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Un marché unique à consolider pour les PME

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Un marché unique à consolider pour les PME

"Unie dans la diversité", la maxime que l'Union européenne (UE) a adoptée en 2000, va comme un gant aux relations qu'elle entretient avec les PME. Terrain de jeu élargi, absence de barrières douanières, marché intérieur à fort potentiel, soutiens financiers, l'UE propose plus d'avantages aux entrepreneurs que d'inconvénients. Mais ses points faibles semblent tenaces, disparités fiscales, paperasse...

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Environ 23 millions d'entreprises (dont 99,8 % de PME), 448 millions d'habitants et un PIB de 14 522 milliards d'euros, soit 18 % du PIB mondial, voilà ce que représente le marché unique en 2023 lorsqu'il fête ses trente ans.

Pour rappel, l'UE garantit au sein d'un marché intérieur unique la libre circulation des biens, des services, des capitaux, des personnes depuis 1993. Et plus récemment des données, avec un distinguo entre les données non personnelles et les données à caractère personnel régies par le règlement général sur la protection des données (RGPD).

Aujourd'hui, ce marché se compose des 27 États membres ainsi que de la Norvège, de l'Islande et du Liechtenstein. La Suisse y ayant un accès partiel par le biais d'accords bilatéraux. L'UE oeuvre sans cesse pour développer l'activité. Ainsi, au printemps "les 27" ont relancé le chantier d'unification des marchés financiers et affiché leur volonté d'engager un "new deal de la compétitivité". Bruxelles envisage aussi la création d'un diplôme européen...

Pour les PME, les enjeux sont colossaux. « Il s'agit d'abord d'un marché accessible géographiquement et donc du premier marché à l'export pour les entreprises françaises », note Christian Dubarry, responsable du Pôle Europe de Bpifrance.

Des chaînes de valeur se sont structurées au niveau européen autour de grands projets comme celui d'Airbus. « L'UE est à la fois un espace commercial et de coopération industrielle, ainsi qu'un espace financier, les investissements transfrontaliers se multiplient, les flux de capitaux se développent, nous contribuons en co-investissant avec nos homologues allemands dans du capital-risque franco-allemand notamment », assure-t-il. Néanmoins la présence d'angles morts brouille les pistes et limite les échanges : les systèmes fiscaux nationaux, les marchés nationaux des services financiers, de l'énergie et des transports, les règles appliquées en matière d'e-commerce et enfin la question des équivalences et de la reconnaissance des qualifications professionnelles. Aussi, l'histoire des relations entre les PME et l'Europe est-elle parsemée de succès et d'embûches, d'espoirs et de déceptions.

Aides financières

Au printemps, à la veille des élections européennes et avant de publier ses propositions pour une Europe compétitive et attractive, le réseau des CCI de France a sondé les dirigeants d'entreprise (1). Plus de la moitié (57 %) des entrepreneurs interrogés estime que l'UE ne contribue pas assez à la croissance économique française. « Il faut se remettre dans le contexte des PME, ancrées dans les territoires, qui portent l'emploi et ont les yeux focalisés sur le court terme, prises entre deux mâchoires d'un étau qui se resserre, l'augmentation des coûts et le pricing power des donneurs d'ordre », plaide Alain di Crescenzo, président de CCI France.

Difficile d'évoquer l'Europe sans aborder la conjoncture, ni les crises structurelles qui la secouent. En France, les PME assistent à la baisse de leurs marges, qu'il faudrait compenser par du volume, au moment où la croissance s'absente. D'où un ralentissement programmé des investissements comme le montre le baromètre "Trésorerie, Investissement et Croissance des PME/TPE" du deuxième trimestre 2024, de Bpifrance et Rexecode.

Seulement 50 % des dirigeants comptent investir en 2024 contre 55 % au T2 2023. « Les dirigeants des PME estiment que l'UE n'a pas d'impact sur leur entreprise, c'est faux, mais nous ne communiquons pas assez sur les allocations financières mises à disposition par l'Europe et nos entreprises ne disposent pas toujours des ressources humaines nécessaires pour aller chercher les financements européens », déplore Alain di Crescenzo. Or, les outils sont nombreux.

