Élection de Joe Biden : quels impacts pour les entreprises françaises ?
Les États-Unis sont incontournables pour bien des entreprises françaises : beaucoup y sont installées (ou rêvent de l'être), un grand nombre y exporte des produits... Le changement de présidence représente donc un enjeu. Petit tour d'horizon des impacts possibles de l'élection de Joe Biden.
Je m'abonneLes conséquences de l'élection de Joe Biden ne toucheront pas les seuls Américains. Étant donnée l'importance des États-Unis sur la scène géopolitique, économique et environnementale, les décisions du futur président démocrate vont avoir des impacts bien au-delà des frontières américaines. Et notamment pour les entreprises françaises : quelles réformes vont plus particulièrement toucher les dirigeants d'entreprises françaises installées aux États-Unis ou commerçant avec l'Oncle Sam ?
Hausse de l'impôt sur les sociétés
Les premiers impacts à attendre de l'élection de Joe Biden sont d'ordre fiscal. "Le programme fiscal de Joe Biden est assez précis : il ne compte pas remettre totalement en cause ce qui avait été voté en 2017 mais souhaite remonter le taux d'impôt sur les sociétés et des personnes physiques déclarant des revenus au-delà de 400 000 dollars par an", révèle Frédéric Teper, avocat associé au sein du cabinet Arsene.
Pour ces personnes, le taux de passerait de 37% à 39,6% et, par ailleurs, les charges sociales seraient de 12,4% pour les revenus supérieurs à 400 000 dollars. "Le taux d'impôt sur les sociétés devrait quant à lui remonter de 21% à 28% au niveau fédéral ; comme aucun changement n'est prévu au niveau des États, le taux moyen passerait de 25/26% à 32/33%", ajoute Rémi Forgeas, responsable de l'accompagnement des sociétés françaises aux États-Unis pour RSM.
Rémi Forgeas rapporte également que Joe Biden a prévu dans son programme de réformer la fiscalité sur le "capital gain", c'est-à-dire les revenus des capitaux à long terme. "La fiscalité serait alignée sur celle des autres revenus pour les sommes au-delà de 1 million de dollars alors qu'aujourd'hui ils bénéficient de taux très favorables", précise-t-il.
Du côté des entreprises, au-delà d'augmenter le taux de l'impôt sur les sociétés, le nouvel occupant de la Maison Blanche souhaite qu'un minimum d'impôt soit payé par les grandes firmes. "Un "alternative minimum tax" serait remis en place afin que les sociétés qui bénéficient de déductions d'impôts importantes paient quand même un minimum d'impôt. Cet impôt minimum serait calculé à partir du résultat comptable auquel on appliquerait un taux forfaitaire de 15%", indique Rémi Forgeas. Frédéric Teper parle de son côté de la taxe GILTI, que Biden souhaite renforcer : "Depuis 2018, les filiales de sociétés américaines qui ne payent pas assez d'impôts à l'étranger voient leurs revenus taxés à hauteur de 10,5% ; Biden veut l'augmenter à 21% et, de plus, raisonner pays par pays plutôt que globalement, comme actuellement", explique-t-il.
Relations plus apaisées avec l'administration US
Un dernier point du programme fiscal de Biden concerne la production sur le sol américain : "Dans le programme de Biden, il est question d'une surtaxe de produits fabriqués en dehors des États-Unis et d'une avance de 10% sur les produits "Made in America"", relève Frédéric Teper. Les sociétés françaises qui commercialisent aux États-Unis des produits fabriqués en France pourraient donc être soumises à un impôt supplémentaire.
Le protectionnisme trumpien ne devrait donc pas prendre fin avec l'arrivée de Joe Biden à la Maison Blanche. "Les relations avec l'administration US devraient être plus apaisées en ce qui concerne les droits de douane et les visas mais les frontières ne seront pas grandes ouvertes non plus", pense Rémi Forgeas.
Concernant les visas, Yoann Brugière, co-fondateur et associé d'Orbiss, cabinet d'experts-comptables spécialisé dans la croissance des entreprises aux États-Unis, se veut optimiste : "Les visas L1, qui s'adressent plutôt aux dirigeants, seront certainement facilités sous Biden. On espère également que le président démocrate va faciliter les démarches pour les visas E2, les visas investisseurs : ils n'ont pas été totalement arrêtés sous la présidence de Trump mais les délais d'obtention étaient plus longs et les délais de validité raccourcis", explique-t-il. Il reconnaît cependant que la situation sanitaire ne permet pas une réelle visibilité sur ce point.
Des opportunités dans l'économie verte et les infrastructures
Les relations entre les États-Unis et l'Europe devraient en effet être plus simples avec Joe Biden qu'avec Donald Trump. Notons par exemple le fait que le nouveau président souhaite que les États-Unis rejoigne l'accord de Paris. Au-delà des relations diplomatiques et de l'impact environnemental, cela devrait aussi avoir des conséquences pour les entreprises : Yoann Brugière pense en effet que cela va donner lieu à des crédits d'impôts et des incitations fiscales en faveur des énergies renouvelables et de l'économie verte. "Il est d'ores et déjà prévu des crédits d'impôt pour les sociétés investissant dans les énergies renouvelables", révèle-t-il. Des opportunités devraient donc voir le jour pour les entreprises françaises positionnées sur ce secteur.
Autre secteur sur lequel les sociétés françaises auraient intérêt à se positionner sur le sol américain : les infrastructures. En effet, Rémi Forgeas mentionne un point du programme de Biden qui prévoit le financement et le soutien fédéral pour des grands travaux d'infrastructure (routes, électricité, internet...). "Ces investissements se feront forcément sur le sol américain et devraient donc bénéficier aux entreprises implantées aux Etats-Unis : des opportunités vont certainement émerger dans ce domaine", avance-t-il.
Incertitudes quant à la majorité au Sénat
Plusieurs réformes devraient donc avoir lieu avec l'arrivée des démocrates à la tête des États-Unis. Reste cependant une incertitude : la composition du Sénat. "Si les Républicains obtiennent la majorité au Sénat en janvier, certaines de ces mesures ne passeront pas", avertit Rémi Forgeas qui nuance cependant : "Si les Républicains ne disposent que d'une faible majorité, des négociations pourront être menées, notamment sur les points qui trouvent un écho auprès de la population comme l'imposition des personnes physiques les plus riches et des grandes sociétés".
Par ailleurs, Remi Forgeas invite à prendre en compte la complexité des États-Unis, qui réside dans le fait que beaucoup de décisions politiques se prennent au niveau local : "Si certains gouverneurs ne sont pas favorables aux réformes de Biden, elles ne seront pas mises en oeuvre dans leurs États", prévient-il.
Quoi qu'il en soit, les réformes engagées par le nouveau président ne devraient pas entrer en vigueur avant fin 2021 : "Biden prendrait possession de Maison Blanche le 20 janvier 2021 et la loi de finance ne serait pas votée avant fin 2021, voire début 2022", précise Yoann Brugière. Les entreprises françaises ont du temps pour se préparer à cette nouvelle donne.