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Passez à la vente directe grâce au e-commerce

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Passez à la vente directe grâce au e-commerce

À première vue, créer son propre site marchand n'a que des avantages... mais le risque est réel de froisser ses principaux revendeurs. Prudence, donc, sauf à placer l'e-commerce au coeur même de son business model, ce qui n'est pas donné à toutes les PME.

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Miser sur le clic pour augmenter ses marges ? O.K., mais gare aux claques... Car la vente en ligne, aussi attractive qu'elle puisse paraître aux PME désireuses de profiter des réels avantages du B to C (business to customer), peut parfois provoquer des dégâts collatéraux. L'entreprise Bullier en sait quelque chose. Ce spécialiste des pinceaux d'art, commercialisés sous la marque Léonard, a cédé, il y a quelques années, aux sirènes numériques, qui promettent, pour un investissement très raisonnable, de toucher des consommateurs sur un large territoire, à toute heure du jour et de la nuit, tout en se passant d'intermédiaires.

Mais douze mois plus tard, Bullier a dû procéder à un douloureux rétropédalage après une fronde particulièrement virulente de ses revendeurs habituels. "La direction de l'époque n'avait vu que des avantages au fait de créer un site marchand, raconte Fred Ghenassia, aujourd'hui directeur général de l'entreprise basée à Saint-Brieuc. Aucun de nos revendeurs ne proposait l'ensemble de notre gamme et il semblait pertinent de pouvoir ainsi proposer, directement à nos clients réels, professionnels et grands amateurs, la totalité de nos produits. Sur le papier, ça avait un sens. Le problème, c'est que voyant ça, les représentants de nos concurrents se sont tournés vers les revendeurs en leur disant : "Regardez, maintenant, ils vous font de la concurrence directe ! Et la réaction de certains a été extrêmement violente. Notre principal client a même annulé une commande qui devait représenter à peu près dix fois ce que nous avions gagné avec le site marchand... Quand je suis arrivé dans l'entreprise, ma première décision a été de le supprimer, d'autant qu'à l'époque, plusieurs de nos revendeurs lançaient eux aussi leur propre site et proposaient une gamme plus large de nos produits."

Aujourd'hui, Bullier se contente d'un "site vitrine" et, histoire de ne pas heurter à nouveau ses revendeurs, ses pinceaux ne peuvent être achetés en ligne que sur Clepsydre.com, un site haut de gamme consacré au made in France. "Il faut avoir longuement réfléchi à sa stratégie lorsqu'on lance un site marchand en tant que PME, car ça peut être piégeux", résume Fred Ghenassia. C'est précisément ce type de déboires qu'a voulu éviter la société Jean-Martin, réputée pour ses conserves au goût provençal, taboulé, tapenades et autres caviar d'aubergines. Entièrement refondu en 2010, son site marchand ne réalise que 48 000 € de chiffre d'affaires par an contre 7,4 M€ via la grande distribution.

Et ce n'est pas un hasard. "Il n'était pas question de nous tirer une balle dans le pied en donnant l'impression de vouloir faire de la concurrence à nos principaux distributeurs, explique Bernard Martin, p-dg de cette entreprise familiale d'une quarantaine de personnes basée à Maussane-les-Alpilles, dans la vallée des Baux-de-Provence. Nous sommes principalement référencés dans les grandes surfaces du Sud-Est, où il est nettement plus simple de tendre la main dans un rayon pour acheter nos produits que d'attendre la livraison. Qui plus est, les prix en ligne sont les mêmes qu'en linéaires et, compte tenu du poids de nos bocaux en verre, nous ne pouvons pas offrir les frais de port... Nous visons donc entre autres, via le site marchand, des consommateurs qui aiment nos produits, qui en connaissent la qualité, mais qui n'y ont pas accès autrement, comme ceux qui nous ont découverts en vacances... Ceux-là n'hésitent pas à faire des grosses commandes, quitte à grouper leurs achats avec des amis pour partager la livraison".

Au-delà des ventes réalisées en ligne, qui restent franchement modestes, ce site interactif adossé aux réseaux sociaux permet aussi à l'entreprise Jean-Martin de peaufiner son image, à grand renfort de visuels soignés qui fleurent bon la Provence et de recettes originales offertes aux internautes... Et certains produits, comme la purée d'olives grossanes ou les soupes de fruits, ne sont disponibles que dans la boutique de Maussane ou sur le site. En clair, le B to C sert surtout, dans ce cas précis, à installer la marque au-delà de son territoire naturel, dans une double démarche " d'émancipation et de complémentarité avec la distribution en grandes surfaces ", selon la formule employée par Bernard Martin.

Repenser son business model

Pour lancer son site marchand, une PME dépendante de ses revendeurs doit donc faire preuve de prudence... ou bien, à l'inverse, ne pas faire dans la demi-mesure, quitte à changer radicalement de modèle économique. Jusqu'au début des années 2000, la Générale française de literie, était ainsi quasi exclusivement un fabricant de matelas, de sommiers et de lits électriques fonctionnant comme sous-traitant ou fournisseur de réseaux traditionnels.

