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[Enquête] Mutation digitale : faites évoluer votre PME ou disparaissez !

Publié par Maëlle Becuwe le | Mis à jour le
[Enquête] Mutation digitale : faites évoluer votre PME ou disparaissez !

Attentes des clients, communication, innovation... Les entreprises n'ont d'autre choix que de se réinventer face à la révolution digitale. Sans quoi, elles sont vouées à disparaître.

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Une croissance de résultat opérationnel de 40%. C'est ce que promet la transformation numérique aux entreprises. Et gare à celles qui ne prendront pas le virage?: l'étude du cabinet McKinsey, "Accélérer la mutation numérique des entreprises?: un gisement de croissance et de compétitivité pour la France", leur prédit une baisse de 20%. Mais pour profiter à plein des potentialités, encore faut-il que les structures, et en particulier les PME, conduisent le changement tant dans leur fonctionnement intrinsèque que dans leur offre de produits ou de services.

Mais pourquoi tout bouleverser ? Car cette mutation est induite par celle des consommateurs finaux. Toujours plus connectés, ils sont 82% à avoir accès à Internet à leur domicile, 40% à posséder un smartphone et 60% à réaliser des achats en ligne. Un créneau porteur, donc, sur lequel les entreprises n'hésitent plus à miser. "Grâce à un site en ligne, une société traditionnelle avec un circuit de vente classique atteindra une population de clients et un segment de marché jamais exploités", indique Jocelyn Bouilhol, chef de projet du programme SI PME, qui accompagne les TPE et PME de Rhône-Alpes dans leur transformation numérique.

En lançant sa boutique en ligne en juin 2013, le négociant en vin Cuvelier et Fauvarque a ainsi séduit une clientèle plus jeune, moins aisée, tout en élargissant sa zone d'influence au-delà de sa région d'implantation, le Nord-Pas-de-Calais. Encore marginal dans son chiffre d'affaires, ce canal de distribution offre à la marque une vitrine primordiale tant pour son image que pour sa relation client.

Le Web devient un support d'e-business

Évident pour le B to C, l'outil internet l'est également de plus en plus en B to B. "Depuis un ou deux ans, les budgets précédemment consacrés aux salons sont transférés sur le Web", souligne Frédéric Bellotti, coordinateur du programme SI PME.

Preuve en est avec la Remorque Mandrinoise, fabricant de remorques utilitaires de 19 salariés. "Nous avons réduit les budgets des salons, très lourds en termes d'organisation et dont les frais ­rognaient nos marges, au profit d'un site qui nous apporte un meilleur retour sur investissement et qui constitue un support de communication plus durable", explique Jeanne Plonquet, la responsable grands comptes. En effet, outre l'e-boutique, Internet est avant tout un support d'e-business, grâce à un accès en ligne aux catalogues produits, aux formulaires de contact, aux documents techniques, aux informations commerciales ou encore aux devis.

Interview
"La transmission numérique implique de la transdisciplinarité"

Gilles Babinet représente la France auprès de la Commission européenne sur les enjeux du numérique

Serial entrepreneur et ancien président du Conseil national du numérique, Gilles Babinet représente aujourd'hui la France auprès de la Commission européenne sur les enjeux du numérique. Il vient de publier, avec l'Institut Montaigne, l'étude "Pour un New Deal numérique".

Le gouvernement a lancé, en septembre, une grande concertation sur le numérique, en vue d'un projet de loi attendu courant 2015. Ces annonces s'inscrivent dans un mouvement de promotion de la transformation numérique des entreprises. En quoi consiste-t-elle ?

Gilles Babinet : Le premier point à avoir en tête est que le numérique n'est pas l'informatique ! Il intègre une notion de rupture culturelle, des changements de processus, d'organisation et de méthodes de travail. Traditionnellement, les entreprises continentales sont très hiérarchisées et organisées en silos. Leur système d'information est cloisonné par fonction et chacune - direction financière, R & D, marketing - possède ses propres outils. A contrario, les entreprises californiennes ont un fonctionnement horizontal, où toute l'activité est articulée autour d'une plateforme centrale qui concentre et "distribue" les informations. C'est vers ce modèle qu'il faut tendre.

Comment un dirigeant de PME peut-il engager efficacement cette ­transformation ?

