Reconversion : raconter une belle histoire
Dans son livre "Se reconvertir, trouver sa voie professionnelle pour les nuls", Laurence Bourgeois passe en revue les questions à se poser quand on veut changer de voie, d'orientation ou se lancer dans l'aventure entrepreneuriale. Un ouvrage simple et didactique dont voici un troisième extrait.
Je m'abonneDe L'Iliade et L'Odyssée aux films hollywoodiens d'aujourd'hui, les hommes ont toujours été fascinés par les histoires. Si on accorde tant d'importance aux récits, c'est qu'au-delà de captiver notre imagination et de nous divertir, ils servent à donner du sens, à fédérer autour de messages forts, autour des valeurs qui constituent la colonne vertébrale de chacun. Les récits représentent une source d'inspiration non négligeable. Ils permettent à vos interlocuteurs de s'identifier.
Selon Steve Jobs, le pouvoir des conteurs d'histoires consiste à établir « la vision, les valeurs et le calendrier d'une génération entière à venir ». D'ailleurs, le succès planétaire de la marque Apple doit énormément à cette capacité de mettre son projet en récit. Loin d'être un simple vernis qui habille des arguments de fond, la mise en récit (ou storytelling, en anglais), représente bel et bien une composante indispensable au partage d'idées à même de marquer les esprits de vos interlocuteurs.
Je ne vais pas vous dresser les éléments clés d'un schéma narratif réussi ; mon objectif consiste ici à vous faire prendre conscience que tout individu évoluant en milieu professionnel et ayant construit sa marque de fabrique (avant ou après sa reconversion professionnelle) gagnera à s'identifier à un produit ou à un service à promouvoir. Et toute vente passe non seulement par de la communication, mais aussi, et surtout, par le sens que l'on donne à son message.
Faire rêver... et jouer sur les émotions
« Le rêve prime sur le réel. » Creci Management
Oui, le rêve est essentiel, même en milieu professionnel ! Mais savons-nous encore rêver ?
Happés par un quotidien vertigineux, noyés dans le stress et l'hyperactivité, sursollicités en permanence, prenons-nous le temps de nous poser les vraies questions ? Parvenons-nous à trouver du sens à nos actions, à prendre le temps de rêver et d'embarquer les autres vers l'ambition que nous nous sommes définie ? Rien de moins sûr...
Bien souvent, nous manquons de sources d'inspiration motivantes sur le long terme, d'une force intérieure capable de nous animer, d'une direction claire vers laquelle tous nos pas devraient nous conduire, d'une énergie positive qui nous rendrait moins vulnérables aux aléas du quotidien. Bref, nous ne savons pas (ou plus) rêver. Comme si le fait d'élever notre esprit vers des idéaux était tout bonnement impossible, voire répréhensible. Comme si l'hyperréalisme était devenu tout puissant. Pourtant, « la trace d'un rêve n'est pas moins réelle que celle d'un pas », nous rappelait l'historien Georges Duby.
Or, si l'acte de vente ne reposait que sur la présentation froide d'éléments rationnels ou techniques, cela se saurait. Ce qui va compter plus que tout quand vous présenterez votre projet sur une plateforme de crowdfunding, quand vous exposerez vos motivations à votre employeur pour changer de métier, quand vous solliciterez une banque pour obtenir un financement, cela sera l'émotion que vous véhiculerez dans votre message, tant sur le fond que sur la forme.
Ressentir, c'est se souvenir
La montée en puissance des neurosciences au sein du marketing témoigne bien de la préoccupation des marques à toucher nos émotions. En usant et abusant des émotions et du rêve, les entreprises visent à sensibiliser le consommateur à la marque, pour orienter ses préférences au moment de l'acte d'achat.
Les chercheurs ont depuis longtemps dénombré six émotions chez l'être humain :
- la joie
- la peur
- la tristesse
- la colère
- le dégoût
- la surprise.
On a coutume d'affirmer que quatre d'entre elles constituent les états émotionnels de base :
- la joie
- la peur (avec laquelle on peut ranger la surprise)
- la tristesse
- la colère (avec laquelle on peut ranger le dégoût).
Par exemple, la publicité sur la prévention routière joue sur la peur. Essayez d'identifier les émotions cachées derrière les publicités.
De même que les grandes entreprises jouent sur le rêve et l'émotion pour attirer à elles les consommateurs, n'oubliez pas de prendre en compte cette dimension lorsque vous présentez un argument, un projet ou une activité à un tiers : succès assuré !
Comment présenter ses arguments suite à une reconversion
Fort des éléments ci-dessus, vous allez pouvoir dresser ce qu'on appelle en termes marketing votre position paper. Il s'agit d'un document très synthétique (une page ou deux, maximum) qui, au-delà de présenter votre histoire, votre projet, votre parcours, les principaux challenges que vous avez déjà relevés et votre motivation, doit non seulement refléter votre positionnement, mais aussi donner du sens à votre parcours professionnel.
Quand on parle de sens, on revient obligatoirement sur les notions de direction (pourquoi avoir choisi ce chemin plutôt qu'un autre ?), de signification (pourquoi était-ce important pour vous, à ce moment-là, de prendre une nouvelle voie ?) et de sensation (quel a été l'effet généré ?).
La rédaction d'un position paper a le mérite :
- de vous faire réfléchir sur des questions de fond ;
- de constituer un texte de base qui pourra être inséré dans votre CV ;
- de pouvoir répondre de façon rapide et concise aux questions que l'on vous posera sur vous et sur votre reconversion.
En termes de marketing, le position paper s'assimile en quelque sorte à un argumentaire produit.
Il vous permet en outre : de servir de support à toute personne curieuse d'en savoir plus sur vos projets, ou à tout journaliste désireux d'écrire un article sur vous dans un support spécialisé de s'y appuyer ; de servir de base de communication dans les phases de négociation et de vente de votre projet.
Ainsi, grâce à ce position paper, vous parlerez toujours le même langage, emploierez toujours les mêmes mots pour parler de vous et de votre travail. Ceci ne signifie pas pour autant que votre positionnement doit rester figé, bien au contraire : vous pourrez le faire évoluer tout au long de votre carrière.
Pour en savoir plus
"Se reconvertir pour les nuls, changer de voie professionnelle", de Laurence Bourgeois, éditions First, septembre 2021, 7,99 €