En 2023, la Commission européenne et Bpifrance ont signé un accord de garantie dans le cadre du programme "InvestEU" d'un montant de 500 millions d'euros pour déployer le "Prêt Nouvelle Industrie". Cet accord débloque des financements pour investir un milliard d'euros dans les PME innovantes. « Nous croyons également beaucoup à nos coopérations avec les régions pour développer les programmes de prêts assis sur des fonds européens (garantie Feder, prêt Feder Innovation) », avance Christian Dubarry.

Programmes d'investissement

Le rôle de l'Europe n'étant pas suffisamment lisible, Bpifrance a lancé la campagne de communication "Alors, euros ?" destinée à susciter des conversations autour des financements européens. Sur son site Internet, la banque publique met en avant l'énergéticien français McPhy, spécialiste des équipements de production et distribution d'hydrogène, dont la Gigafactory d'électrolyseurs à Belfort (Bourgogne Franche-Comté) a été en partie financée par le Programme d'Investissement Industriel pour l'Europe et les Projets Importants d'Intérêt Européen Commun (PIIEC).

De son côté, la jeune entreprise universitaire Deeptech Orixha, expert en ventilation liquidienne (technologie LuncoLive, acronyme de "Lung Conservative Liquid Ventilation"), a annoncé au mois d'avril avoir levé 4 millions d'euros auprès de l'European Innovation Council Fund et du fonds French Tech Seed, géré pour le compte de l'État par Bpifrance dans le cadre de France 2030.

L'investissement par l'EIC Fund s'inscrit dans la suite logique de la sélection par l'EIC Accelerator du projet LuncoLive fin 2022. « Nous déployons d'autres instruments, comme le programme Eurostars qui soutient les projets d'innovation collaborative internationale », complète Christian Dubarry. Reste que ces financements ne s'adressent pas à tous les entrepreneurs. La sélection existe, par des critères d'éligibilité. En général, « les start-up et les PME innovantes ne rencontrent pas de difficultés pour décrocher les financements européens sectoriels, sous réserve de préparer correctement leurs dossiers », remarque Bénédicte Bjem, responsable des programmes stratégiques européens à l'Agence de développement économique de la région Occitanie (Ad'Occ).

Force des réseaux

Clubs Export de la CCI, réseau Enterprise Europe Network (EEN), conseils privés... les dirigeants de PME ne manquent pas d'intermédiaires susceptibles de les accompagner dans leurs projets européens. Sandra Da Silva, CEO de Valoris Business (importation distribution de jouets écoresponsables) témoigne de l'efficacité des réseaux : « L'EEN m'a orientée vers un fabricant portugais de jouets en liège, après trois ans de partenariat et au moment où le dirigeant cherchait à cesser son activité, j'ai racheté la marque devenue Elou by Valoris ». Sandra Da Silva reste en contact avec le réseau Enterprise Europe Network et avec la Team France Export pour étoffer son portefeuille de distributeurs à travers l'Europe (Espagne, Pays Bas, Norvège, Suisse). Grâce à leurs conseils, les entrepreneurs gagnent du temps et se connectent avec les bons relais. « Récemment, j'ai été questionné par une société immobilière qui a identifié une cible en Espagne pour une opération de croissance externe. Grâce à l'association Allinial Global dont notre cabinet, membre de Walter France fait partie, j'ai pu trouver en quelques minutes les interlocuteurs pour l'accompagner sur place, et mettre son DAF en contact avec un juriste et un expert-comptable », rapporte Amaury Vanoye, expert-comptable associé du cabinet Advolis Orfis.

Portée réglementaire

Fréquemment décriée, la réglementation européenne n'est pas aussi unifiée que l'on pourrait le croire. Ni négative. Au contraire. « Les normes et labels européens sont des gages de qualité, le marquage CE par exemple permet aux fabricants européens de se positionner avec des produits bénéficiant d'un niveau de qualité exigeant et reconnu », argumente Amaury Vanoye. Mieux, il arrive que la réglementation ouvre des marchés. C'est le cas de la directive Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) qui fixe les nouvelles normes et obligations de reporting extra-financier, entrée en vigueur au 1er janvier 2024 pour les grandes entreprises. « Alors que le marché américain de la décarbonation fait machine arrière, grâce à la CSRD, l'Europe prend de l'avance et les investisseurs ne s'y trompent pas », résume Thomas Guyot, cofondateur de Traace, start-up créée en 2020 à Paris, qui développe une plateforme de gestion de l'empreinte carbone. Paradoxe ou pas, alors que Traace fait figure de pionnière, elle vient de tomber dans le giron de Tennexia, leader français des solutions logicielles de pilotage de la performance HSE et ESG en mode SaaS.

