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Nicolas Dufourcq (Bpifrance) : "Dirigeants, c'est le moment d'investir"

Publié par Eloise Cohen le | Mis à jour le
Nicolas Dufourcq (Bpifrance) : 'Dirigeants, c'est le moment d'investir'

Créée en 2013, Bpifrance s'est imposée comme un acteur incontournable du paysage bancaire français. À sa tête, Nicolas Dufourcq prône une banque de proximité qui fait autant de la psychologie que du financement.

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Chef d'Entreprise: Quel manque la création de Bpifrance en janvier 2013 a-t-elle comblé dans le paysage bancaire national?
Nicolas Dufourcq: Déjà, il est certain qu'elle avait toute sa place. La rapidité avec laquelle elle s'est inscrite dans le paysage financier montre à quel point le besoin de financement était important sur la trésorerie des TPE et PME, sur les prêts sans garantie, sur le financement de l'innovation ou encore sur le capital-développement des PME... et je ne parle pas du financement de l'export! Par ailleurs, la banque à l'écoute du client, proactive et nomade, avait progressivement disparu du marché. Or, de cette "banque médecin de campagne", les entreprises en avaient vraiment besoin. C'est pourquoi nous avons doublé nos interventions en trois ans.

La création de Bpifrance a-t-elle challengé certains acteurs bancaires?
Notre arrivée en cofinancement des banques a en effet entraîné de nombreux effets de second rang. D'abord, les banques ont modifié leur vision des PME et ETI. Elles se sont aperçues que nous obtenions des résultats commerciaux très satisfaisants dans un marché considéré comme déprimé. Jusqu'ici, les banques assuraient qu'il n'y avait pas de demandes de crédits et que les entrepreneurs ne montraient pas d'appétence pour l'investissement. Bpifrance a montré que la demande de crédit était bel et bien là, à condition que l'offre soit adaptée. Nous avons commencé par rencontrer les dirigeants pour les encourager à investir.

Conséquence: toutes les banques sont aujourd'hui revenues massivement sur le marché, mais pas encore pour toutes les catégories de financement. Elles font très peu de crédit sans garantie, plus risqué, très peu de financement de l'innovation et restent exigeantes tant sur celui de la trésorerie que sur le capital-développement PME ou le capital-risque...

Les banques jouent-elles toujours le jeu du financement des TPE et PME?
Aujourd'hui, c'est en effet le cas, dans le champ de contraintes qui est le leur. Pour les signatures de projets "bankables", elles sont aujourd'hui à la manoeuvre. Les TPE conservent de significatives difficultés de financement, notamment sur leurs projets de développement. On exige d'elles d'importantes garanties. Il est vrai qu'elles représentent un risque plus élevé et c'est pourquoi nous avons d'ailleurs lancé pour elles un prêt sans garantie.

Vous garantissez les prêts à hauteur de 8 milliards par an. Comment financez-vous leur défection?
Ce risque, certain, est couvert par des fonds de garantie dotés par l'État à hauteur de 4 milliards d'euros. Nous consommons chaque année entre 80 et 100 millions d'euros.

Vous accordez 6 milliards d'euros de prêts de trésorerie, sans lesquels, il y aurait, selon vous, des dizaines de faillites en France. Sur quels critères les accordez-vous?
L'entreprise doit avoir plus de trois ans et, idéalement, être bénéficiaire. Pour celles qui ne le sont pas, nous préfinançons le CICE, qui est une créance de l'État. Nous pouvons alors accompagner des sociétés plus risquées que pour le crédit pur à l'investissement.

Concernant les prêts à l'investissement, Bpifrance finance sans gage sur actif. Mais, encore une fois, comment financer ce risque?
Nous le faisons pour 2 milliards sur 6. Nous le finançons de la même manière, avec des fonds de garantie. Et ceci n'a absolument rien coûté à l'État en 2015 car, pour ces fonds, Bpifrance a cotisé 36 millions et nous avons "utilisé" la même somme. En 2016, nous aurons probablement besoin de plus, mais nous ne savons pas encore à quelle hauteur.

Quand on est à la tête de Bpifrance, peut-on rester critique par rapport aux orientations fiscales et économiques du gouvernement?
Notre devoir de réserve ne nous empêche pas de relayer les perceptions des entrepreneurs. En 2012-2013, ces derniers vivaient comme prédatrices les taxations sur les plus-values de cession. Nous avons fait passer ce message au sommet de l'État, qui est revenu en arrière. Idem sur le droit du travail, la pénibilité, la réglementation des stages.


