[Billet d'humeur] Le Père Noël, un entrepreneur comme un autre ? (Episode 5)

Père Noël : « C'est l'analyse PERT qui va sauver Noël ! »

Freud : (intrigué, haussant un sourcil) « Rien que ça ? Le PERT ? Expliquez-moi cela. Je vous avoue, ça sonne beaucoup comme une excuse pour ne plus parler de votre mère... mais allez-y, éclairez ma lanterne parce que cela sonne énormément comme une perte de temps dans les affaires qui nous concernent » (Sigmund se gausse discrètement).

Père Noël : « Très drôle ! Le PERT, c'est pour « Program Evaluation and Review Technic » ! En gros, c'est une méthode géniale pour planifier les projets complexes. C'est grâce à ça que j'ai optimisé chaque étape de ma tournée. Vous voyez, le PERT identifie le chemin critique : c'est-à-dire les tâches essentielles, celles qui, si elles dérapent, mettent tout le planning en retard. C'est notre dernière séance qui m'a motivé à me lancer dans cette planification de ma prochaine tournée. Chaque minute gagnée est vitale et pour tout bien planifier, on est en pleine période de Crunch à l'atelier ! Les lutins ne sont pas tous contents de faire des heures sup non payées, mais à la clef et en généralisant cette étape dans nos process pour l'année prochaine, Je suis certain que cela va nous faire gagner un temps considérable, et qu'ils vont pouvoir poser des congés pour la première fois de l'histoire de Noël, à partir du 02 janvier 2025 et au moins jusqu'à la saint Guillaume ! J'aime tellement ce prénom maintenant ! »

Freud : « Fascinant votre mindset. Et votre PERT, ça a l'air d'être intéressant, surtout si vous l'utilisez pour le bien-être des lutins. Pourquoi n'avoir jamais utilisé cela avant ? Vous aviez pourtant bien des Noëls pour tester... Et surtout, comment cela fonctionne-t-il concrètement ? »

Père Noël : (enthousiaste) « Bah c'est le petit Vincent C. qui m'en a parlé ! Je savais à quoi ça servait, mais je n'avais jamais pensé à l'appliquer pour mon activité. Du coup, j'ai commencé par découper ma tournée en activités ou tâches clés. J'ai bien entendu identifié les dépendances entre elles, puis enfin, j'ai déterminé quelles sont les étapes critiques et lesquelles peuvent attendre. Je m'appuie sur mes fidèles lieutenants qui gèrent leurs équipes. Mais ça c'est déjà du RACI ! En bref, j'ai optimisé Noël. Par exemple :

1. Glitter et Candyicicle s'occupent de la préparation des cadeaux : normalement s'inclut la fabrication des jouets, néanmoins, vous imaginez bien que cette étape est déjà terminée pour cette année. Du coup, ils empaquettent et vérifient les étiquettes.
2. Jolly, Everlight s'occupent du chargement du traîneau : il s'agit d'optimiser l'espace et de bien répartir le poids. Sven, quant à lui, il s'occupe de l'équipe chargée du réglage du traîneau, de son équilibre et de la résistance thermique. L'aérodynamisme est un sujet clef. J'ai d'ailleurs rendez-vous avec Elon MUSK pour parler de ses drones, qui pourraient nous faire gagner un temps extraordinaire.
3. Pine et Dreamfriend sont chargés de l'optimisation de la tournée : ils calculent le meilleur itinéraire en fonction des fuseaux horaires.
4. Enfin, Fluffy & Goodball, se sont chargés de la collecte des cookies et du lait : pour le partage après la tournée. Parce que la vraie récompense, elle est vraiment là pour nous !

