L'impact de la réforme des retraites sur les indemnités de rupture conventionnelle
La loi portant réforme des retraites inclut une modification du régime social des indemnités de mise à la retraite et de rupture conventionnelle individuelle qui impactera le coût des départs pour les entreprises : impact positif pour les mises à la retraite mais impact nettement moins positif pour les ruptures conventionnelles et ce, quel que soit l'âge du salarié.
Je m'abonneLa loi 2023-270 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 du 14 avril 2023 a fait couler beaucoup d'encre et suscité des débats houleux.
Une mesure a été nettement moins évoquée et pourtant, elle est loin d'être neutre pour les entreprises et les salariés : la modification du régime social des indemnités de mise à la retraite et de rupture conventionnelle individuelle.
Dans le premier cas, le but n'est pas de protéger les salariés concernés puisque le coût d'une mise à la retraite va être allégé. Dans le second cas en revanche, la rupture conventionnelle va devenir plus coûteuse, et ce, pour tous les salariés.
Pour rappel, pour le moment, l'employeur a tout intérêt à éviter la mise à la retraite d'un salarié mais également la signature d'une rupture conventionnelle avec un salarié en droit de bénéficier d'une pension de vieillesse d'un régime légalement obligatoire, en raison de son coût. Ainsi :
- En cas de mise à la retraite par l'employeur > l'indemnité versée au salarié est certes exonérée d'impôt sur le revenu, de cotisations et de CSG-CRDS dans certaines limites, mais l'employeur est redevable d'une contribution spécifique de 50 % sur la totalité de l'indemnité versée.
- En cas de rupture conventionnelle > le régime social de l'indemnité varie selon si le salarié est ou non en droit de bénéficier d'une pension de vieillesse.
- Ainsi, si le salarié peut bénéficier d'une pension de vieillesse > l'indemnité est intégralement imposable et soumise à cotisations et à CSG-CRDS
- Alors que si le salarié ne peut pas bénéficier d'une pension de vieillesse > l'indemnité est exonérée d'impôt sur le revenu, de cotisations et de CSG/CRDS, dans certaines limites. L'employeur est alors redevable du forfait social au taux de 20 % sur la partie d'indemnité exonérée de cotisations de sécurité sociale.
A compter du 1er septembre 2023, l'indemnité de mise à la retraite aura un coût moins élevé pour l'employeur. La procédure de mise à la retraite ne change pas mais son traitement social est allégé. Cela peut éventuellement se comprendre puisque les salariés visés sont ceux ayant atteint l'âge pour obtenir une pension à taux plein (67 ans). Ainsi, la contribution de 50 % due sur la totalité de l'indemnité versée est remplacée par une contribution patronale de 30 % due uniquement sur la fraction d'indemnité exonérée de cotisations. Soit un double effet positif puisque le taux de contribution perd 20 points et l'assiette est également réduite.
En revanche, afin de « mettre fin aux incitations à se séparer des seniors » selon les mots utilisés par la Première Ministre, les nouvelles règles vont avoir un impact sur toutes les ruptures conventionnelles qui seront signées et ce, quel que soit l'âge du salarié. Le gouvernement souhaite ainsi limiter le nombre de ruptures conventionnelles, notamment avec les salariés seniors.
En synthèse :
- L'indemnité versée dans le cadre d'une rupture conventionnelle sera exonérée de cotisations et de CSG-CRDS dans les limites prévues par la législation sociale, et ce, dans tous les cas, y compris si le salarié est en droit de bénéficier d'une pension de vieillesse d'un régime légalement obligatoire, ce qui pourrait inciter les entreprises à signer des ruptures conventionnelles avec des salariés âgés ;
- En revanche, le forfait social de 20 % applicable sur la partie d'indemnité exonérée de c de sécurité sociale de l'indemnité de rupture conventionnelle est remplacé par une contribution patronale de 30 %, soit un coût supplémentaire de 10 points pour toutes les ruptures conventionnelles, indépendamment du droit ou non des salariés à bénéficier d'une pension de vieillesse. Cette augmentation du coût aura-t-elle un effet dissuasif ?
En clair, à compter du 1er septembre 2023, si le coût des indemnités versées dans le cadre de la mise à la retraite d'un salarié sera moins élevé puisqu'il passera d'une contribution de 50 % à 30%, le coût des indemnités versées dans le cadre d'une rupture conventionnelle sera globalement plus élevé puisque le forfait social de 20% sera remplacé par une contribution patronale de 30% applicable à toutes les ruptures conventionnelles, indépendamment de la situation du salarié au regard de ses droits à retraite.
L'objectif du gouvernement est de mettre un frein aux ruptures conventionnelles avec les salariés âgés de plus de 50 ans dont le nombre n'a cessé d'augmenter depuis 2019 d'après les constations de l'Unédic et ainsi maintenir le taux d'emploi des séniors.
Cet objectif sera-t-il atteint ? Affaire à suivre...
Christine Hillig-Poudevigne est avocat associée au sein du cabinet d'affaires YARDS et dirige son pôle social. Elle accompagne ses clients dans le cadre d'opérations de restructurations (fusions, acquisitions, transferts de salariés...) et de gestion des effectifs (Plan de Sauvegarde de l'Emploi, Plan de Départs Volontaires...). Elle conseille également ses clients dans le cadre de leurs négociations collectives et des consultations des instances représentatives du personnel.
Marie Yobo intervient en droit social auprès des entreprises sur tous les aspects du droit du travail. Marie Yobo est avocate au barreau de Paris depuis 2018 et au barreau de Montréal depuis 2022 (admission en 2021) et a rejoint YARDS en 2022.