Combien vaut votre entreprise?
Votre décision est prise : vous souhaitez vendre votre entreprise. Une question centrale se pose : son prix. Comment le déterminer ? Sur quelles bases argumenter avec le futur acquéreur ? Quels sont les éléments à prendre en compte ? Ce diagnostic financier repose sur quatre méthodes d'évaluation.
Je m'abonneUne entreprise au savoir-faire reconnu, parfois centenaire, une clientèle solide, un emplacement privilégié... les dirigeants ne manquent pas d'arguments à faire valoir lors de la cession de leur entreprise. Et pourtant, la réalité est loin d'être si simple. " Si l'écart entre la valeur d'une société et son prix de vente est inférieur à 5 % dans 70 % des transactions effectuées, cela n'est pas forcément le cas pour les entreprises artisanales " , confie Édouard Cornut-Chauvinc, expert-comptable et commissaire aux comptes au sein du cabinet Orfis Baker Tilly.
Les écarts sont souvent importants pour la simple et bonne raison que les artisans ont en tête une valeur très sentimentale de leur TPE. " Un dirigeant implanté à Lyon souhaite vendre son fonds de commerce 1 million d'euros, alors que nous l'avons estimé 400 000 euros. Conséquence : en trois ans, il n'a toujours pas réussi à céder son entreprise ", déplore Édouard Cornut-Chauvinc. Pour éviter de se retrouver dans une situation similaire, deux recommandations sont à suivre. La première, selon Pierre-Arnaud Conchon, responsable du département corporate finance au sein du groupe Monassier, est de présenter un historique de l'entreprise avant même d'évaluer son prix.
" Pour valoriser au mieux une entreprise et en tirer le meilleur prix, il faut mettre en avant son histoire, son avenir et ses opportunités de développement. Autant d'éléments qu'un acquéreur ne connaît pas. Il va acheter une histoire, une activité, un avenir et des opportunités de développement. Le cédant doit donc valoriser tous ces éléments et préciser la raison de la vente de son entreprise. La préparation de la sortie au regard des clients aura une incidence directe sur la négociation et la valeur de la transaction. "
La deuxième façon de réussir sa transaction, et d'approcher un prix juste et raisonnable pour le repreneur, consiste à s'appuyer sur différentes méthodes d'évaluation. " L'intérêt étant de mixer les résultats de plusieurs approches afin d'obtenir non pas un prix, mais une fourchette de valeurs " , estime Édouard Cornut-Chauvinc. Voici quatre méthodes couramment utilisées.
1. L'évaluation par barème ou la méthode comparative
Technique couramment utilisée pour les entreprises individuelles, les activités de services et les fonds de commerce, la méthode comparative, également appelée "évaluation par barème", est facile à mettre en place. Elle consiste à vous comparer à d'autres entreprises présentant un profil très proche, voire identique, et à calculer la valeur théorique de votre structure d'après un barème ou un coefficient multiplicateur couramment observé dans le même secteur d'activité et dans la même zone géographique. Le barème fréquemment utilisé est celui publié par les éditions Francis Lefebvre. Concrètement, pour déterminer un prix de vente, il suffit de multiplier le coefficient multiplicateur (très souvent un pourcentage) par la moyenne de vos trois derniers chiffres d'affaires.
Une entreprise de carrelage est généralement évaluée entre 10 et 15 % de son chiffre d'affaires annuel, une structure d'électricité générale entre 15 et 30 %, et de maçonnerie-couverture entre 20 et 30 %. Prenons l'exemple d'un électricien qui réalise 250 000 euros de chiffre d'affaires en moyenne sur les trois derniers exercices. La valeur de l'entreprise est alors estimée entre 37 500 euros (250 000 x 15 %) et 75 000 euros (250 000 x 30 %).