Ensuite, j'ai utilisé la méthode PERT pour établir un planning. J'ai créé un diagramme qui montre quelles tâches doivent être réalisées avant, pendant, ou après les autres. Cela m'a permis d'identifier les tâches critiques comme je vous ai dit et celles qui pouvaient être décalées ou exécutées en parallèle. »

Freud : « Donc, si je comprends bien, vous avez priorisé les tâches critiques ? Excusez-moi, vous avez dit : c'est déjà du rassis ? »

Père Noël : « Non, le RACI, j'y viens après, ils sont drôles vos jeux de mots aujourd'hui Sigmund. Sinon, oui, exactement ! Par exemple, j'ai dû allouer plus de lutins à l'empaquetage, car un retard là-dessus aurait impacté tout le reste. Par contre, la peinture des sucres d'orge pouvait attendre - ce n'était pas critique. D'autant que ce sont des cadeaux gratuits. J'ai tout de même mis le professeur Tiny sur la génération de codes pour Fortnite et Roblox. Les gosses de toutes les façons, ils n'aiment plus les sucres d'orge ! Plutôt que d'allouer une équipe de 12 lutins pour peindre chaque Sucre d'Orge, le professeur Tiny utilise l'intelligence artificielle pour générer un bot qui génère automatiquement des codes, puis ça envoie dans l'imprimante magique pour générer des cartes cadeaux. »

Freud : Et en termes de ressources, comment avez-vous géré cela ?

Père Noël : « Bah c'est là que la méthode RACI intervient afin de clarifier les rôles de chacun ! Bon apparemment, cela ne vous dit rien, c'est ça ? »

Freud : (avec un sourire) « Rafraîchissez-moi la mémoire. Expliquez-moi la méthodologie comme si vous étiez un speaker TED ! Je sais que vous en mourrez d'envie de monter sur scène ! »

Père Noël : « Ok ! Bon, RACI pour Responsible, Accountable, Consulted, Informed. En gros, chaque tâche a un responsable principal (Responsible), quelqu'un qui valide (Accountable), des personnes consultées (Consulted), et des personnes informées (Informed). Grâce à ça, mes lutins savaient EXACTEMENT quoi faire, et personne ne se marche sur les pieds. Glitter, Jolly, Pine et Fluffy sont les responsables principaux, Goodball est l'adjoint de Fluffy, car la collecte et le flux cookitaire reste indirectement le poste le plus important et représente une metric particulièrement intéressante pour mesurer notre croissance ; notamment avec des incitations à nous laisser des cookies au chocolat blanc et des brownies, ainsi que des verres de lait végétal en cross-sell... »

Freud : « Cela semble incroyablement structuré maintenant votre histoire. Je suis impressionné. Vous êtes passé de « j'improvise avec des lutins grincheux » à « CEO de Noël Inc. » ! Et ce planning ? Comment l'avez-vous visualisé ? »

Père Noël : « Avec un bon vieux diagramme de Gantt, bien sûr ! Une fois le PERT terminé, j'ai transformé tout ça en un planning visuel. Vous voyez, le Gantt permet de montrer clairement :

• Quand chaque tâche commence et finit.
• Quelles tâches se déroulent en parallèle.
• Où il reste des marges de manoeuvre.

J'ai même coloré les tâches critiques en rouge pour qu'elles soient bien visibles. »

Freud : « Impressionnant. Nicholas, je ne vous reconnais plus. Vous êtes un mélange de Steve Jobs et de Elon Musk avec une barbe plus fournie. Mais... qu'en est-il de votre mère ? Vous êtes passé de la légende mythique au gestionnaire de projet légendaire ! Qu'en dit-elle ? »

Père Noël : (riant) « Bah, je n'ai plus le temps de discuter avec elle ! »

Freud : « Voyez, j'avais raison ! »

Père-Noël : « Ok, mais ça va, je ne cherche plus son approbation ! Je ne suis même plus certain de rechercher inconsciemment son admiration... »

Freud (notoirement satisfait) : « Ah, là, vous touchez au coeur de la psychanalyse, Nicholas : se libérer du regard des autres. Bravo ! Mais que se passe-t-il Nicholas ? Pourquoi tirez-vous cette tête d'un seul coup ? Votre sourire semble un peu... comment dire... mitigé. Que se passe-t-il ? C'est parce que j'ai encore parlé de votre mère ? »

Père Noël : (Se levant) « Pas impossible Doc, j'ai l'impression que tout ça - le PERT, le Gantt, le RACI - a chamboulé quelque chose en moi. J'ai beau être fier de mon organisation, mais je suis de plus en plus angoissé. J'aurais peut-être dû vous parler de mes insomnies et de mes réveils tourmentés. Vous savez, je ne pensais pas qu'organiser des tâches critiques pouvait autant me remettre en question. Vous allez me prendre pour un psychopathe bipolaire à passer si vite d'un état émotionnel à un autre... »