Les deux entités, Traace et Tennexia, unissant leur force pour faire émerger un champion européen des logiciels de développement durable. « Les fonds européens ne sont pas prêts à investir autant d'argent, or nous avons besoin d'accélérer car nos concurrents s'appellent Microsoft, SAP... », confie Thomas Guyot. Objectif ? Ouvrir un bureau en Allemagne, "le coeur du marché de la décarbonation", puis potentiellement un autre aux Pays Bas afin de rayonner au nord de l'Europe. Au final, « l'UE apparaît comme un marché à géométrie variable », lâche Philippe Bonnet, business coach au sein du cabinet Impactified... selon les secteurs d'activité, les attentes des dirigeants, leur agilité ! « Par exemple, elle fournit une solution pour régler les difficultés de recrutements - le Portugal regorge de talents hautement qualifiés - et de production, la Pologne ou la Roumanie offrent une alternative... » Bref, l'Europe ouvre le champ des possibles et, avec elle, les PME sont appelées à bouger !

(1) CCI, Opinionway : La Grande Consultation des Entrepreneurs, mars 2024. Échantillon : 1 028 entrepreneurs



« L'UE casse les frontières et permet aux acteurs de l'innovation de se côtoyer » Salim El Houat, CEO de Mob-Energ

Mob-Energy récupère des batteries automobiles en fin de vie et les reconditionne. Fondée en 2018, cette start-up a inauguré une usine de robots de recharge le 24 janvier 2024. L'objectif de son dirigeant, Salim El Houat ? « Maintenir le cap de la production et de la commercialisation, et recruter une quinzaine de collaborateurs supplémentaires d'ici la fin de l'année ». La start-up industrielle doit remplir son carnet de commandes. « Notre première expérience européenne, en Belgique, nous a montré que l'exercice n'était pas si facile, y compris dans un pays limitrophe... », avoue-t-il.

Mob-Energy a déployé son robot chargeur autonome Charles auprès d'Interparking, société de gestion de parkings, à Anvers. « La vente et l'installation de matériels exigent de relever plusieurs défis et nécessitent de la connaissance car les règles ne sont pas les mêmes partout. Derrière une façade interconnectée, se cachent des réalités différentes et la puissance électrique reste une thématique nationale », détaille le dirigeant. En l'occurrence, les équipes de Mob-Energy ont dû adapter la présentation de l'offre pour aller sur ce marché. « Nous discutons avec des Espagnols, des Portugais, des Allemands... le véhicule électrique est un marché nouveau, sa dynamique varie selon les pays, les argumentaires à déployer également », poursuit-il.

Salim El Houat admet que l'écosystème entrepreneurial européen fonctionne bien. Le CEO de Mob-Energy participe aux événements organisés par EIT InnoEnergy, société européenne moteur d'innovation dans le secteur de l'énergie durable, fondée en 2010 par l'Institut européen d'innovation et de technologie (EIT).



« Réaliser 50 % de notre CA en Europe d'ici 2030 » Laetitia Brottier, cofondatrice de la société et responsable innovations de DualSun

DualSun, fabricant de solutions solaires hybrides (électricité et eau chaude) dédiées au secteur résidentiel, construit son offre au niveau européen. « Notre objectif est clairement de réaliser 50 % de notre CA en Europe d'ici 2030, nous commençons par cibler le nord (les Pays Bas, la Suède, la Finlande, le Danemark, l'Allemagne), sans exclure le sud avec une offre différente car les problématiques sont très disparates », déclare Laetitia Brottier, cofondatrice de la société et responsable innovations.

DualSun entre sur les différents marchés avec des partenaires locaux qui maîtrisent la culture de leur région. Ainsi en novembre 2023, après trois ans de collaboration avec son distributeur exclusif, Zero Carbon Tech AB une entreprise suédoise, DualSun a annoncé l'intégration de cette société qui devient DualSun Nordic AB. Sa feuille de route ? Renforcer la présence de la marque en Europe du Nord et déployer son modèle économique dans la région. « En Europe, chaque pays a ses propres normes et pas seulement en matière d'électricité, mais aussi en matière administrative, par exemple les panneaux solaires sont subventionnés, mais pas à partir des mêmes critères », explique Laetitia Brottier. DualSun s'est aussi attaché à rejoindre des projets européens portés par des centres de recherche.

