Le Cambodge, porte d'entrée sur l'Asie
Ne limitez pas votre horizon asiatique à la seule Chine : le Cambodge peut s'avérer un véritable paradis pour les entreprises françaises. A condition de rester prudent.
Je m'abonneEt si vous installiez une filiale au Cambodge ? L'idée peut paraître saugrenue tant ce pays ne semble être qu'un grain de sable sur le grand échiquier de l'économie mondiale. Il ne compte en effet que 16 millions d'habitants et affichait un PIB de 26,9 milliards de dollars américains en 2019. Pas de quoi s'enrichir.
Un marché de 650 millions de consommateurs
Et pourtant, le pays peut être une porte d'entrée intéressante sur l'Asie. "Il faut dépasser cette idée du Cambodge qui serait un petit marché. Il faut l'inscrire dans un contexte régional", indique Sok Chenda, ministre délégué auprès du Premier ministre et secrétaire général du Conseil pour le Développement du Cambodge. En effet, le Cambodge fait partie des pays du Mékong, qui compte également la Birmanie, le Laos, la Thaïlande ou encore le Vietnam ; soit un marché de 250 millions de consommateurs.
Surtout, il est l'un des 10 pays membres de l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ANASE ou ASEAN) qui dénombre 650 millions de consommateurs. "Depuis 2015, la communauté économique de l'ASEAN a été mise en place, créant une zone de libre-échange entre les différents pays membres", ajoute Sok Chenda. S'installer au Cambodge permet donc de s'ouvrir aux autres pays de la région.
Une population jeune
A noter également que la population cambodgienne est très jeune : 65% des habitants ont moins de 35 ans. Une jeunesse qui consomme, d'autant plus que son pouvoir d'achat est en pleine croissance. Selon les estimations du Fond Monétaire International, le PIB par habitant du Cambodge devrait augmenter constamment, s'élevant à environ 2 300 dollars américains en 2024, contre moins de 1100 dollars en 2014.
Une jeunesse qui représente une main d'oeuvre intéressante pour qui voudrait installer une usine au Cambodge. "Alors que beaucoup de pays font face à une problématique de population vieillissante, nous n'avons pas ce problème au Cambodge", se réjouit Sok Chenda.
Enfin, le pays n'est pas soumis à des catastrophes naturelles telles que des inondations, typhons ou tremblements de terre. Bon à savoir en ces périodes de dérèglement climatique. "C'est un pays très agréable à vivre avec une très faible criminalité et l'absence de mouvements sociaux importants. Les gens sont de manière générale adorables au Cambodge", ajoute Antoine Fontaine, avocat au barreau de Paris présent depuis 1999 au Cambodge et qui y a co-fondé l'un des plus gros cabinets d'avocats, Bun and Associates. Le régime est certes autoritaire mais la presse n'y est pas muselée ; la situation politique du pays est donc assez stable et aucun embargo n'est à craindre pour des questions de non respect des droits de l'Homme.
Cadre favorable aux affaires
Autre argument en faveur du Cambodge : "d'un point de vue juridique, il est très facile d'investir ; les locaux sont soumis aux mêmes lois que les étrangers", annonce Antoine Fontaine. Comme le fait remarquer Sok Chenda, "aucun secteur n'est réservé aux Cambodgiens. La seule différence réside dans le fait que les entreprises cambodgiennes ont la possibilité d'acquérir un terrain alors que les entreprises étrangères ne peuvent pas". Il n'y a donc pas besoin de partenaires pour s'installer au Cambodge, même si cela peut être intéressant d'en avoir un.
Par ailleurs, il est possible de rapatrier l'ensemble de ses profits dans son pays une fois les taxes locales payées. A noter également qu'un projet de loi sur les investissements a été approuvé début juillet 2021 dans l'objectif d'attirer davantage d'investisseurs nationaux et étrangers : un cadre juridique ouvert, transparent et prévisible a été établi et certaines dispositions favorables sont prévues comme une exonération de l'impôt sur le revenu de trois à neuf ans ou encore une déduction fiscale de 150 % de la base d'imposition pour les dépenses des entreprises en matière de R&D et d'innovation, de modernisation des machines destinées à la chaîne de production mais aussi pour promouvoir le bien-être des salariés (formation, construction de dortoirs, de cantines et de crèches, fourniture de moyens de transport confortables, etc.).
A noter également que le pays est très francophile et très francophone, avec de nombreux ministres et médecins qui parlent français. "Il y a peu de pays dans le monde, et a fortiori en Asie, où on trouve autant de francophones", indique Antoine Fontaine. Une entreprise française qui souhaiterait s'installer au Cambodge peut également compter sur les 10 000 Français qui vivent là-bas.
Antoine Fontaine souligne aussi qu'il y a très peu de concurrence, les grands groupes délaissant ce petit pays. Les PME et ETI peuvent donc s'y installer en étant pratiquement sûres d'y trouver leur compte.
Ne pas se précipiter
Ces facilités ne doivent pas faire oublier la prudence aux investisseurs. "Il ne faut jamais investir trop vite ni avec n'importe qui", met en garde Antoine Fontaine qui parle de nombreux cas d'escroquerie. Il s'agit donc de bien réfléchir, de prendre son temps, de se renseigner sur les partenaires envisagés... La séduction que le pays opère sur les étrangers ne doit pas leur être fatale !
Autre difficulté : la justice. L'Indice 2020 sur l'État de Droit du World Justice Project (qui mesure la performance en termes d'état de droit de 128 pays et juridictions) place le Cambodge à la 127e place. Il est cependant possible d'éviter les juridictions via le centre d'arbitrage commercial qui marche relativement bien.
Agro-industrie et manufacture
Une fois ces précautions prises, de nombreuses opportunités existent. Dans l'agro-industrie, par exemple. "Je rêve qu'une entreprise française avec du savoir-faire dans l'agro-industrie vienne au Cambodge", révèle Sok Chenda, expliquant qu'un confiturier français peut venir au Cambodge faire de la confiture de mangue. D'autant plus que les produits agroalimentaires sont très bien cotés au Cambodge, ainsi que les cosmétiques ou encore les meubles.
Le tourisme est également développé et s'il y a déjà de nombreux hôtels et restaurants, il est possible de proposer des services périphériques, comme du digital par exemple.
Enfin, nous avons parlé de la main d'oeuvre jeune et nombreuse : tous les métiers nécessitant de la main d'oeuvre sont les bienvenus au Cambodge. Et pas uniquement dans le secteur du textile. "Nous pouvons participer à la fabrication de produits à plus forte valeur ajouté, comme les produits électroniques par exemple", assure Sok Chenda. Il parle d'une chaîne de valeur régionale qui est déjà en place, permettant une production fragmentée entre les différents pays de la région. En s'installant au Cambodge, c'est dans une partie de l'Asie qu'on s'installe.