Lucca, du rêve d'ado au succès !

Il est des rêves d'adolescent qui ne peuvent que devenir réalité. Celui de Gilles Satgé - créer des logiciels de gestion - se concrétisera en 2002. La solution, appelée Lucca, se fait très rapidement une place remarquable sur le marché des SIRH et l'entreprise connaît une croissance qui défie les prévisions.

Pour le P-dg et fondateur, qui commença sa carrière comme auditeur puis directeur financier, une citation d'Alfred de Vigny résonne particulièrement : « Une vie réussie est un rêve d'adolescent réalisé à l'âge mignon. » Et de préciser : « Je ne sais pas si j'ai réussi ma vie, mais j'ai réalisé mon rêve. » Une chose est sûre, l'entrepreneur a su croire en son potentiel et ses idées visionnaires.

Approche collaborateur

Ce parcours entrepreneurial hors du commun prend racine dans le salon familial où trône sur la table le cadeau du père de Gilles Satgé : l'Apple II. Le premier micro-ordinateur de l'histoire fascine le jeune homme de 20 ans. Deux ans plus tard, l'étudiant de l'ESCP découvre une autre innovation marquante : les tableurs. Il explique alors vivre une seconde épiphanie : « C'est ce mélange de révolutions technologiques et d'exploration du fonctionnement d'une entreprise qui ont déterminé la suite. » Une suite qui s'écrira 20 ans plus tard, en 2002. L'entreprise pour laquelle Gilles Satgé est directeur financier doit instaurer les RTT. « J'image ainsi l'outil capable de gérer cette problématique avec une logique comptable en partie, double expertise acquise au cours de ma carrière d'auditeur », précise-t-il.

Le rêve se concrétise, le logiciel Lucca gère et automatise les processus administratifs RH, congés, absences, RTT... mais avec une approche collaborateur-manager et non conçue pour les professionnels des RH ou les dirigeants. L'aventure commence par une équipe de quatre personnes. En 10 ans, celle-ci passe à 15. « Une douce croissance », résume le dirigeant.

Le produit et la solution

Le changement de rythme va se produire en 2014 avec le passage au mode SaaS. Lucca ne vend plus de licences, elle les met à disposition, tel un abonnement. Déjà ergonomiques tout en étant fonctionnellement très riches, les softs peuvent désormais évoluer en permanence et faire des montées de version très régulières « dans l'intérêt de tout le monde ».

Le patron découvre aussi que pour réussir, de beaux logiciels seuls ne peuvent suffire, il faut investir dans les parties commerciales et marketing. « Il m'a fallu un peu de temps, confie-t-il humblement, mais j'étais issu d'une formation de financier ! » En effet, Lucca voit le jour plus ou moins simultanément avec le déploiement de Google en France.

À cette époque et pendant un moment, c'est donc ce logiciel qui apparaît en premier dans le moteur de recherche à partir de la requête "gestion des congés". Gilles Satgé mesure son avantage : « C'est comme avoir un emplacement sur les Champs Élysées ! ». Aussi, lors de la transition SaaS qui voit émerger la concurrence, un nécessaire changement d'état d'esprit s'opère.

Le dirigeant assiste à la conférence d'un professeur de marketing qui lui fait ouvrir les yeux. Son discours ? Les boîtes de la tech ont tendance à sacraliser le produit - ce qui est important, surtout dans ce domaine -, mais le client s'en moque un peu. Lui, ce qu'il veut, c'est une solution à son problème. Gilles Satgé nomme un directeur marketing, différent du directeur commercial. Il structure la partie commerciale avec une équipe dédiée, là où auparavant les consultants en charge du déploiement géraient également les ventes. Et il investit dans des campagnes marketing.

À l'écoute des équipes

Au tournant des années 2020, le marché est exubérant et les concurrents lèvent des fonds à foison. Dans ce contexte, Lucca avec son modèle boostrappé et sa cinquantaine de salariés actionnaires fait profil d'exception. Ce sont les clients qui payent alors l'expansion de la société. « Les équipes ont peur, à juste titre, que les concurrents dopés aux levées de fonds nous distancent, développe Gilles Satgé. Ils m'appellent quasiment tous les jours pour me dire qu'ils veulent jouer le championnat et décrocher la première place... Je décide alors de céder à leurs amicales sollicitations. C'était une saine pression. Et il faut rester cohérent : je fais le choix d'embaucher de bons collaborateurs et les bons sont souvent ambitieux. »

Début 2022, après 20 ans d'existence et d'autofinancement, Lucca réalise ainsi une levée de fonds de 65 millions, dont 35 millions en primaire pour alimenter les caisses de la société et 30 millions en secondaire partagés entre les vingt plus anciens salariés. À ce moment, l'entreprise réalise 20 millions d'euros de chiffres d'affaires.

Fin mars 2024, celui-ci s'élève à 50 millions sur une base annuelle, soit une croissance de 50 % par an. De quoi notamment permettre dans la foulée l'ouverture des filiales en Espagne ainsi qu'en Suisse et prochainement en Allemagne (septembre 2024).

Des credos solides

Les objectifs de Lucca sont clairs : atteindre le palier des 100 millions d'euros en 2025 avec un effectif de 900 personnes. Tout d'abord, il n'existe pas de système de variables appliqué à l'activité des commerciaux. « Je considère cela contre-productif, estime Gilles Satgé. Cela aboutit à une moins bonne performance. » À ce paramètre, s'ajoute une transparence totale : tous les salariés sont intéressés à la croissance du chiffre d'affaires avec un versement de prime pour tous dès lors que la croissance dépasse les 40 %.

Le plan d'actionnariat salarié, qui repose sur la cooptation, est en outre très actif, ils sont actuellement 100 à avoir accédé au capital. Enfin, bien qu'un important travail ait été réalisé sur les grilles de rémunération, chaque collaborateur peut fixer son salaire dès trois années d'ancienneté. En cas de désaccord, le "Comité des plus de 3 ans" permet aux parties prenantes de débattre du sujet en public. Autant d'initiatives et de credos qui constituent les fondations d'une entreprise ultra-dynamique et qui poursuit sa destinée : un partenariat avec Silae, acteur majeur de la paie ; le lancement d'une application de gestion de la formation et prochainement celui d'un nouveau volet sur la dématérialisation des factures d'achat.