Autres exemples: une boutique de prêt-à-porter est généralement évaluée entre 40 et 100% du CA TTC, un fleuriste entre 40 et 80% du CA TTC, un coiffeur entre 65 et 130% du CA TTC. Si un boulanger réalise 250 000 euros de CA en moyenne sur les trois derniers exercices, la valeur du fonds sera alors estimée entre 150 000 et 275 000 euros (250000x110%).
2. L'évaluation patrimoniale
Cette méthode est à privilégier dans les commerces et pour les entreprises de forme sociétale (SARL, EURL, SA...). Pour obtenir le prix de votre entreprise, l'équation est simple : il faut évaluer les actifs corporels et incorporels (en tenant compte des plus-values latentes, c'est-à-dire de vos plus-values potentielles qui n'ont pas encore été concrétisées) et en soustraire la valeur des dettes, comme les provisions de départ à la retraite d'un salarié, les impôts différés ou les coûts de remise en état d'un site, par exemple. À ce montant, il convient d'ajouter le niveau de vos capitaux propres afin d'obtenir la valeur de votre société.
" Le fonds de commerce est estimé en fonction de l'emplacement, de la durée du bail, du capital humain et de la clientèle, qui peut être définie en fonction de son rythme de passage et de son panier moyen " , détaille André-Paul Bahuon, expert-comptable et président de la compagnie des conseils et experts financiers (CCEF).
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3. L'évaluation par un multiple de résultat
Pour les structures plus importantes (au-delà de 10-20 salariés), il est également possible d'opter pour la méthode de la rentabilité, également appelée évaluation par un multiple de résultat. La valeur de l'entreprise dépend, ici, de sa capacité à générer du profit. Elle s'adresse idéalement à des structures dont le résultat courant avant impôt, ou l'excédent brut d'exploitation, est relativement stable sur les trois dernières années.
Pour obtenir un prix, il suffit d'appliquer à l'EBE ou au résultat net corrigé un coefficient multiplicateur et de le pondérer en fonction de critères comme la renommée, une situation monopolistique, etc. Le coefficient dépend, en l'espèce, de votre secteur d'activité et il évolue généralement de 3 à 7. Plus il est considéré comme risqué, plus le multiple est faible. À l'inverse, une entreprise va d'autant mieux être valorisée si elle possède un fort potentiel de croissance.
" L'expert-comptable ou le cabinet de mise en relation entre l'acheteur et le vendeur va estimer le coefficient en fonction du secteur et des opérations habituellement réalisées dans ce même domaine " , confie André-Paul Bahuon.
4. L'évaluation par les flux de trésorerie prévisionnels
Les entreprises qui enregistrent une forte croissance peuvent utiliser l'évaluation par les flux de trésorerie prévisionnels, également appelée "DCF", pour discounted cash-flows. La valeur de la société équivaut à la somme des flux de trésorerie prévisionnels et actualisés susceptibles d'être dégagés les cinq prochaines années.
" À partir d'un business plan sur trois ou quatre ans sont estimés les flux de trésorerie auxquels sont appliqués des taux d'actualisation, liés aux risques rencontrés " , explique Édouard Cornut-Chauvinc (Orfis Baker Tilly).
Une fois la valeur de l'entreprise déterminée s'engage, alors, le jeu de la négociation avec l'acquéreur. Ne perdez pas de vue que l'estimation obtenue ne sera pas nécessairement égale au prix de vente final. Plusieurs facteurs peuvent influer sur le tarif : l'urgence de la transaction, la santé financière de l'affaire, la pluralité ou la rareté des acheteurs... Vous devrez donc, dans certains cas, prendre votre mal en patience.
Ce qu'il faut retenir
- Les méthodes comparatives, de rentabilité et patrimoniales sont le plus souvent utilisées pour évaluer des entreprises artisanales.
- Il ne faut pas utiliser une méthode mais plusieurs d'entre elles afin d'obtenir une fourchette de valorisation.
- Avant de débuter vos démarches, rapprochez-vous d'un expert-comptable ou des conseillers des CCI ou des CMA afin d'obtenir un point de vue indépendant et de dépassionner le plus possible le débat.