Que pensez-vous de la loi El Khomri?
Notre rôle est de faire saisir aux dirigeants les bénéfices de certaines avancées. La loi El Khomri, c'est quand même le début d'une grande décentralisation de la négociation collective. L'assouplissement de l'accès aux crédits inter-entreprises, les réformes des conditions d'accès au chômage partiel, l'inversion de la hiérarchie des normes, la réduction des délais aux prud'hommes, ainsi que les barèmes, même indicatifs, des indemnités de licenciement...
Toutes ces mesures contribuent à la simplification de la vie quotidienne des entreprises. Alors certes, la négociation sociale en France fonctionne aux compromis. D'où le compte pénibilité ou encore l'obligation d'information des salariés préalablement à la vente de l'entreprise. Il s'agit de contreparties correspondant à l'équilibre des forces françaises aujourd'hui. Et c'est ce que nous disons aux entrepreneurs.
En bref, nous sommes bilingues: nous conseillons le bon sens, la simplification et le retour à la réalité à ceux qui font la loi, les élus et les bureaux, et nous demandons aux dirigeants d'être magnanimes tant il est complexe de gérer une société moderne.

Quel est, selon vous, le plus grand défi des dirigeants de PME françaises?
Pour les TPE, il s'agit du financement du BFR et l'absorption de la complexité administrative et fiscale. Pour les PME, c'est le recrutement des hauts potentiels leur permettant de devenir des ETI, sans oublier la rupture de la solitude, le financement de l'innovation, de l'immatériel, des intangibles.

Quel conseil donneriez-vous aux chefs d'entreprise?
La croissance européenne repart, l'equity est partout et les emprunts sont presque gratuits. L'argent est là, les taux sont bas. N'hésitez plus à investir et foncez!

Quels sont vos objectifs de rentabilité?

Ils sont compris entre 3,5 et 4% sur l'ensemble de nos activités. En 2013 et 2014, nous avons fait 4%, tandis qu'en 2015 nous sommes montés à 6,5%... car la rentabilité dépend énormément des plus-values réalisées sur des cessions de participation.

Sur la partie strictement bancaire, crédit et prêt, nous atteignons 7%, contre 10% pour une banque classique. C'est cette différence qui nous permet de prendre beaucoup plus de risques.

Comment Bpifrance parvient-elle à concilier deux objectifs parfois contradictoires, à savoir atteindre ses objectifs de rentabilité et soutenir des entreprises dites risquées?

Déjà, il faut savoir que nous ne finançons que des entreprises saines. Mais lorsque nos clients rencontrent des difficultés, nous ne les abandonnons pas. Cette fidélité et cette loyauté qui nous caractérisent, nous la devons aux cordes de rappel de l'État.

En mer calme, tous les bateaux sortent, c'est la régate, c'est formidable. Mais dans la tempête, tous rentrent au port, seul un reste en mer, c'est Bpifrance. Nous sommes des banquiers patients qui, tel le guide de haute montagne, restent avec leur client quelle que soit la météo.


En quoi Bpifrance est-elle différente des acteurs bancaires traditionnels?

Nous faisons de la psychobanque, c'est-à-dire que nous traitons le sujet de l'investissement comme il doit l'être, à savoir par la psychologie. Lorsque vous achetez un canapé, c'est que tout va bien chez vous. L'entrepreneur, c'est exactement la même chose. Quand il décide d'acquérir une machine, de changer son système informatique, c'est que son horizon s'est éclairci.

En 2012 et 2013, face à la vision très morose du business, nous avons dû commencer par dédramatiser, expliquer la situation, redonner confiance et apaiser non seulement les peurs, mais aussi un certain nombre de colères. Depuis, nous avons accru nos missions d'accompagnement pour atteindre sur l'année 900, contre 200 en 2015. Les entrepreneurs peuvent être méfiants envers les consultants, mais ceux qui se prêtent au jeu découvrent l'énorme valeur du conseil.

Notre rôle est de mettre en relation les uns avec les autres, de faire tomber les préjugés, d'accompagner les PME françaises dans les défis de la transformation digitale, de l'innovation et de l'export. Et cette offre, aucune autre banque ne la propose.

 
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