En 2019, la société rejoint ainsi SunHorizon, un projet de la construction bas carbone, impliquant 21 partenaires, répartis sur 8 sites localisés dans l'UE, et mobilisant au total 11,6M€ de budget dont 9 M€ financés par l'Europe. La société participe également au projet Excess, financé par l'UE, qui a pour vocation de concevoir de nouvelles solutions abordables pour les bâtiments à énergie positive (BEP) destinées au marché européen du logement. En outre, ce projet préparera la solution pour le marché et la testera dans quatre pays de l'UE.

Enfin, Dualsun fait partie du programme Aegir, pour accélérer les rénovations énergétiques en innovant avec des enveloppes modulaires préfabriquées, avec quatre démonstrateurs équipés de la solution Spring d'ici 2025, un bâtiment collectif au Danemark, une résidence autonomie en France, une maison individuelle en Roumanie et une école en Espagne.



« Notre partenaire nous a ouvert les portes du marché français » Aïssa Laroussi, CEO d'Enky

Issu de la fintech - il a cofondé la plateforme d'affacturage Edebex -, Aïssa Laroussi s'est lancé fin 2019 dans la location de mobilier de bureau. Avec une idée en tête, disrupter ce marché en Europe en proposant du mobilier sur abonnement comme solution durable. Installée en Belgique, la société Enky cible plusieurs pays, la France, l'Espagne, le Portugal et la Suisse. « Notre partenaire, la société Kymono, nous a ouvert les portes du marché français où 80 % de notre clientèle est basée », affirme Aïssa Laroussi, CEO d'Enky. Le dirigeant de cette start-up, qui a déjà levé 1,6M€ auprès de business angels et de fonds belges, souhaite doubler ses effectifs d'ici 2025 et procéder à un nouveau tour de table pour accélérer le développement de l'entreprise, qui souffre à date d'un déficit de visibilité. « Notre business model ne nécessite pas une hyperlocalisation, nos cibles se situent dans les grandes agglomérations (Paris, Barcelone, Madrid...), mais nous pouvons travailler à distance et nous déplacer uniquement lors de l'installation du mobilier ou pour régler des questions de SAV », explique-t-il. Pour lui, pas de difficulté particulière à commercer en Europe, bien qu'il admette attendre un peu avant d'attaquer le marché allemand.

L'entrepreneur poursuit un autre objectif : booster le système de financement participatif mis au point destiné à financer l'achat de mobilier durable pour les entreprises, tout en offrant du rendement à l'épargne des particuliers et boucler la boucle d'une certaine circularité.


« Nous avons obtenu un financement de 30 M€ de la BEI » Bertin Nahum, président de Quantum Surgical

L'Europe a un rôle à jouer pour permettre à des sociétés innovantes d'émerger. BEI soutient des firmes leaders dans différents domaines, et c'est dans ce cadre que nous avons obtenu un financement de 30 millions d'euros », déclare Bertin Nahum, président de Quantum Surgical, medtech montpelliéraine à l'origine d'Epione, une plateforme robotique d'ablation percutanée des tumeurs cancéreuses. Ce financement fait suite à un prêt octroyé en 2021 par la BEI pour le lancement commercial d'Epione. Le nouveau prêt de 30 millions d'euros de la BEI bénéficie d'une garantie au titre du programme InvestEU de la Commission européenne. Il vise à soutenir une technologie de traitement des tumeurs inopérables dans l'abdomen et les poumons. Le DAF de l'entreprise, qui surveille les appels à projet, a monté lui-même le dossier. « Ce prêt nous permet de financer le déploiement commercial de Quantum Surgical via le recrutement de commerciaux, notre participation à des salons... Et de continuer à dynamiser la R&D pour développer de nouvelles fonctionnalités. » Cette entreprise cible l'UE comme les États-Unis où elle emploie déjà dix salariés. « Chaque marché a ses avantages et ses inconvénients, l'Europe est proche, mais le marché est éclaté, le marché aux USA est plus fluide », estime ce dirigeant.


 
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