Export : 5 erreurs à éviter pour ne pas se planter
Partir à la conquête de nouveaux marchés ne s'improvise pas. Certaines erreurs sont de nature à mettre vraiment en péril l'activité des entreprises qui se lancent. Nos conseils de vigilance pour faire rimer "international" avec "même pas mal".
Je m'abonneLes PME et micro-entreprises représentaient 96 % des sociétés exportatrices en France en 2015, selon Bpifrance. Si elles contribuent pour une part essentielle au dynamisme des exportations tricolores, elles doivent, pour réussir, veiller à pérenniser leur situation sur les marchés internationaux. Pour cela, certaines précautions sont de mise. Voici une liste des principaux pièges à éviter pour éviter de devoir se replier sur le marché hexagonal faute de préparation.
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Erreur n° 1 : aller sur un marché " qui bouge " sans avoir étudié sa stratégie
"Pourquoi 70 % des entreprises abandonnent au bout d'un an ?", interroge Jean-François Goxe, manager au sein du groupe de formation Cegos, expert du commerce international. "Elles constatent que ça bouge dans un pays, se disent il faut y aller...", sans pour autant avoir suffisamment pensé leur stratégie, dévoile l'expert.
"Se poser des questions, ce n'est pas une démarche standard, certains dirigeants [partent à l'export] de façon opportuniste", abonde Alexandre Catta, expert-comptable, auteur de Réussir le développement international de son entreprise (Ed. Ordre des experts-comptables). Ils peuvent partir sur la base d'un salon, d'une rencontre professionnelle, c'est majoritairement le cas pour les primo-exportateurs. Par ailleurs, certains le font sans se rendre compte des coûts. D'où un taux d'échec vertigineux ".
Se précipiter, ne pas s'interroger sur sa stratégie, ne pas prendre le temps de sélectionner le ou les marchés adaptés : voilà la première erreur. Ainsi, le choix d'un ou de terrains de jeu ne s'improvise pas. "Il faut aborder un marché en croissance pour son propre produit, être sûr de choisir un marché qui a les moyens financiers [quand un État va mal, cela complique aussi les transactions financières pour les entreprises dans ce pays, ndlr] et en croissance de PIB sous peine de danger", conseille Jean-François Goxe.
Choisir avec soin son marché cible, c'est également le conseil de Denis Jacquet, président d'Edufactory, entreprise spécialisée dans la formation à distance, invité d'une matinée sur l'internationalisation des start-up organisée le 5 juillet 2017 à Nanterre (Hauts-de-Seine) par le Club Nelson, un club de dirigeants du numérique.
#International "Important de ne pas se planter sur le 1er pays où vous partirez" @DenisJacquet passé par USA Maroc Philippines Vietnam... pic.twitter.com/IYMUdDN0ro
- Chef d'Entreprise (@Chef_Entreprise) 5 juillet 2017
Erreur n° 2 : bâcler son financement
Un à trois ans. C'est le temps qu'il faut généralement pour récolter les premiers fruits de ses efforts au niveau business. D'où la nécessité d'avoir des reins solides sur le plan financier pour démarrer. "Une autre erreur serait de ne pas prévoir son financement suffisamment en amont", note Jean-François Goxe.
Au niveau local, régional, national ou européen, il existe une batterie d'aides pour les entrepreneurs, pas toujours bien connues. N'hésitez pas à vous renseigner sur l'ensemble de celles auxquelles vous avez droit pour soutenir votre développement.
Autre mauvaise pratique : ne pas suffisamment anticiper pour tenir dans la durée. "Le prévisionnel est généralement fait sur un an, alors que dans les faits, c'est trois ans qu'il faut pour aboutir", remarque Alexandre Catta. Cet exercice du prévisionnel s'avère particulièrement délicat. "L'entreprise connaît mal le marché qu'elle cible. Elle ne sait pas comment il va réagir. Sur le marché français, vous avez un historique", constate l'expert-comptable, qui note : "en fait, [l'exercice] est quasi impossible. La seule chose à faire, c'est de donner à l'entreprise une agilité. Il faut affiner le prévisionnel dès qu'il y a de nouvelles informations".
Erreur n° 3 : ne pas occuper le terrain
Autre pratique à éviter : élaborer une stratégie de conquête... depuis son bureau. Plus simple, mais moins porteur. Au contraire, une entreprise ayant des velléités à l'export doit veiller à occuper le terrain. "Il faut se faire connaître, avoir quelqu'un pour aller voir le client", indique Jean-François Goxe. "Commercial ou distributeur, il s'agit de trouver le bon vecteur commercial".
Et l'expert de conseiller de déterminer, dans le pays, les zones où se trouvent les clients, et de s'occuper de ses premiers prospects en direct avant de confier la démarche à un éventuel distributeur.