Menacée de disparaître, cette société créée dans l'immédiat après-guerre a fait le choix de l'audace. D'abord en continuant à produire en France, près du Mans, et ensuite en optant pour la vente directe. Dans un magasin d'usine pour commencer puis par le biais d'un site marchand au nom redoutablement efficace, Maliterie.com, et enfin dans des magasins traditionnels portant cette même enseigne. Résultat, alors qu'en 2007, l'activité "fournisseur" représentait encore plus de 70% du chiffre d'affaires, sa part est tombée aujourd'hui à 5%. Et la vente en ligne proprement dite constitue un tiers des ventes, une jolie performance s'agissant d'un produit relativement coûteux que les consommateurs tiennent généralement à tester plutôt deux fois qu'une.

"On ne peut pas être à la fois le fournisseur d'un client et son concurrent. Nous en avions bien conscience, glisse avec un sourire Laurent Crépin, qui codirige l'entreprise avec son père, Michel. On ne peut pas faire les choses à moitié car tout finit toujours par se savoir. Or, le Web nous a permis d'avancer très rapidement et nos clients n'ont pas vraiment eu le temps de réagir, d'autant que nous intervenions beaucoup en tant que sous-traitant... Il y a eu quelques moments critiques avec notre principal donneur d'ordres, qui a dénoncé brutalement un gros contrat et représentait tout de même entre 30 et 40% de notre chiffre d'affaires. Mais nous avions déjà atteint une masse critique nous permettant d'accuser le coup car le Web nous a offert une visibilité très forte dans la France entière, ce qui est très précieux pour une PME qui dispose de moyens limités pour se faire connaître..."

À rebours des PME traditionnelles, qui créent leur site marchand pour éviter de rater le train de l'e-commerce, Maliterie.com n'a ouvert ses magasins que dans un second temps, "pour donner un peu plus de réalité à cette offre qui restait assez virtuelle". 17 magasins ont été inaugurés depuis 2011 ou sont sur le point de l'être mais c'est toujours principalement en ligne que Maliterie.com fait valoir ses deux arguments chocs : le prix "direct usine" et la livraison gratuite. En clair, le site marchand reste le vrai moteur de sa croissance. Un business model qui ne peut évidemment pas s'appliquer à toutes les PME mais dont chaque chef d'entreprise souhaitant se lancer dans l'aventure digitale devrait au moins retenir une leçon : loin d'être un simple supplétif aux canaux de distribution habituels, le B to C rebat toutes les cartes. Alors avant de jouer gros, autant être sûr de sa stratégie pour éviter l'e-gadin.

"Un site vitrine seul déçoit le consommateur"

François Momboisse, président de la FEVAD (Fédération de l'e-commerce et de la vente à distance)

François Momboisse, président de la FEVAD

Quelles précautions une PME doit-elle prendre avant de lancer son propre site marchand ?
Il faut adopter une stratégie globale et s'assurer qu'il y a cohérence entre les ventes traditionnelle et en ligne, car, au vu du développement d'internet, les clients sont les mêmes. Il faut ensuite avoir une attention particulière pour ses circuits traditionnels de revendeurs et de grossistes. Pour ne pas les mettre en porte-à-faux, les tarifications, en particulier, doivent être identiques. L'idéal est de le faire en bonne intelligence avec eux.

Existe-t-il une taille critique à partir de laquelle il est pertinent de créer son site marchand ?
Non, car de gros investissements ne sont pas nécessaires. Vous pouvez faire appel à des sous-traitants qui s'en occupent entièrement. Ça vous permet de tester l'appétit du marché pour vos produits. Et plus vous avancez, plus vous reprendrez la main sur la gestion du site. Nous poussons tous les commerçants qui ont une boutique à créer leur site marchand, pour écouler du stock, pour faire du chiffre d'affaires supplémentaire, pour se faire connaître via les réseaux sociaux... Si vous allez à Londres, vous verrez que toutes les boutiques indiquent en bas à droite de leur vitrine l'adresse de leur site ! Et c'est encore plus vrai pour les fabricants. Aujourd'hui, ne pas avoir d'interface web est aberrant et se contenter d'un site vitrine sur lequel on ne peut pas acheter crée de la déception chez le consommateur.

Faut-il être présent sur les grandes marketplaces, comme Amazon ou eBay ?
Oui car cela vous permet de tester l'attractivité de son ou de ses produits sans créer son propre site. Et ce, même si vous payez une commission, que, de toute manière, un revendeur vous prendrait aussi. Leur autre intérêt est de vous offrir des débouchés immenses alors qu'à contrario, votre propre site, noyé au milieu des quelque 150 000 sites marchands français, aura du mal à exister. Mais attention avant de vous lancer sur ces " places de marché " à présenter un avantage concurrentiel. Si vous proposez des produits moyens à des prix moyens, ça va être difficile d'exister, c'est sûr...

 
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