 70% disent en avoir utilisé une faible part, ou même, ne l'ont pas entamé. Dans ces conditions, est-il plus judicieux de rembourser son PGE dès que possible ou de profiter du sursis d'un an offert par l'Etat et les banques? La question se pose évidemment aussi pour les entreprises qui ont consommé leur PGE. Le point de vue d'Arnaud Moussatoff, avocat associé chez Brown Rudnick.
> Il semblerait qu'une partie assez importante des TPE et PME ayant contracté un PGE n'en ont finalement utilisé qu'une petite partie, voire pas du tout. Que leur conseillez-vous ? Doivent-elles commencer à rembourser dès à présent leur PGE ou plutôt profiter de la possibilité de l'année de franchise supplémentaire ?
La question se pose effectivement. Et elle se pose maintenant, sans délai, car il est prévu que les entreprises et leurs banques définissent le plan d'amortissement deux mois avant la fin de la première année de franchise de remboursement. Or, les premiers PGE ont été souscrits dès fin mars 2020, début avril. Dans l'état actuel des choses, il faudra qu'ils soient remboursés sur une durée maximale de 6 ans avec la possibilité de bénéficier d'une année de franchise supplémentaire (hors intérêts). Les taux que les banques se sont engagées à pratiquer sont de 1 à 1,5% pour des plans de remboursement d'un à trois ans et de 2 à 2,5% pour des plans de remboursement de 4 à 6 ans.
La question du choix des modalités de remboursement se pose différemment selon le profil des entreprises (TPE/PME/ETI et grands groupes) et selon leur santé financière.
> Quels sont les paramètres à prendre en compte ?
A mon sens, ils sont au nombre de deux. D'une part, il y a la nécessité de disposer de la trésorerie nécessaire pour faire face à son besoin en fonds de roulement. D'autre part, il y a la nécessité de diminuer son ratio d'endettement afin de pouvoir investir et rester compétitif. Ces deux paramètres mènent à deux décisions différentes. Les entreprises se retrouvent ainsi face à une équation difficile reposant sur deux paramètres qui s'opposent. Si on se positionne du point de vue du premier critère, on va favoriser un plan de remboursement long. Mais si on se positionne du point de vue du second, on penchera plutôt du côté d'un échéancier plus court, même si le coût de l'argent est bas aujourd'hui.
Fnac Darty a annoncé cette semaine rembourser la totalité de son PGE de 500 millions d'euros mais ce groupe a une activité résiliente face à la crise, il a même enregistré un chiffre d'affaires en progression pour 2020. Il n'est donc pas surprenant qu'il décide de rembourser son PGE. Pour d'autres entreprises, la question est plus complexe. Elles doivent financer leur BFR, dans un contexte incertain mais aussi être attentives à préserver leurs capacités d'investissement pour être en mesure de préparer le rebond. Pour cela, elles doivent abaisser leur niveau d'endettement et/ou renforcer leurs fonds propres.
> Les TPE/PME et les grandes entreprises sont-elles à armes égales face à cette question ?
Non certainement pas. On sait très bien que les ETI et grands groupes disposent de leviers de financement bien plus nombreux que les petites entreprises. L'arbitrage sur le remboursement est donc plus épineux pour ces petites structures.
> Quelles options alors ?
Il s'agit de trouver le bon équilibre entre les deux paramètres. Je suggère de restructurer la dette ancienne et de renforcer les fonds propres. Sur ce dernier point, la loi de finances 2021 propose plusieurs dispositifs comme la réévaluation des immobilisations incorporelles et financières sans fiscalité immédiate. Il y a aussi depuis peu les prêts participatifs et les obligations subordonnées, mais qui ne s'adressent pas aux TPE. Tout cela permet de renforcer les fonds propres et de redonner de la capacité à investir. Autre possibilité : aller chercher des fonds extérieurs. On sait qu'il y a aujourd'hui des liquidités importantes disponibles.
Il est aussi possible que l'Etat adapte les règles du jeu si la sinistralité des petites entreprises devient trop importante, avec des possibilités d'échéancier pour les PGE au-delà de 6 ans, auquel cas ces prêts deviendraient presque des capitaux propres. Il n'est pas impossible que l'Etat revoit sa copie sur ce sujet.
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