G.B. : Il faut casser le paradigme qui consiste à dire "je vends un produit", pour aller vers "je vends un service client". Par exemple, un fabricant de literie ne vendra plus des matelas mais du sommeil de bonne qualité. Plutôt que de mettre au point le meilleur ressort au monde, il insérera des capteurs dans ses matelas pour suivre l'évolution du sommeil de ses clients au cours de la vie de son produit. Dès que l'on pense "hors les murs", il est facile de revisiter l'organisation de l'entreprise.

Quels processus de l'entreprise s'en trouveront modifiés ?

G.B. : Tout d'abord, penser "hors les murs", c'est décloisonner. La transition numérique implique de la transdisciplinarité. Les projets doivent être menés par une équipe réunissant des membres du service commercial, du marketing, de la R & D, du service informatique, de la comptabilité... Ensuite, le changement demande aussi de privilégier l'agilité à la rigueur des processus. Le fondateur de LinkedIn a un jour déclaré : " si vous n'avez pas honte de votre produit lors de son lancement, c'est que vous l'avez lancé trop tard ". Avec le numérique, on produit plus vite mais cela demande d'abandonner certaines lourdeurs. Enfin, "hors les murs", c'est en dehors de l'entreprise : les consommateurs et les partenaires sont les meilleurs contributeurs d'une société.

Quels freins persistent dans les PME ?

G.B. : Déjà, la culture du dirigeant. Si celui-ci est tourné vers le numérique il donnera à sa société l'impulsion qui mènera à la transformation. L'autre bémol est le temps. Même s'ils avaient la trésorerie nécessaire, beaucoup de chef d'entreprise n'engageraient pas ces changements.

Si elles ne s'investissent pas dans cette transformation numérique, les entreprises risquent de voir chuter massivement leur activité. Au cours des deux premières révolutions industrielles, 80 % d'entre elles ont disparu et seules quelques-une ont réussi leur mutation. Le numérique constitue une ­révolution face à laquelle les entreprises doivent s'adapter ou disparaître.

Mais la présence d'une entreprise sur le Web ne se limite pas à un site vitrine ou même marchand. Les réseaux sociaux sont également une porte d'entrée pour les prospects et le support d'un contact plus direct avec eux. "La principale force du digital consiste à offrir le moyen d'entretenir une relation personnalisée avec son client", insiste Patrick Bertrand, directeur général de Cegid, éditeur de logiciels.

En effet, les internautes interagissent de plus en plus grâce au numérique, avec d'autres utilisateurs mais aussi avec les ­entreprises. À leur tour, ces dernières se saisissent de ces changements de comportement et, pour améliorer l'expérience client, y répondent grâce au numérique. "Avec les outils digitaux, nos usagers ont un besoin d'immédiateté sans précédent. Dès qu'un train a deux minutes de retard, ils commencent à twitter", souligne Barbara Dalibard, directrice générale de SNCF Voyages.

La compagnie s'est donc mise au tempo en dotant ses équipes de tablettes et de smartphones suivant l'état du trafic grâce, notamment, à la digitalisation du réseau. Et pour anticiper au mieux les réactions des usagers sur le Web, elle a déployé, en partenariat avec la RATP, des fils Twitter pour chaque ligne du réseau en Île-de-France, afin de communiquer, en direct, avec les voyageurs.

Utiliser les avis clients

Si ces innovations améliorent l'expérience client, elles s'accompagnent d'exigences nouvelles d'efficacité et de réactivité. "Quand on vous interroge sur les réseaux sociaux, il faut répondre vite, sinon, cela peut susciter un avis négatif du client et donc nuire à votre e-réputation", alerte Frédéric Bellotti (SI PME).

S'ils sont contraignants, ces processus digitaux ­ génèrent cependant, une fois intégrés, des gains de temps et, surtout, de compétitivité. Car toutes ces réactions de consommateurs sont une source de connaissance client pour l'entreprise. Et justement, en conférant une place importante à l'usage, le "think digital" implique d'utiliser les réactions des utilisateurs dans les processus d'innovation ou de développement de nouveaux produits. "Il faut être à l'écoute de son marché, via les réseaux sociaux, d'une part, mais aussi grâce à des enquêtes de satisfaction ou des boîtes à idées?", souligne Luc Doladille, directeur du pôle consulting d'Umanis, société de services en ingénierie ­informatique (SSII).

En ouvrant les portes de l'entreprise au gigantesque "focus group" que constitue Internet, le numérique bouleverse les manières de concevoir l'innovation, qui devient transversale au sein des structures et de leur écosystème. Il ouvre la voie à l'open innovation. Cette dernière n'est plus le pré carré du seul service R & D, mais s'étend aux autres départements de l'entreprise, aux partenaires, aux sous-traitants, aux clients, voire au grand public.

