[Portrait] Dominique Restino, la vérité du mentor

Ses vacances, Dominique Restino les a passées entouré des siens. Chaque été, depuis 25 ans, le patriarche et sa femme, à ses côtés depuis 33 ans, réunissent, sous le même toit, leurs trois fils, leurs compagnes et leurs deux petits-enfants.

"Dans le courant de l'année, je suis tellement occupé que je vois à peine le jour. Alors, rien ne me fait plus plaisir que passer ces moments avec eux", avoue-t-il, les yeux brillants de bonheur.

Et l'homme, qui se ressource auprès de sa descendance, apparaît à l'image de l'entrepreneur, dont le parcours est teinté d'intergénérationnel. Transmettre, diffuser aux plus jeunes, mais également s'en inspirer...

Ce besoin, Dominique Restino en a fait sa marque de fabrique et son fer de lance, à la tête des structures les plus emblématiques du genre : le Moovjee, l'Institut du mentorat entrepreneurial (IME) et, depuis mai 2014, l'Agence pour la création d'entreprises (APCE).

C'est que l'élu à la chambre de commerce et d'industrie Paris Île-de-France a toujours cherché à rendre ce qu'on lui avait donné. "Je suis parti de rien, mais j'ai appris grâce aux rencontres."

Des rencontres qui le mènent, à tout juste 17 ans, à Paris où, 150 ans euros en poche, il se consacre d'abord à sa passion, le théâtre, avant de devenir, deux ans plus tard, consultant RH.

Dès 1984, il intègre la filiale européenne du fabricant de systèmes d'impression Xerox, en tant qu'ingénieur commercial. Mais rattrapé par son désir d'entreprendre, il monte, avec deux associés, un projet de réseau d'agences de recrutement spécialisé, qui intègre le premier programme d'essaimage de Xerox.

Ironie du sort, l'accompagnement est dispensé par l'ANCE, Association nationale de la création d'entreprise, qui deviendra plus tard... l'APCE. La boucle, cependant, est encore loin d'être bouclée.

Importer le mentorat

Rapidement, la toute jeune société de recrutement, Sogedis-Effectif, fait un carton, emploie une centaine de salariés et 1200 personnes en mission.

"En vingt ans, nous avons ouvert 12 bureaux en France. Fin 2006, avant la revente de la structure, notre chiffre d'affaires atteignait 35 millions d'euros", raconte avec fierté Dominique Restino.

Le secret de cette réussite entrepreneuriale ? "Faire confiance à des juniors et, surtout, les faire monter en compétence". Une philosophie philanthropique qu'il met en oeuvre au sien de la chambre de commerce et d'industrie de Paris (CCIP), où il est élu en 2004, puis en 2010.

Autant d'années durant lesquelles il soutient diverses activités en faveur des porteurs de projets, tant en France qu'à l'étranger, et notamment, en revenant référent Québec au sein de la CCIP.

"Cette expérience outre-Atlantique m'a fait découvrir un système abouti de relations mentorales qui faisaient défaut en France, à l'époque."

Dominique Restino se décide à relever le challenge : importer le mentorat dans l'Hexagone. "Hormis l'aide à la création d'entreprise, il n'existait pas de chaîne d'accompagnement dédiée aux PME de croissance, désireuses de passer au stade d'ETI", rappelle-t-il.

Qu'à cela ne tienne, en 2008, il lance, après deux ans de préparation, l'IME, Institut du mentorat entrepreneurial au sein de la CCI paris. La structure nationale, IME France, qui se constitue trois ans après, marque l'ouverture de plusieurs sites homologues en régions, ainsi qu'un en Belgique.

L'objectif de cette initiative d'envergure : que les patrons de PME à fort potentiel de développement soient accompagnés par des pairs à la tête d'entreprises plus matures.

"Car pour bien gérer la croissance de son entreprise, il est impératif que le patron ne soit plus seul, insiste Dominique Restino. Aussi, l'objectif de ce programme de deux ans est-il de favoriser la confiance entre le mentor et le mentoré. C'est pourquoi l'un et l'autre se choisissent mutuellement pour mieux échanger et partager de bonnes pratiques."

Preuve du succès : parmi les 150 entreprises de ce programme clés en main, "certaines ont même multiplié par 10 leur chiffre d'affaires !", se réjouit Dominique Restino.

Soucieux de pérenniser l'initiative, l'intéressé s'engage dans l'élaboration d'une Charte nationale du mentorat entrepreneurial, signée début 2013 par Arnaud Montebourg, alors ministre du Redressement productif, et Fleur Pellerin, alors ministre déléguée chargée des PME.

Création du Moovjee

Parallèlement, l'homme, infatigable, crée le Moovjee, dont il devient le président. Le mouvement vise à élargir le mentorat aux étudiants entrepreneurs, du CAP à bac+5, notamment grâce au Prix Moovjee récompensant les porteurs de projets innovants, dont la cinquième édition s'est tenue en avril 2014.

Bien qu'il gère déjà en parallèle deux entreprises (Executive Capital, société de conseil en stratégie de développement, et Expertive, cabinet de recrutement spécialisé), l'engagement de Dominique Restino est loin de s'arrêter là.

En octobre 2013, Fleur Pellerin le charge de réfléchir aux transformations de l'APCE pour rester en phase avec le paysage de la création d'entreprises. Un challenge de taille, alors que l'avenir de l'agence semblait compromis. Coauteur, avec Thierry Bert, inspecteur des finances, d'un rapport sur le sujet remis en février 2014, il est élu deux mois plus tard président de la structure. Cette élection marque une nouvelle étape pour l'agence.

Si le nouveau défi à relever n'est pas négligeable - repositionner l'agence et refondre le site, qui attire déjà 11 millions de visiteurs uniques par an -, rien n'inquiète l'homme aux 1000 projets, lui qui a déjà consacré plus de 30 ans de sa vie à la transmission du savoir-faire.

Une démarche d'autant plus cohérente qu'elle reste animée par la même conviction, "celle que l'entreprise reste le meilleur ascenseur social".