Freud : (intrigué) « En même temps, c'est le principe de la psychanalyse. Cela fait bouger des choses au niveau structurel ce type d'accompagnement. Mais vous allez voir, tout va bien se passer. Reprenons : vous avez découpé votre mission en étapes, priorisé, et tout semble avoir fonctionné. Qu'est-ce qui vous trouble ? »

Père Noël : « Eh bien, je viens de réaliser quelque chose d'énorme : depuis des siècles, je me suis toujours défini comme « l'homme de Noël », celui qui résout tout par la magie et l'improvisation. Mais en organisant mes tâches comme un projet complexe depuis que le petit Vincent C. m'en a parlé, mes angoisses ont augmentées et je me réveille la nuit en me demandant si ma vie n'a pas toujours été une série de « chemins critiques ».

Freud : « (se penchant légèrement en avant). Allez-y, je vous écoute. Quels sont ces « chemins critiques » personnels ? »

Père Noël : « Prenons ma mission principale : distribuer des cadeaux à tous les enfants du monde. C'est ma raison d'être, n'est-ce pas ? Mais si je la découpe en étapes, je vois bien qu'elle repose sur des dépendances... et sur des manques. Par exemple, mon besoin d'être aimé par tous ces enfants. Ce désir universel d'approbation. C'est comme si en vous déclarant, il y a littéralement cinq minutes, que je ne cherche plus l'approbation de ma mère, une nouvelle faille s'était ouverte... C'est comme si, inconsciemment, je voulais compenser quelque chose de plus profond. Comme un appel à la confession : je ne suis pas entier si je ne vous parle que de mes succès. Je suis entier, avec mes failles, mes peurs et mes angoisses. Je ne suis qu'une légende, vous savez ? »

Freud : « Ah, vous commencez à comprendre. Vous dites que cette obsession pour satisfaire tout le monde est liée à une tâche critique non résolue en vous-même ? »

Père Noël : « Exactement. Depuis que j'ai appliqué le PERT à Noël, lorsque je me réveille, je pense aux tâches qui étaient superficielles, décalables, non prioritaires. Et je me suis demandé : quelles sont mes propres « tâches critiques » dans ma vie personnelle ? Quelles étapes fondamentales pour que je sois moi-même ? Comme balancé entre le désir de vous en parler et de garder tout cela pour moi, je ne savais pas si je devais sauter le pas pendant cette séance... je me sens un peu plus léger d'un coup... j'ai une peur immense qui m'envahit et parallèlement, un soulagement très réconfortant d'avoir osé aborder ce sujet. »

Freud : « C'est une réflexion passionnante. En psychanalyse, nous parlons souvent de « noeuds » ou de « conflits fondamentaux », des sortes de chemins critiques psychiques qui structurent une personne. Si l'un de ces noeuds se bloque ou est mal résolu, tout l'édifice s'effondre. Vous avez peut-être simplement projeté votre structure intérieure sur votre gestion de projet. »

Père Noël : « Mais alors, Doc, est-ce que ma quête de perfection logistique... ce besoin que tout soit optimisé... est une façon de gérer mes propres failles, peurs et angoisses ? »

Freud : (hochant la tête) « Très probablement. Prenez votre obsession pour ne jamais décevoir les enfants : cela reflète un besoin fondamental d'approbation, probablement enraciné dans une peur d'abandon ou une culpabilité profonde. Vous vous êtes construit sur une promesse implicite : « Je ne faillirai jamais. » En planifiant si méthodiquement, vous sécurisez votre propre équilibre intérieur. Mais cela vous empêche aussi de regarder ce qui se passe en vous. Cela vous rend presque... humain ! En analyse transactionnelle, on parle du driver : Sois parfait ! Généralement, vous ne livrez jamais aucun travail avant qu'il ne soit absolument parfait et vous êtes hyper exigeant avec vous et les autres. C'est important de lâcher prise parfois ! »