Pourquoi?? Car en sollicitant des sources d'idées proches de l'expérience "terrain" et susceptibles de faire émerger un besoin non satisfait, les marques assurent des débouchés commerciaux aux produits développés. "Le ­numérique répond à la double exigence de se différencier sur des marchés de plus en plus concurrentiels et de réduire le time-to-market, note Luc Doladille. Mais cela exige d'intégrer, en amont, les partenaires les plus significatifs et donc, les plus à même de faire des propositions percutantes... pour, ensuite, recommander, auprès de leur communauté d'influence, le produit développé."

L'importance du big data

Dans cette optique d'une offre toujours plus adaptée aux besoins des clients, les entreprises ont une autre carte à jouer?: les données. À grande échelle, le désormais célèbre big data révolutionne le marketing, en ciblant les prospects à un degré inédit. "On diminue la pression publicitaire. Grâce aux algorithmes et aux informations collectées, on privilégie une publicité raisonnée, qui n'atterrit pas dans les mains d'un public non intéressé", avance Philippe Seignol, président de l'agence de marketing digital Performics.

Meilleure connaissance des clients, mesure de leur satisfaction, étude de leurs besoins et de leurs attentes... Les données permettent de comprendre le marché et les processus de consommation, mais aussi, et surtout, de les anticiper. "Dès que nous avons identifié un client, nous lui proposons, en temps réel, la meilleure offre pour lui, ainsi qu'un produit ou bien un service ­supplémentaire, ou une promotion sur ce dernier", insiste Luc Doladille. L'avantage?: cela permet de fidéliser ses clients et de générer des achats.

Un imprimeur aura ainsi tout intérêt à disposer d'un système d'information suffisamment intelligent et réactif pour pouvoir exploiter les données de son service commercial et proposer une série de produits ou services à ses clients automatiquement. Un commercial ayant vendu une imprimante à une entreprise recevra, dans les cinq à six mois, une alerte pour la démarcher sur des produits dérivés, comme les toners, dont le renouvellement s'effectue environ tous les semestres.

Le marketing et la vente ne sont pas les seuls concernés par l'automatisation offerte par le digital. Celle-ci touche également le travail en tant que tel. En réalisant, directement via les outils numériques, une partie de leurs opérations à faible valeur ajoutée, les salariés peuvent consacrer le temps gagné à d'autres missions plus qualitatives.

En digitalisant les aspects administratifs de son travail, notamment grâce à la numérisation, au partage ou à la coproduction de documents à distance, un expert-comptable proposera ainsi une offre globale de services comprenant la réalisation et l'analyse de tableaux de bord ou des prestations sociales, fiscales ou en gestion de patrimoine.

Une offre adaptée aux désirs des consommateurs

D'autant plus que le numérique ouvre la porte d'un meilleur niveau de personnalisation. Une "customisation" qui, toutefois, exige réactivité et flexibilité de la part des entreprises, et donc un système d'information performant.

Sur poubelle-pro.fr, les clients peuvent composer leurs propres supports à sac-poubelle

En 2011, la société Guéry, fabricant et distributeur de collecteurs à déchets et du mobilier urbain de 65 salariés, lance son site internet poubelle-pro.fr, sur lequel ses clients peuvent à la fois accéder aux produits disponibles sur catalogue et composer leurs supports à sac-poubelle en précisant les dimensions, les couleurs, les entourages, les fixations et les supports d'affichage de leur choix. "Après d'éventuels échanges avec le bureau d'études et le prototypage, la commande ­finale est enregistrée dans notre système informatique. Puis toute la chaîne d'information est automatisée, jusqu'à l'expédition du produit", détaille Frédéric Quillevéré, son président.

L'entreprise est équipée d'un ERP (enterprise resource planning) par lequel transitent toutes les données. Après l'enregistrement de la commande, le logiciel prend en charge la vérification de la disponibilité des matières premières, l'ordre de fabrication, les modalités logistiques d'expédition et la facturation. "Même si la personnalisation était possible, cette activité a bondi, grâce à ces équipements, pour représenter aujourd'hui 10% de nos 7 M€ de chiffre d'affaires", souligne le dirigeant.

