[Tribune] Pourquoi la résilience ne suffit pas
En ces temps troublés, un mot-star s'impose : la résilience. Des entreprises, des salariés, des dirigeants... mais le concept ne peut guère motiver les troupes à lui seul. Ce qui donne de l'espoir et de la dynamique, ce sont les projets. Aux managers de les impulser.
Je m'abonneEntre reconfinements, variants et couvre-feux, l'incertitude devient notre quotidien. Et une antienne revient constamment : nous devons nous montrer résilients. Serrer les dents, tenir bon, faute de mieux. L'avantage de cette injonction ? Facile à comprendre, déclinable à tous les niveaux de l'entreprise, elle permet parfois de masquer une absence de stratégie et de vision : puisqu'on ne sait pas où on va, faisons le dos rond, au pire cela ne peut pas faire de mal !
Mais cette attitude de résistance ne peut pas durer longtemps : elle épuise l'individu comme le groupe, et fige toute initiative. Elle s'avère en outre inefficace, à en croire les études qui se succèdent : 49% des salariés s'affirment en détresse psychologique, et 18% en détresse sévère. De leur côté, les chefs d'entreprise affichent un moral en chute libre. Le risque ? entretenir un vrai cercle vicieux au sein de l'entreprise, car le découragement s'avère contagieux. Et se focaliser sur la désormais sacro-sainte résilience, en oubliant de se poser une indispensable question : tenir, certes, mais dans quel but ? La résilience permet certes de garder le bateau à flot, mais ne peut se suffire à elle-même. Elle doit se nourrir de projets, de perspectives. Même de court ou de moyen terme, même modestes, ce sont les projets qui nous font tenir et nous animent, individuellement et collectivement.
La motivation des salariés reste forte sur le long terme, elle doit être nourrie par des projets
Pour définir et faire partager ces projets, l'entreprise peut s'appuyer sur une constante, qui ne faiblit pas malgré la crise : la motivation des salariés français. Même en cette période, autour de 70% des collaborateurs en entreprise s'affirment satisfaits au travail. Parce qu'ils sentent que leur hiérarchie leur fait confiance, qu'ils ont le sentiment d'apprendre, parce qu'ils voient leurs outils et conditions de travail se moderniser. Autant d'évolutions positives, même si elles ont vu le jour dans l'urgence.
Cette motivation persistante des salariés, cette envie de continuer à s'engager, constitue un atout majeur de l'entreprise. Un atout sur lequel capitaliser, en le nourrissant. De projets, de perspectives concrètes. Même si les grands chantiers s'avèrent difficiles à mettre en place, il reste possible d'en créer de nouveaux, à l'ambition parfois plus limitée. Remettre à plat ses process, profiter de cette accalmie forcée pour redéfinir les priorités de chacun, ou encore repenser son positionnement : tous ces sujets, souvent laissés de côté dans un quotidien " normal ", peuvent et doivent donner lieu à de vrais projets structurés aujourd'hui. Pour se préparer le mieux possible au futur, d'une part. Mais aussi, à plus court terme, pour redonner un élan, une dynamique, une raison pour laquelle tenir bon.
Se donner des objectifs réalistes pour faire avancer ces réflexions, mais aussi célébrer chaque étape franchie, s'avère aujourd'hui plus indispensable que jamais. Pour faire sentir à chacun qu'il possède toujours la capacité d'agir, de progresser, d'apporter sa pierre à l'édifice. De sortir de sa posture de résistance douloureuse -et immobile- pour entrer dans ce qui permet de se sentir vivant : l'action, la réalisation d'un objectif partagé avec le reste de l'entreprise.
Nul ne sait combien de temps la crise sanitaire durera, mais une certitude s'impose : pour la surmonter, nous ne pouvons pas compter uniquement sur notre capacité de résistance. Il nous faut aussi une dynamique, des projets concrets, impliquant l'ensemble des collaborateurs.
Par
Celica Thellier, co-fondatrice de ChooseMyCompany. Son but : améliorer et valoriser la qualité de la relation entre une organisation (entreprise, école, institution) et chacune de ses parties prenantes : salariés, clients, fournisseurs, stagiaires & alternants, candidats, étudiants.