Facturation électronique : le compte à rebours a commencé !
Afin de moderniser la vie économique et répondre aux enjeux digitaux actuels, le recours à la facturation électronique deviendra progressivement incontournable en Europe et dans le monde. En France, toutes les entreprises devront être en mesure de recevoir des factures électroniques dès 2024.
Je m'abonneLe déploiement du dispositif initialement introduit par la loi de finances pour 2021 a été reporté de 18 mois par la voie d'une ordonnance publiée au JORF le 16 septembre 2021. Ce report permettra aux principaux intéressés (entreprises, plateformes, etc.), d'avoir le temps de se mettre en ordre de marche.
Un cadre réglementaire précis
Une facture électronique est une facture ou un flux de factures créé, transmis, reçu et archivé sous forme électronique. L'avènement de la facturation électronique marque donc la fin des factures papier dans les relations entre assujettis français uniquement (B2B) et pour les opérations domestiques et leurs éventuels avoirs lorsque les règles de facturation française s'appliquent.
L'e-invoicing ne concerne que les opérations pour lesquelles l'émetteur et le destinataire de la facture sont des assujettis établis en France, ce qui exclut du champ d'application notamment les factures émises ou reçues par un assujetti non établi en France.
Il est précisé que les opérations exonérées de TVA mentionnées aux articles 261 à 261 E du CGI (secteurs du médical, de l'éducation, activités bancaires, assurances, etc.) bénéficieront toujours d'une dispense de facturation et ne sont pas concernées par ces nouvelles obligations en matière de facturation électronique.
L'émission, la transmission et la réception des factures électroniques s'effectueront, au choix des sociétés, en recourant directement à un portail public de facturation (à l'image du portail actuel ChorusPro) ou par le biais d'une plateforme de dématérialisation partenaire certifiée (qui se chargera de déverser dans le portail public). Concrètement, les factures B2B domestiques ne pourront plus être transmises directement par un assujetti à son client.
La mise en conformité sera progressive
- L'ensemble des entreprises devront être capable de réceptionner des factures électroniques à compter du 1er juillet 2024 ;
- L'émission de factures électroniques, elle, deviendra obligatoire pour les grandes entreprises à compter du 1er juillet 2024, pour les ETI à compter du 1er janvier 2025 pour les PME et microentreprises à compter du 1er janvier 2026. A cet égard, la taille de la société faisant partie d'un groupe s'apprécierait de manière individuelle, entité par entité, et non aux bornes du groupe.
Concrètement, les assujettis devront communiquer à l'administration les données relatives aux mentions figurant sur les factures qu'ils émettent. Lors de la première vague de déploiement, 24 mentions obligatoires (données ou blocs de données) devront être transmises à l'administration fiscale dont certaines n'étaient pas à ce jour prévues par le Code général des impôts (article 242 nonies A de l'annexe II) : les numéros SIREN et de TVA intracommunautaire du destinataire de la facture, la mention catégorie de l'opération : livraison de biens (LB) ou prestation de services (PS) ou double (LBPS), le numéro de la facture rectifiée en cas d'émission d'une facture rectificative, l'option pour le paiement de la TVA d'après les débits, etc.
Aussi, lors de la dernière vague de déploiement en 2026, d'autres données seront ajoutées à titre d'exemple, la minoration de prix (rabais, remises, ristournes), la dénomination précise du bien livré ou du service rendu, la mention d'escompte (qui est aujourd'hui une mention prévue uniquement par le Code de commerce) ou encore la référence à l'éco-participation (qui est une obligation règlementaire du Code de l'environnement).
Lire aussi : Facturation électronique : comment s'y préparer ?
A terme, l'un des objectifs de la réforme est de simplifier les obligations déclaratives des entreprises, en permettant le pré-remplissage des déclarations de TVA.
Quid de la transmission d'informations stratégiques ?
La transmission électronique des données (e-reporting) aura un champ d'application plus large que celui de la facturation électronique.
Ainsi, il conviendra de transmettre également les données liées au paiement, à l'exigibilité de la TVA, aux opérations avec des personnes non assujetties à la TVA (B2C) et aux opérations internationales et intracommunautaires (acquisitions et livraisons intracommunautaires exonérées de TVA, ventes à distance, prestations de services, etc.).
En pratique, les données pourront être transmises à l'administration fiscale selon le même calendrier et le même procédé que pour la facturation électronique. S'agissant de la périodicité et des modalités de communication, elles seront fixées ultérieurement par décret en Conseil d'Etat. Selon les informations à notre disposition, la fréquence des transmissions pour les assujettis relevant du régime réel normal serait de trois transmissions par mois, dans les quatre jours qui suivent le 10, 20 et le dernier jour du mois.
Par ailleurs, les entreprises non établies en France seront concernées par cette mesure, contrairement à la facturation électronique décrite ci-dessus.
Sanctions en cas de non-respect des obligations
A l'instar de tous les Etats ayant mis en place la facturation électronique, des sanctions pécuniaires pourront être prononcées à l'encontre des assujettis en cas de manquement à l'obligation de facturation électronique et/ou de transmission de données. A titre d'exemple, la société assujettie qui ne respecte pas ses obligations en matière de e-invoicing ou e-reporting s'exposera respectivement à une amende de 15 € par facture ou 250 € par transmission, dans la limite de 15 000 € par année civile. Ces sanctions ne seront toutefois pas appliquées en cas de première infraction commise ou de régularisation spontanée.
Naturellement, des sanctions pécuniaires et techniques strictes (pouvant aller jusqu'au retrait de son immatriculation) sont aussi prévues en cas de manquement des plateformes partenaires à leurs obligations.
Se préparer à la mise en oeuvre de la réforme
La phase d'expérimentation sera ouverte dès le 1er janvier 2024.
Dans la mesure où la mise en place de la facturation électronique et du e-reporting demande un effort important pour l'organisation des entreprises, ces dernières impliquant des modifications des procédures internes et de paramétrage des systèmes informatiques, il convient d'anticiper dès à présent cette réforme. Les entreprises sont invitées à réaliser un état des lieux des flux, systèmes et procédures internes impactés par la réforme, ou encore à évaluer l'opportunité d'avoir recours à une plateforme de dématérialisation partenaire certifiée.
Pour ne pas alourdir la charge des entreprises, le système qui sera mis en oeuvre devra être suffisamment souple et évolutif. A titre d'exemple, il est prévu que les fonctionnalités du portail public de facturation puissent être intégrées directement dans les systèmes d'information de l'entreprise ou dans le progiciel de facturation qu'elle utilise.
Le report de 18 mois doit être utilisé par les entreprises à bon escient afin de se préparer et s'adapter au mieux à cette nouvelle règlementation, mais aussi d'appréhender d'autres impacts au-delà de la TVA, en particulier les sujets de cohérence avec les liasses fiscales et de contrôle des flux.
Pour en savoir plus
Nathalie Habibou est associée au sein du cabinet Arsene, spécialisée en matière de TVA & taxes indirectes. Depuis 2008, elle intervient auprès des clients français et internationaux opérant dans tous les secteurs d'activités (luxe, énergie, immobilier, pharmaceutique, grande distribution, tourisme, SSII, e-commerce).