Le système d'information optimisé devient ainsi la colonne vertébrale de l'entreprise. Il améliore son efficacité opérationnelle et sa compétitivité. Or, dans cette optique, l'ennemi numéro un est la multiplicité d'informations. "Les salariés disposent de leurs logiciels de bureautique, de leurs logiciels métiers, de leurs programmes ­comptables, de leur CRM ou de leur GPAO. Cela entraîne trop de lourdeurs, surtout pour des petites structures. Doit donc être instaurée une information unifiée et ­accessible à tous, du service ­comptable aux commerciaux, sans oublier la direction générale", insiste Frédéric Bellotti.

Cette démarche peut passer par la refonte globale de l'outil informatique de l'entreprise, mais également par la connexion des différents logiciels métiers, regroupés autour d'une base de données unique et commune. Dans les deux cas, l'entreprise gagne en réactivité et en fiabilité de l'information. Car cette dernière n'est entrée dans le système d'information qu'une seule fois, évitant ainsi les doublons, les ressaisies et donc, le risque d'erreur. "Rien qu'en automatisant le passage du devis à la commande, on gagne de 20 à 30 minutes, car une seule saisie suffit. Sans cette organisation, les données sont entrées dans le système pour le devis, puis une seconde fois pour acter la commande. C'est d'ailleurs ce que l'on observe dans 80% des PME", poursuit Frédéric Bellotti.

En effet, au-delà des considérations de performance économique et de capacité d'innovation, la transformation numérique s'appuie sur des circuits d'information, de communication et de décision plus transversaux et plus directs. Outre l'ERP, d'autres outils sont à disposition des entreprises, quelle que soit leur taille. "Pour les PME, rien que la mise en place d'un logiciel de messagerie et de partage de documents facilite la transmission de l'information entre les services", avance Alain Bernard, directeur de la division PME?/?PMI de Microsoft France.

L'enjeu est, pour elles, de disposer d'un système d'information à la fois structurant et décloisonnant afin de faciliter la communication interne de l'entreprise, le travail en équipe interdisciplinaire, l'échange d'informations et la mobilité.

L'échange d'informations, un enjeu crucial

En 2008, Frédéric Volpon, ébéniste, entreprend la révolution numérique de son entreprise de 11 salariés. À l'époque, les ordinateurs ne sont pas connectés entre eux et les équipes marchent d'un service à l'autre munies de clés USB pour échanger des informations. Aujourd'hui, les postes sont en réseau, les documents sont numérisés et la transmission des données se fait via le serveur de l'entreprise. Les salariés présents sur les chantiers échangent même des photos avec leurs clients via leur smartphone, pour accélérer les prises de décision.

Des bonnes pratiques quand, comme le précise Alain Bernard, "les outils de collaboration engendrent un gain de productivité de 25 à 30%". Luc Doladille renchérit?: "Tous les outils qui permettent d'éviter des déplacements, d'optimiser le temps de travail des équipes sur le terrain et de faire du reporting sont indispensables pour rester compétitif." En apportant des solutions de mobilité aux salariés, l'entreprise optimise leur temps de travail et leur donne les moyens de réaliser leur mission, qu'ils soient chez leur client, en train d'effectuer un trajet ou chez eux.

Tous ces atouts font du numérique un vecteur-clé de rentabilité pour plus de la moitié des entreprises. Celles-ci estiment, en moyenne, à 6% son effet positif sur leur résultat d'exploitation, tant sur la croissance du chiffre d'affaires que sur la réduction des coûts opérationnels, et à 7 % les gains de productivité réalisés grâce à lui.

Une tendance qui devrait, selon les professionnels, perdurer et s'amplifier. D'autant que le digital ouvre également la voie à de nouveaux business models. C'est ce que réalise la start-up Pop in the city, créée en mars 2012, qui propose des raids urbains pour les femmes. Elle fédère aujourd'hui une communauté de 1600 "pop­peuses", qui a doublé en un an, et 6500 fans sur le réseau social Facebook. Si Pop in the city tire ses revenus des inscriptions, des sponsors et de financements pour la promotion des villes, le numérique lui ouvre de nouvelles opportunités de générer du chiffre d'affaires.

"En plus de l'animer et de la faire grandir, nous avons un enjeu de monétisation de notre communauté", révèle Clémentine Charles, présidente de la start-up. Elle développe en ce moment un partenariat avec le site de rencontre Meetic, souvent à la recherche de femmes célibataires. "Nous ne lui vendons pas notre fichier de contacts mais la possibilité de solliciter nos "­poppeuses", par notre intermédiaire, pour participer à certains de leurs événements", précise-t-elle. Ses données, en plus d'être utiles à son activité, deviennent alors une source de revenu à part entière dans son business model. Elles sont la richesse de l'ère numérique.

 
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