Quel modèle de management est le plus souhaitable selon vous ?
Les managers doivent posséder des compétences humaines. Or, en France, nous sommes desservis par l'idée fausse que le management est inné. Cela n'encourage pas les futurs managers à se former... De ce fait, refuser un poste managérial à un collaborateur uniquement parce que son n+1 estime qu'il manque de charisme est un non-sens.
A contrario, beaucoup de managers occupent leur poste sans y avoir été préparés, puisque l'on considère qu'ils ont des qualités intrinsèques pour exercer leur métier.Or, ce manque de compétences pèse sur les relations managériales.
Il est par ailleurs intéressant de s'inspirer des organisations militaires. Depuis des milliers d'années, l'Armée parvient à engager des hommes et des femmes à risquer leur vie sans jouer sur les leviers classiques de l'argent ou de la carrière. Cela amène à une réflexion sur l'humain, et montre que le collectif est un puissant levier de motivation.
Le collectif apporte un retour émotionnel plus humain. C'est donc sur cette valeur qu'il faut aussi miser.
Vous évoquez la formation. Est-ce que les cabinets et les écoles proposent des enseignements adaptés ?
Il existe des cabinets proposant des formations avec des modules portant sur plusieurs aspects de la fonction managériale, mais trop peu sur l'importance du collectif. Il reste des progrès à faire. Et c'est également le cas pour les écoles de commerce. Mais l'évolution est déjà en place. À l'emlyon, comme dans d'autres écoles de management, des enseignements sur l'intelligence émotionnelle, sur une communication plus efficace ou encore sur l'équilibre énergétique des managers (comment peuvent-ils performer sans s'épuiser ?) sont au coeur de nos programmes.
Existe-t-il aussi des outils ou des techniques spécifiques pouvant aider à servir la cause managériale ?
Il y a un gros travail d'acculturation à effectuer au sein des entreprises... L'un des premiers terrains à explorer est celui de la communication, et plus spécifiquement de l'expression du désaccord. Dans trop d'entreprises encore, c'est la politique du consensus qui domine, avec la peur d'exprimer ses opinions, et le risque de sanction en cas de désaccord. L'un des outils pouvant aider est la revue de projet : après avoir décidé de mener un projet, on en suit l'évolution et on opère des réglages ou des changements plus radicaux, voire carrément l'abandon en cours de route si c'est la meilleure option.
C'est difficile car cela implique de remettre en cause, ce qui peut avoir des conséquences sur le plan émotionnel... Enfin, le changement ne peut être effectif que s'il est impulsé par la direction. Cela demande du courage et de l'énergie : il faut que chaque acteur accepte de " se " changer.
Est-ce plus facile pour les entreprises dites "libérées " ?
Par leur culture managériale, ce type d'entreprise cultive l'autonomie et les organisations horizontales. Mais attention : ce n'est pas pour autant qu'elles parviennent systématiquement à avoir un bon système managérial. Il faut toujours garder une certaine prudence : ce que l'on voit de l'extérieur n'est pas nécessairement le reflet de l'intérieur. Certaines organisations semblent très bureaucratiques, et pourtant leur management fonctionne parfaitement ; d'autres affichent des valeurs de start-up, mais sont en fait chaotiques sur le plan managérial.
Quels-sont les risques du désamour de la fonction managériale ?
Les entreprises doivent garder en tête que les dysfonctionnements managériaux sont l'une des principales causes de turnover. Sachant combien il est difficile de recruter de bons commerciaux, cela fait réfléchir... Toute entreprise devrait pouvoir être fière de sa ligne managériale ! Il y va de l'avenir de nos entreprises, et même de notre pays entier.
Dates clés
2003 : professeure à l'emlyon.
2013 : prix académique de la recherche en management du Syntec.
2016 : habilitation à diriger des recherches, Université de la Sorbonne, à Paris. Thèse sur le sujet "Coopérer dans le changement et en situations extrêmes : une approche en termes de justice, d'exemplarité et de performance collective."
NEWSLETTER | Abonnez-vous pour recevoir nos meilleurs articles