Erreur n° 4 : croire que son produit est génial sans tenir compte des clients
Être convaincu de la qualité de son produit et du fait qu'il corresponde à un vrai besoin : la condition sine qua non pour réussir à le vendre... à condition toutefois de ne pas être sourd aux avis extérieurs. Attention en effet à ne pas "pécher par orgueil", alerte Alexandre Catta.
Au contraire, "il faut faire preuve d'humilité, prendre le temps de bien comprendre ce qu'attendent les clients". À plus forte raison parce que, en matière d'export, les besoins seront différents d'une zone à l'autre. Ce qui satisfait les clients français sera peut-être secondaire pour des consommateurs allemands ou américains. "Certains exportateurs veulent aller vite alors qu'il faut tester les produits les plus adaptés. Une étude de marché peut être insuffisante".
#International Ds pays anglo-saxons on n'attendra pas le produit parfait ms on exigera que vous puissiez corriger vos erreurs @DenisJacquet pic.twitter.com/7FdACnlynP
- Chef d'Entreprise (@Chef_Entreprise) 5 juillet 2017
Côté offre, "l'autre erreur fréquemment commise est de ne pas protéger un produit innovant", complète Jean-François Goxe. Objectif : lutter contre la contrefaçon. Il faut veiller à ce que ce soit le cas pour l'ensemble des zones visées. "Il est aussi possible de se protéger par un brevet au niveau mondial". Une démarche pas gratuite, mais importante pour tirer vraiment les fruits de son invention.
Erreur n° 5 : associer les commerciaux au projet mais oublier les autres salariés
"Quand vous voulez accélérer à l'international, vous avez besoin de tout le monde". Une certitude pour Alexandre Catta qui constate que les entreprises, si elles ont en premier lieu le - bon - réflexe de peaufiner leur démarche au plan commercial, oublient plus souvent l'aspect social. L'expert met ainsi en garde contre la pratique qui consisterait à oublier de "donner du sens".
Pour créer "l'élan collectif" nécessaire, il faut "que l'administration des ventes soit concernée, la production, impliquée très en amont, comme la R&D, les bureaux d'études". Dans ce contexte, "au management de conduire une trajectoire de progrès et de développement ensemble", conclut l'expert.
Il faut une capacité d'adaptation pr partir à l'#international "il faut devenir caméléon" @DenisJacquet @ClubNelson92 @CCI_92 pic.twitter.com/VzA9q9KqAL
- Chef d'Entreprise (@Chef_Entreprise) 5 juillet 2017
[Témoignage] " Nous avons voulu aller un peu vite "
PME spécialisée dans la vente de lunettes, Izipizi voit bien au-delà des frontières tricolores. Présente dans une cinquantaine de pays (France, Italie, Allemagne, USA, Benelux, Scandinavie, Japon, Canada, Australie...), la marque y réalise 80 % de son chiffre d'affaires.
Une aventure qui, comme tous les projets entrepreneuriaux, n'est pas allé sans heurts. "Au début, nous avons voulu aller un peu vite", se souvient Charles Brun, directeur général en charge de l'export (à gauche sur la photo).
Présente sur plusieurs salons à l'international, la marque se fait rapidement courtiser par de potentiels partenaires. "Nous n'avons pas été assez sélectifs. Nous avons accepté tout le monde, car nous étions fiers, honorés", relate le dirigeant. Résultat : des revendeurs pas tous aussi performants que la marque le souhaitait.
Soigner son réseau de partenaires
Qu'à cela ne tienne : la PME conduit, quelques mois plus tard, une réorientation stratégique afin de booster sa croissance, en remplaçant les moins bons par d'autres, sélectionnés sur des critères précis inspirés des succès des revendeurs en France. "Notre chance, c'est d'avoir été beaucoup sollicités", souligne Charles Brun.
La marque travaille aujourd'hui avec 3500 agents ou distributeurs. Et elle poursuit son développement. Alors qu'elle vient d'ouvrir sa première boutique en France, à Paris, en juillet 2017, elle entend bien, si le pari est relevé, installer des magasins dans d'autres capitales mondiales.
"Attention à trouver le bon partenaire et à ne pas aller trop vite, résume Charles Brun. Il vaut mieux se concentrer sur 5, 10 avec lesquels grandir plutôt que sur 15, 20, ce qui conduirait à une gestion dispersée. Et l'entrepreneur de poursuivre : il faut fixer les critères qui font qu'un partenaire est bon puis les suivre. En revanche, une étude de marché reste dans le théorique. L'important est d'aller se confronter au marché et de voir si le produit est bon ou pas".
Un dernier conseil ? "Ne pas se focaliser sur la France si on pense avoir un bon produit". A partir de là : "Allez-y !"
Repères
Raison sociale : SAS Izipizi
Activité : fabrication et vente de lunettes
Année de création : 2010
Siège social : Paris (IIe arr.)
Dirigeants : Quentin Couturier, président, 30 ans, Xavier Aguera, directeur général, 30 ans et Charles Brun, directeur général, 30 ans
Effectif : 40 personnes
CA 2016 : NC
Twitter : @izipizi_paris