Chef d'entreprise ? Non, fondateur de start-up !
Le 11 mars est la journée internationale des start-up. L'occasion de célébrer l'innovation technologique, ou l'entrepreneuriat , telle est la question !? Car l'étiquette "start-up" est omniprésente, et colle même à des organisations qui ne correspondent pas nécessairement à l'image traditionnelle d'une jeune entreprise innovante.
Je m'abonneLa journée internationale des start-up, célébrée le 11 mars, devrait être la journée de l'innovation technologique, non ? Si on se souvient d'un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître, le nom "start-up" était réservé aux entreprises d'innovation technologiques jeunes, à croissance rapide, fort besoin de financement externe et appétit pour le risque. Des entreprises telles que Google, Facebook et Amazon étaient des exemples emblématiques de start-up ayant non seulement révolutionné leurs industries respectives mais également transformé notre manière de vivre et de travailler. Ça n'est plus le cas aujourd'hui.
Aujourd'hui, le terme "start-up" s'étend bien au-delà de son sens originel. Le mot est maintenant largement utilisé, parfois à tort et à travers, pour décrire toute nouvelle entreprise, quels que soient son secteur d'activité et son degré d'innovation. Des entreprises dans des domaines aussi variés que la restauration, la mode, voire l'immobilier, s'autoproclament start-up. Qui a encore envie de dire qu'il lance une simple entreprise ? C'est presque devenu ringard de parler uniquement d'entreprise, au point que certains dirigeants vivent mal qu'on leur colle cette étiquette. La culture entrepreneuriale contemporaine encourage l'innovation à une échelle mondiale. Des gouvernements aux grandes entreprises, tous veulent s'associer à l'image de la "start-up nation". Cela a indéniablement des avantages économiques et créatifs, stimulant la croissance et la compétitivité. Cependant, cela pose également des questions, notamment celle de la dilution du terme lui-même.
À mesure que le terme "start-up" devient plus courant, il perd son lien originel avec l'innovation technologique. Car au coeur de toute start-up "authentique" réside l'innovation. Les entreprises qui transforment les industries et améliorent la vie des consommateurs partagent souvent cette caractéristique commune : la recherche constante de solutions novatrices. L'impact de la technologie a été particulièrement marquant dans la redéfinition des technologies et des usages, créant de nouvelles opportunités pour des entreprises innovantes.
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Chef d'entreprise, un job honteux ?
Préserver le sens du terme "start-up" ne devrait en revanche pas enlever d'impact au terme "entreprise". Pas un afterwork où tout le monde se présente comme "fondateur de start-up", même quand la seule technologie utilisée par le modèle d'affaires est le site Internet. Même dans les émissions télé à forte audience dédiées à l'innovation (et aux start-up), on trouve de très belles entreprises, créatrices de jeux de société ou de vêtements de pluie par exemple. Les marques nativement digitales (DNVB, Digital Native Vertical Brand) qui vendent en direct à leurs clients (DTC, Direct to Consumer) sont-elles des start-up ? Je ne crois pas. Mais ça ne devrait rien enlever à l'intérêt des financeurs et des médias pour ces belles réussites et leur créativité.
Bien sûr, en cosmétique par exemple, on peut parler d'innovation technologique dans la composition ou le packaging. Mais les entreprises établies dans ce secteur depuis des années peuvent se saisir de ces innovations de différentes manières. Dans certains cas, le terme "start-up" permet de signaler la jeunesse de l'entreprise ou un état d'esprit différent des grands groupes.
Dans le secteur de la banque, on a même vu fleurir le terme néo-banque qui permet de signifier les innovations d'usage des acteurs récents - sans agences physiques, très avancées en termes de digitalisation de la relation client, disponibles 24h sur 24... Et ces acteurs ont poussé les banques de détail historiques à évoluer, et à proposer plus de services pour rester dans la course. Une disruption d'usage qui a fait du bien à un secteur traditionnel très calme jusque-là.
Les clients de ces banques se disent clients de "néo-banques", pas de "start-up". Finalement, celui ou celle qui utilise le produit, qui dépense pour consommer un nouveau produit de beauté, acheter un nouveau jeu de société ou avoir des services bancaires sur son mobile cherche le produit qui lui correspond le mieux, pas le terme qui définit l'entreprise à qui il l'achète. La généralisation du terme start-up signe-t-elle un défaut d'orgueil d'entrepreneurs en mal de reconnaissance ? Dans une société où entreprendre n'est pas chose aisée, même si depuis 10 ans des barrières sont progressivement levées, on peut légitimement se poser la question.
Faire ruisseler la culture start-up au sein des entreprises
Les start-up n'ont pas seulement disrupté le marché sur lequel elles opèrent, elles ont aussi dynamité les ressources humaines. La culture tech de la Silicon Valley, les impératifs de croissance rapide et d'onboarding tout aussi rapide ont profondément changé la manière la culture RH et la communication interne des entreprises traditionnelles. C'est une forme d'hybridation telle que décrite par la philosophe Gabrielle Halpern que nous vivons : la porosité entre entreprises traditionnelles et start-up et les allers-retours effectués par les salariés ont permis de changer l'organisation du travail et ses méthodes en s'inspirant des start-up, pour le meilleur, et parfois pour le pire. Dans tous les cas, cette grande porosité entre entreprises classiques et monde de la tech a un impact indéniable dans la difficulté à différencier les start-up des autres entreprises.
Sur le plan managérial, la culture start-up, plus directe, a mis en exergue le formalisme des organisations traditionnelles, leur verticalité, leur rigidité aussi. Même si cette culture n'est pas exempte de critiques, elle a eu un impact non négligeable sur les attentes des salariés qui réclament à présent dans toutes les organisations qualité de vie au travail et équilibre pro-perso.
Alors fondateur de start-up, terme plus cool que chef d'entreprise ? Sans aucun doute. Même s'il ou elle crée des jeux de société.
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Pour en savoir plus
Laura Bokobza est dirigeante-fondatrice du cabinet LBK Consulting qui aide les dirigeants à développer leur business à toutes les étapes de la vie d'une entreprise, de la start-up à l'entreprise établie. Elle est membre élue au Conseil d'Administration de l'association Finaqui des business angels de Nouvelle-Aquitaine.