Père Noël : « Mais, Doc, si je laisse de côté mes « cadeaux critiques », qui suis-je ? Tout mon rôle repose sur le fait de donner... mais à quel moment ai-je appris à recevoir ? »

Freud : « Ah, voilà une question centrale ! Peut-être que votre chemin critique personnel n'est pas de livrer des cadeaux, mais de comprendre pourquoi vous le faites. Vos diagrammes, vos plans... ils révèlent un esprit brillant, mais aussi une structure psychique qui s'accroche désespérément à l'idée que tout doit être sous contrôle. En psychanalyse, nous appelons cela la recherche du « Moi idéal », un Moi parfait et irréprochable. »

Père Noël : (fronçant les sourcils) « Et si, dans mon planning personnel, mes « lutins critiques » étaient mes blessures refoulées ? Par exemple, mon sentiment d'avoir été... oublié. Vous savez, Doc, je distribue des cadeaux depuis des siècles, mais qui a jamais pensé à me demander ce que je veux, moi ? »

Freud : « C'est précisément ce que je voulais souligner. Peut-être que dans votre structure mentale, il y a une tâche critique négligée : votre propre épanouissement. Vous avez tellement optimisé votre rôle de Père Noël que vous avez oublié l'homme qui se cache derrière la barbe. »

Père Noël : « Donc... optimiser ma tournée, c'était un moyen d'éviter d'optimiser ma propre vie ? »

Freud : « C'est fort possible. Votre gestion de projet est brillante, mais elle reflète un fonctionnement défensif : organiser l'extérieur pour ne pas affronter l'intérieur. En d'autres termes, vous êtes le chef de projet parfait pour Noël, mais qu'en est-il de votre propre « plan de vie » ? Où est votre diagramme de Gantt personnel ? »

Père Noël : (soupirant) « C'est vrai, Doc. Je n'ai jamais identifié mes dépendances internes. Peut-être que je devrais appliquer le PERT à moi-même : repérer mes blessures critiques et planifier comment les résoudre. »

Freud : « Cela conclut admirablement notre séance mon cher Nicholas ! On décale la prochaine session vendredi. »

Conclusion :

Cette séance, entre gestion de projet et psychanalyse, ouvre un nouveau chapitre pour le Père Noël. En optimisant Noël, il a révélé des aspects fondamentaux de sa propre structure psychique : des failles, des dépendances, mais aussi des forces. Freud, satisfait, note dans son carnet : « Quand le chemin critique d'un projet croise celui d'une âme, il ouvre des routes insoupçonnées. ». Le Père Noël repart en se faisant une promesse : toujours garder en tête que parfois, le cadeau le plus important est celui que l'on se fait à soi-même. S'il est prêt à se lancer dans sa meilleure tournée et exploser ses KPI, il comprend que seule, la performance n'est rien si cela doit se faire au détriment de soi.

Freud le regarde partir avec satisfaction. Sur son bureau, un petit pochon en plastique laissé par le Père Noël l'attend. Alors que plus personne n'est dans son bureau, Sigmund le prend et le glisse directement dans sa poche. Même s'il est seul, par réflexe, il jette quelques coups d'oeil furtif pour s'assurer que personne ne l'observe. Puis il murmure : « Et si j'appliquais ça à ma liste de patients ? Identifier les traumatismes critiques... colorier les blessures narcissiques en rouge... peut-être même proposer une méthode RACI à mes confrères ! Après tout, je suis le père fondateur de la psychanalyse ! (Se gaussant à nouveau) C'est Carl qui va faire la gueule ! Mais qui s'en plaindra ? »

Hello je m'appelle Guillermo Di Bisotto et je suis l'auteur Eyrolles Business de "C'est où qu'on signe ? L'art de traiter les objections" (http://tinyurl.com/s93ufjx5) et de "Questions pour un champion de LA vente"(https://c3po.link/QJyHhbRRZa) | Mon dernier livre a remporté le prix du coup de coeur de l'IDRAC Business School et c'est un honneur que ce livre ait été plébiscité par ses étudiants. J'espère donc de tout coeur, en ayant écrit cet article, vous avoir donné envie de vous le procurer 😊(et surtout de le lire à votre tour)