[Portrait] Ambassadeur des entrepreneurs
Avec sa plateforme WikiPME, Hervé Novelli renoue avec le monde des entreprises. L'ancien dirigeant, engagé en politique depuis plus de 50 ans, a construit sa carrière entre sa PME et la scène publique, et compte, à son actif, quelques réformes de taille.
Je m'abonneHervé Novelli ne mérite pas sa réputation d'homme austère et peu loquace. Lorsqu'il nous reçoit dans les futurs locaux de sa nouvelle activité, au bord du Trocadéro, il surprend par sa décontraction. Col de chemise déboutonné, veste en velours et sourire aux lèvres, l'ex-ministre a abandonné son costume strict d'homme d'État. Penché sur sa tablette, il s'étend, site à l'appui, sur son dernier projet : WikiPME, une plateforme numérique à destination des entrepreneurs, lancée en septembre. Loin d'être un changement de voie, cette aventure s'inscrit dans un parcours depuis toujours partagé entre entreprise et débat public. "Je suis un des rares spécimens français entrepreneur et homme politique", s'amuse-t-il.
Pourtant, ce sont les circonstances qui amènent, au début des années 1980, cet ancien étudiant en économie à suivre les traces de son père, dirigeant de deux PME. "Après son décès et à défaut de repreneur, j'ai tout à coup été confronté à la question de la transmission." À 33 ans, il quitte son poste à la Chambre syndicale de la sidérurgie française et prend la tête des deux structures, spécialisées dans les prothèses orthopédiques : les établissements Novelli, à Paris et la société Janton, à Richelieu. Si Hervé Novelli revend la première après trois ans, il restera à la tête de la PME tourangelle pendant 22 ans. "Au départ, il venait tous les vendredis, puis tous les quinze jours. À la fin, c'est moi qui le rejoignais à Paris", se souvient Michel Guérin, actuel p-dg de Janton, avec qui il a partagé la direction de l'entreprise jusqu'en 2006.
Car pendant ces années, Hervé Novelli n'abandonne pas ses rêves de politique. Chef de cabinet d'Alain Madelin, alors ministre de l'Industrie, secrétaire du Parti républicain, député européen, le politicien multiplie les casquettes aux niveaux national, européen... et régional. Ses allers-venues dans l'Indre-et-Loire le rapprochent de la maison familiale, où il passe ses week-ends. Mais la politique n'est jamais loin et, très vite, il s'engage au conseil municipal de Richelieu, devient député, maire, conseiller régional, président du syndicat mixte et de la communauté de communes. "Jongler entre la politique et l'entreprise devenait de plus en plus dur. Après 20 ans, je n'y arrivais plus, je devais abandonner soit l'une, soit l'autre", confie Hervé Novelli.
Il tranche pour la politique. Un choix qui lui ouvre les portes, un an plus tard, du secrétariat d'État aux Entreprises et au commerce extérieur dans le gouvernement Fillon I, puis au Commerce, à l'artisanat, aux petites et moyennes entreprises, au tourisme et aux services. Pendant ces années dans les plus hautes sphères de l'État, le politicien multiplie les réformes, dont certaines font, encore aujourd'hui, débat. Mais aussi la fierté de leur instigateur. Comme la création du statut d'auto-entrepreneur qui, selon lui, " a participé à la réconciliation des Français, des salariés et des patrons". Ou le lancement des voitures de tourisme avec chauffeurs, "un énorme succès".
12 000 abonnés pour 500 tweets
Des tempêtes, Hervé Novelli en a traversé. "Il a été éprouvé par les critiques qu'il a subies, mais il savait encaisser les coups", affirme Michel Guérin. Comme pour ses réformes, il semble n'avoir conservé que les bons côtés. Les anciennes accusations de connivences avec le patronat, il les balaie : "Gattaz, Guilbaud, Roubaud, ce sont tous des copains." De son rapport sur les 35 heures, commandé par Jacques Chirac au début des années 2000, il affirme : "Tout le débat de 2004 à 2014 s'y trouve. C'est un rapport assez exceptionnel." Il se réjouit d'être encore relayé et cherche, sur son compte Twitter, le dernier tweet d'une journaliste du Figaro sur le sujet, publié quelques semaines plus tôt, en soulignant au passage le succès de son profil : "12 000 abonnés pour 500 tweets, c'est une bonne moyenne."
Si l'homme public s'assume, la pudeur pointe dès qu'il parle de lui. Veuf, il est conscient d'avoir été un père peu présent pour ses deux filles et avoue avoir un regret : "Qu'aucune d'elles n'ait repris l'entreprise familiale ou eu la fibre entrepreneuriale." Qu'importe, lui l'a pour dix, et il lui consacre sa nouvelle croisade : faire entendre la voix des entrepreneurs auprès des décideurs. Il entend faire de WikiPME une communauté d'influence. "Aucun gouvernement ne peut résister à la force d'Internet. On l'a vu avec les révolutions arabes ou la révolte des pigeons", souligne Hervé Novelli. Le dirigeant souhaite ainsi faire de la politique autrement. Mais quand on le questionne sur un éventuel retour sur la scène publique, la réponse, elle, reste en suspens.
Bio express
1949 : Naissance1976 : Maîtrise d'économie à l'université Paris-Dauphine
1982 : Reprend les deux entreprises familiales
1993 : Première élection en tant que député de l'Indre-et-Loire
2007 : Devient ministre du gouvernement Fillon
2012 : Perd son siège de député en Indre-et-Loire
2014 : Cofonde WikiPME