Le Crédit d'Impôt Innovation, un dispositif mal aimé ?
Le Crédit d'Impôt Innovation est un dispositif ayant pour vocation de promouvoir la compétitivité des PME en soutenant leurs efforts pour créer de nouveaux produits. Pourtant, elles sont encore peu nombreuses à en profiter ...
Je m'abonneLe crédit d'impôt innovation (CII), instauré en 2013 comme une extension du crédit d'impôt recherche (CIR), est un dispositif fiscal instauré pour renforcer et soutenir la compétitivité des PME innovantes en France, qui ne font pas forcément de la R&D.
Une récente évaluation du dispositif par l'Insee sur la période 2009-2016 montre l'impact positif du CII sur les PME bénéficiaires :
- Un meilleur développement économique global en termes d'emploi, de chiffre d'affaires ;
- Une incitation à proposer des produits supplémentaires originaux avant l'introduction du CII.
Au lancement du CII, la cour des comptes a estimé son coût en régime de croisière à 300 millions d'euros. Pourtant, en 2019, il représente seulement 166 millions d'euros. Pourquoi ce delta ?
A l'heure d'une crise sanitaire sans précédent, un CII " étendu " serait un outil puissant pour aider les entreprises françaises à surmonter les dommages liés au ralentissement général d'activité.
Qui peut actuellement bénéficier du CII et à quelle hauteur ?
Les PME industrielles, commerciales, artisanales et agricoles répondant à la définition de la Communauté européenne, soit un effectif inférieur à 250 salariés et un chiffre d'affaires inférieur à 50 millions d'€ ou un total du bilan inférieur à 43 millions d'euros peuvent en bénéficier.
L'assiette du CII est constituée des dépenses liées à la conception de prototypes et aux installations pilotes de nouveaux produits. Ces dépenses sont limitées à 400 000 euros par an et à un taux de crédit d'impôt de 20 % (ou 40 % dans les départements d'outre-mer et en Corse).
Quels sont les critères d'éligibilité ?
Le prototype ou l'installation pilote du nouveau produit doit présenter des performances supérieures mesurables sur le plan technique, des fonctionnalités, de l'ergonomie ou de l'écoconception par rapport aux produits commercialisés par les concurrents (marché de référence) à la date de début des travaux.
Quels secteurs en profitent le plus ?
La dépense fiscale afférente au CII a connu une nette progression depuis sa création en 2013, passant de 68 millions d'euros en 2014 à 157 millions d'euros en 2017, même si elle ne représente qu'environ 2,5 % de la dépense fiscale associée au CIR1.
En 2015, dernière année pour laquelle des données sont disponibles, 6 088 entreprises ont déclaré des dépenses au titre du CIR/CII ou du CII. La moitié des entreprises bénéficiaires a moins de 10 salariés.
Seulement 4 % des entreprises bénéficiaires atteignent le plafond de 400 000 euros, les plus grosses PME (100 à 249 salariés) se rapprochant de ce plafond, avec des dépenses moyennes de 335 K€4 5. Le CII est majoritairement perçu par des entreprises de services (69,7% de la créance) suivies par les entreprises du secteur Conseil et assistance en informatique (38,6 % de la créance).
Au contraire de la distribution régionale des bénéficiaires du CIR, avec une prédominance de la région Ile-de-France, la dépense est beaucoup moins concentrée pour le CII.
Quels sont les freins au CII ?
Nous faisons le constat qu'ils sont de différentes natures :
- Même si les dispositifs CIR (amont) et CII (aval) sont censés être complémentaires, la délimitation entre les deux est encore perçue comme incertaine et confuse pour les entreprises6 ;
- La peur du contrôle fiscal est également un frein à la déclaration du CII ;
- Le gouvernement, souhaitant évaluer l'efficacité du dispositif, l'a borné jusqu'au 31 décembre 2022 dans le cadre de la loi de finance 20207.
Sa pérennité questionne donc les entreprises.
Quelques sages conseils
Vous devez démontrer l'atteinte des performances supérieures par votre nouveau produit sur la base des résultats des tests menés sur le prototype. Alors capitalisez sur les études de marché et les activités menées, les variables quantitatives mesurées et n'oubliez pas que le prototype ne doit pas être vendu (car au sens du CII, un prototype n'est pas destiné à être mis sur le marché) !
Également en cas de doute, il est possible de demander un avis préalable à l'administration fiscale concernant l'éligibilité d'un projet au CII. Il s'agit d'un réel levier de sécurisation même s'il reste peu exploité (103 rescrits traités en 2016 puis 106 en 2017).
Quelques mesures pour faire face à la crise sanitaire
Compte tenu de l'impact de l'épidémie de coronavirus sur l'activité économique, des mesures exceptionnelles seraient à suggérer au gouvernement pour soutenir les entreprises innovantes comme déplafonner l'assiette des dépenses éligibles au CII ou bien aligner l'intensité d'aide pour les entreprises innovantes à celle du CIR.
Samnang Ang est Expert en Financement de l'Innovation au sein du département Sciences de la Vie chez Ayming. Titulaire d'un Master en Management et en Ingénierie & Matériaux auprès de l'ESIEE Management, Il intervient depuis plus de 13 ans auprès des start-up et industriels sur le Crédit d'Impôt Recherche et le statut de Jeune Entreprise Innovante.
Sabrina Biarrotte-Sorin est Experte Scientifique en Financement de l'Innovation au sein du département Sciences de la Vie chez Ayming. Titulaire d'un doctorat en Biophysique Moléculaire, elle accompagne depuis 11 ans les start-up et industriels sur le Crédit Impôt Recherche et plus particulièrement sur le dossier de justification technique.