Financement : séduisez votre banquier
Vous tenez une bonne innovation, vous êtes sûr de son potentiel commercial... Reste à franchir le premier obstacle, qui est parfois de taille: convaincre votre banquier de miser sur votre projet. Quatre conseils pour mettre toutes les chances de votre côté.
Je m'abonneUne boîte de cigares pour votre banquier, un bouquet de fleurs pour votre conseillère clientèle ? Oubliez. Séduire son banquier en 2014, c'est avant tout le convaincre de la future rentabilité de son innovation. Et c'est encore plus vrai depuis 2008. Contrairement à l'idée reçue, il est encore possible d'obtenir des crédits d'investissement. En effet, selon une enquête de la Banque de France sur l'accès au crédit des PME réalisée au troisième trimestre 2014, neuf PME sur dix obtiennent les crédits d'investissement demandés en France. En revanche, la crise économique a bel et bien conduit les institutions bancaires à être de plus en plus exigeantes. Séduire son banquier, ce n'est pas toujours gagné d'avance, mais il y a des règles pour optimiser le succès.
Soyez sincère
Le b. a.-ba, pour le dirigeant qui sollicite un prêt à l'innovation, c'est d'avoir bétonné son dossier. Vous devez remettre à votre banquier une présentation très complète de votre entreprise, un business plan sur trois ans, avec une analyse de l'environnement concurrentiel et un tableau prévisionnel de trésorerie (encaissements, loyers, achats, salaires, etc.). Dès cette étape, soyez honnête et transparent sur vos besoins en financement et le retour sur investissement attendu. "On préfère savoir d'emblée qu'il y a aura, par exemple, une période de non-activité de six mois, le temps de la mise en place, plutôt que présumer qu'on devra assumer au bout de deux mois des besoins de financements non prévus", assure Pascale Dollo, responsable de l'agence PME de la Banque populaire provençale et corse. Lors de l'entretien, apparaissez confiant et naturel sans pour autant surjouer le battant...
Un banquier appréciera que vous proposiez une visite de votre site de production ou de votre cellule recherche et développement... ce qu'il finira de toute manière par vous demander. Il est indispensable de présenter de manière attractive vos avancées R&D. L'idéal est de s'appuyer sur un prototype, le nec plus ultra restant d'avoir déjà déposé un brevet.
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Créez un lien
"Si nous sommes convaincus que vous proposez une vraie innovation et que personne d'autre que vous ne pourra la reproduire, on peut aller très loin, poursuit Pascale Dollo. Comme pour cette société dont nous gardons l'anonymat dont le logiciel simulait les variations de lumière entre le jour et la nuit, une fonctionnalité très précieuse pour les architectes ou l'industrie militaire. Ils nous ont présenté leur modèle informatique, ainsi qu'un business plan très précis. Certes, il fallait les financer pendant trois ans, mais à leur issue, les encours du prêt tombaient automatiquement. On a foncé, et nous avons eu raison : nous sommes entrés au capital, via une filiale."
Votre banquier hésite encore ? Sortez vos deux jokers : mettez dans la balance un apport personnel (même modeste) et proposez une "double relation", soit le rapatriement de vos comptes personnels et de vos placements dans l'établissement bancaire. De manière générale, plus votre banquier vous connaîtra et plus vous renforcerez le lien de confiance, qui s'avère précieux en cas de besoin de financement ou même de petit problème de trésorerie. Cette relation se cultive et il appréciera évidemment de déjeuner de temps en temps avec vous, d'être invité à la soirée anniversaire de l'entreprise ou à la présentation à la presse de votre innovation. Cela peut sembler évident mais beaucoup de patrons n'y pensent pas.
Soyez franc
Si vous demandez à votre banquier de vous suivre sur ce coup, et peut-être sur celui d'après, vous devez n'avoir aucun secret pour lui. "Bien trop souvent, ce n'est qu'à son expert-comptable qu'on dit tout et on n'échange avec sa banque qu'au moment où un besoin ou une difficulté se manifeste, avance Pierre Bocquet, directeur banque de détail de la Fédération bancaire française. Aujourd'hui, il faut adopter la même attitude avec son banquier car la confiance se nourrit d'un dialogue transparent et régulier. Lorsqu'on prend une décision, on s'appuie sur un historique de bonnes relations. Votre banque peut entendre et accepter que vous ayez des difficultés, mais elle prendra très mal que vous les lui cachiez... C'est essentiel dans l'appréciation qu'elle aura du sérieux d'un nouveau projet." En clair, communiquez vos informations financières régulièrement et surtout, prenez les devants lorsqu'un problème se présente, afin de ne pas perdre la confiance chèrement acquise de votre banquier.
Témoignage
"Dès que je peux, j'amène mon banquier en production"
Nicolas Mille, président de Gaston Mille
Après avoir confectionné pendant près de 80 ans des chaussures de ville, l'entreprise vauclusienne Gaston Mille s'est reconvertie au tournant des années 1990 dans un produit de niche: la chaussure de sécurité, à destination de l'industrie lourde, du BTP ou des métiers de l'énergie. Bien lui en a pris car 80% de sa production est aujourd'hui made in France et son potentiel de croissance pour 2015 est de 15 à 20%. Gaston Mille ambitionne de renforcer ses positions à l'international, en particulier grâce à une innovation tout juste brevetée, la "Millenium pied protect", une surchaussure de sécurité pour les visiteurs. "Un brevet, ça rassure beaucoup les banquiers et moi qui suis justement en train de lever des fonds en ce moment, j'en parle à chaque fois que je les rencontre, confie Nicolas Mille, qui représente la quatrième génération à la tête de cette entreprise familiale. Mais évidemment, ça ne suffit pas. Mon premier conseil, c'est de jouer la transparence et la proximité et surtout de communiquer en permanence. Dès que j'ai un bilan intermédiaire, je le présente. Pareil avec mon projet industriel et commercial, qui est réactualisé tous les ans. Le PIC projette l'entreprise sur les six années à venir. Cela contribue à rassurer le banquier. Et bien sûr, je l'amène dès que je peux en production. Si un banquier n'est pas intéressé par mon outil de production, là, c'est moi qui vais trouver qu'il n'est pas crédible..."
Gaston Mille
Activité : conception et fabrication de chaussures de sécurité
Ville : Courthézon (Vaucluse)
Forme juridique : SAS
Dirigeant : Nicolas Mille, 37 ans
Année de création : 1912
Effectif : 60 salariés
CA 2013 : 9,5 M€
CA 2014 : 11,5 M€