Intelligence artificielle: quel impact pour les PME?
L'intelligence artificielle (IA) était au coeur des débats de la Conférence annuelle des entrepreneurs, qui s'est tenue lundi 20 novembre 2017 à Paris. Une lame de fond qui touche tous les secteurs d'activité et aussi les PME.
Je m'abonneL'intelligence artificielle, une affaire d'experts de la tech? Pas seulement. Toutes les PME, en réalité, sont concernées. "Beaucoup de PME font de l'IA sans le savoir", explique Jean-Denis Muller, vice-président de l'Association française de l'intelligence artificielle (AFIA) et directeur du département d'innovation numérique de Veolia Recherche & Innovation.
Segmentation de bases clients, utilisation de contacts suggérés par LinkedIn, usages d'applications bancaires basées sur des algorithmes... L'IA fait déjà partie de leur quotidien.
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"L'intelligence artificielle est partout, touche tous les secteurs, tous les marchés, chacun d'entre nous", observe Grégoire Sentilhes, président de l'association Citizen Entrepreneurs, en ouverture de la Conférence annuelle des entrepreneurs, organisée lundi 20 novembre au Conseil économique et social à Paris.
1. L'IA améliore la relation client
"Le secteur le plus mûr est la connaissance du client", lance Jean-Denis Muller. L'une des questions étant de savoir "comment adresser le client de façon spécifique".
L'analyse de données permet, ainsi, de mieux connaître le consommateur, son profil, ses habitudes d'achat, donc de lui proposer des offres plus adaptées à ses besoins, voire de les prédire. Elle permet aussi, en cas d'anomalie sur un compte client ou un compte bancaire par exemple, de le contacter directement pour résoudre le problème.
#CAE2017 L'#IA entraîne un gain de qualité ds la #relationclient pour Emmanuel Walckenaer d'@yseopAI, elle accélère la prise en charge du client pour @CNibourel d'@AccentureFrancepic.twitter.com/QfTkPJP11g
- Chef d'Entreprise (@Chef_Entreprise) 20 novembre 2017
Autre application : l'optimisation du service. Grâce à l'IA, "nous serons capables demain d'apporter du service, de prendre une réclamation ou opérer un dépannage en temps réel", complète Thierry Laborde, directeur général adjoint et responsable des marchés domestiques chez BNP Paribas.
Autant d'usages appuyés sur des outils de marketing adaptés, comme des chatbots. Lesquels n'éliminent pas, pour autant, toutes les interactions humaines, mais permettent aux conseillers de se recentrer sur les questions ou les retours les plus complexes.
Au-delà de la relation client, l'IA permet d'optimiser les contrôles qualité, comme dans la construction ou dans l'automobile. Et plus globalement les process, en particulier au niveau RH (paie, DSN). La PME Dhatim est spécialisée dans ce domaine. "Notre outil apporte un gain de productivité en économisant des ressources humaines et une optimisation du travail en éliminant le risque de faire certaines erreurs", détaille Thomas Bourgeois, son dirigeant.
2. L'IA fait évoluer les métiers et l'emploi
En automatisant certaines tâches jugées pénibles, l'IA fait évoluer les métiers, dans la production par exemple. "Elle assure les tâches fastidieuses et soulage les personnes", explique Thomas Bourgeois. Tandis que ses détracteurs y voit une menace pour l'emploi, d'autres comme Grégoire Sentilhes estime qu'"elle génère un repositionnement des hommes sur des tâches à plus haute valeur ajoutée''.
Un avis partagé par Christian Nibourel, président d'Accenture France et Benelux, qui évoque une "montée en gamme dans l'emploi". Pour Thomas Bourgeois, "l'IA ne va pas remplacer les comptables et les gestionnaires de paie" mais, au contraire, les aider à "se concentrer sur la notion de service aux salariés".
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Avec l'évolution des métiers apparaît ainsi la nécessité de former les personnes à acquérir de nouvelles compétences. Soit pour les recentrer sur d'autres tâche, soit pour apprendre à piloter les outils d'intelligence artificielle. Les dirigeants de PME eux-mêmes doivent être formés.
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"Plus important que la complexité technique, notre solution ayant été conçue pour être mise entre les mains de non experts, le vrai challenge, c'est la conduite du changement", déclare Thomas Bourgeois. L'objectif, pour tous, est que l'usage des outils d'IA s'insère dans des processus ou des pratiques existantes. Moyennant un accompagnement humain, visant également à lever les résistances ou les inquiétudes.
Par ailleurs, à rebours là encore de l'idée de préjudice, l'essor de l'IA pourrait s'accompagner d'un mouvement de relocalisation de l'emploi."Les call centers seront relocalisés car les conseillers gèreront de plus en plus des questions compliquées. Ils vont devenir des experts", pronostique Emmanuel Walckenaer, dirigeant d'Yseop, fournisseur de solutions intelligentes. "Beaucoup de métiers outsourcés reviennent en France grâce à l'IA, abonde Thomas Bourgeois. Les experts seront basés dans l'Hexagone pour faire marcher les robots".
3. L'IA optimise les données internes
Les entreprises sont assises sur un tas d'or représenté par leurs données. Dans de nombreux cas, elles n'en retirent pas suffisamment de valeur. Pourtant, en les analysant, elles peuvent en tirer des bénéfices. "Les géants américains ont tout capitalisé sur les données personnelles, cela va être difficile de les rattraper, mais sur les données professionnelles, le gisement reste à l'intérieur des entreprises", remarque Cédric Villani, député, en charge de la mission IA pour la France.
L'optimisation des données est le métier de nombreuses entreprises comme Yseop, spécialisée dans l'analyse. "Il s'agit d'un gain de productivité", promet son dirigeant Emmanuel Walckenaer. Revers de la médaille : mal protégées, ces données représentent une source de vulnérabilité pour les entreprises.
Pas besoin d'avoir été victime d'un vol manifeste pour cela : "les objets connectés peuvent constituer un vecteur d'attaque en masse", prévient Apolline Aigueperse, managing partner chez CybelAngel, entreprise spécialisée dans la cybersécurité. En parallèle, la question de la confidentialité des données,par exemple dans le secteur médical, de leur accès, et de leur disponibilité, se pose également.
Le problème de la transformation digitale
Si les perspectives ouvertes par l'IA sont multiples, certains dangers guettent. Au-delà des capitales questions éthique et démocratique, les PME ont des niveaux de maturité très variable en la matière. Le problème étant que beaucoup accusent un retard dans leur transformation digitale.
Pour nombre d'entre elles, "anticiper, innover et se numériser est difficile", souligne en effet Geoffroy Roux de Bézieux, vice-président délégué du Medef. Or, pour Jean-Denis Muller, "être intrinsèquement numérique" constitue, pour les PME, la première étape à franchir pour intégrer l'IA. Autrement dit, il s'agit pour les entreprises de mener une réflexion sur les moyens d'améliorer l'efficacité de leurs données.
D'autres freins existent côté RH. Geoffroy Roux de Bézieux pose également "le problème de la formation du dirigeant" et celui de "la capacité stratégique à attirer des talents", afin se pencher sur la question dans leurs entreprises. Beaucoup de jeunes ingénieurs sont en effet davantage séduits par les conditions de travail offertes par les grands groupes, qui soignent leur attractivité.
Se pose, enfin, le problème de la concurrence. "Tout le monde peut créer un moteur de recherches mais l'avance de Google sera difficile à rattraper", résume l'un des intervenants. Un handicap à surmonter pour les PME.