Téléphone portable en entreprise : quelles sont les règles ?
Tout chef d'entreprise est confronté, tôt ou tard, aux questions suivantes : comment encadrer l'usage du portable sur le lieu de travail ? Quelles limites est-il permis de poser ? Voici les principales réponses à ces questions.
Je m'abonne1. L'employeur peut-il bannir l'usage du portable personnel pendant le temps de travail ?
L'employeur ne peut pas apporter des restrictions aux droits des salariés et à leurs libertés individuelles non justifiées par la nature de la tâche à accomplir, ni proportionnées au but recherché (Code du travail art. L. 1121-1). Ainsi, une interdiction générale et absolue d'utiliser le téléphone portable personnel, sur le lieu de travail et pendant les horaires de travail, est considérée comme abusive par la jurisprudence.
Il existe bien sûr des exceptions, concernant notamment des postes en relation avec la clientèle ou impliquant un risque particulier (travail sur échafaudage, travail posté, conduite de véhicules, etc.).
En définitive, l'appréciation doit se faire au cas par cas. L'employeur peut avoir intérêt à établir une charte sur le sujet, qui revêt alors la même nature que le règlement intérieur et doit obéir aux mêmes formalités d'entrée en vigueur..
2. L'employeur peut-il reprendre le téléphone portable professionnel confié au salarié ?
Le Code du travail ne contient aucune disposition particulière concernant la mise à disposition d'un téléphone portable professionnel au salarié. Il appartient donc à l'employeur de prévoir l'octroi d'un téléphone si les fonctions du salarié le nécessitent.
Si le téléphone portable n'est pas un avantage en nature mais un simple outil de travail, le chef d'entreprise est libre de le retirer, sauf si cette mesure constitue une discrimination ou s'inscrit dans le cadre d'un harcèlement moral (Cass. soc. 27-10-2004 n° 04-41.008).
En revanche, si le portable constitue un avantage en nature (soumis comme tel à cotisations), le salarié ne peut pas en être privé de manière unilatérale. En effet, dans ce dernier cas, la mise à disposition du téléphone constitue un élément de rémunération.
A cet égard, l'avantage en nature est évalué, sur option de l'employeur (arrêté du 10 décembre 2002) :
- Soit sur la base des dépenses réellement engagées ;
- Soit sur la base d'un forfait annuel estimé à 10 % du coût d'achat ou, le cas échéant, de l'abonnement, toutes taxes comprises.
A noter : en cas de télétravail, l'employeur n'a pas l'obligation de prendre à sa charge les frais liés au téléphone portable personnel du salarié. En revanche, l'accord collectif ou la charte permettant la mise en place du télétravail doit comporter, notamment, les modalités de prise en charge des coûts découlant directement de l'exercice régulier du télétravail à la demande de l'employeur. Ainsi, en pratique, il est fréquent que l'employeur assume ces frais.
3. Les données issues du téléphone portable peuvent-elles servir de preuve ?
L'enregistrement d'une conversation téléphonique privée, effectuée à l'insu de l'auteur des propos tenus, est un procédé déloyal rendant irrecevable en justice la preuve ainsi obtenue. La situation est différente s'agissant de l'utilisation par le destinataire de SMS, dont l'auteur ne peut pas ignorer qu'ils sont enregistrés par l'appareil récepteur (Cass. soc. 23-05-2007 n° 06-43.209).
De même, le message vocal de l'employeur laissé sur le téléphone du salarié est un mode de preuve valable (Cass. soc. 6-02-2013 n° 11-23.738).
Par conséquent, tant l'employeur que le salarié peuvent communiquer en justice les SMS ou messages vocaux échangés au moyen d'un téléphone portable (professionnel et personnel).
En revanche, constituent un mode de preuve déloyal les vidéos filmées par le portable de l'employeur et mises en ligne par ce dernier sur un réseau social, afin d'établir les actes humiliants commis par un salarié sur un stagiaire(CA Douai 30-09-2009 n° 08-3130).
4. L'utilisation du téléphone portable du salarié peut-elle justifier son licenciement ?
La jurisprudence des juges du fond et de la Cour de cassation fournit de nombreux exemples de licenciements liés à l'usage du téléphone portable par le salarié.
A titre d'illustration, est justifié par une faute simple le licenciement du salarié ayant passé des appels téléphoniques en dehors des horaires de travail avec le portable mis à sa disposition par l'employeur (CA Paris 2-07-2008 n° 06-13085).
En revanche, n'est pas justifié le licenciement motivé par l'usage abusif du téléphone portable alors qu'une utilisation privée était tolérée dans l'entreprise et que le salarié n'avait pas fait l'objet d'une mise en garde ni de remarques antérieures (Cass. soc. 01-02-2011 n° 09-42.786).
Dans le secteur particulier de la circulation routière, la Cour d'appel de Nancy a validé le licenciement pour faute grave d'un chauffeur envoyant des SMS au volant, dans la mesure où ce comportement, contrevenant au Code de la route, constitue un manquement caractérisé aux règles élémentaires de sécurité, de nature à créer un danger pour les usagers de la route (CA Nancy 14-11-2012 n° 12/00388).
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5. Le chef d'entreprise doit-il accomplir des formalités auprès de la Cnil ?
Les systèmes de contrôle de l'utilisation du téléphone par les salariés n'ont plus à être déclarés à la Cnil depuis le 25 mai 2018, date d'entrée en application du règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (RGPD).
En revanche, le chef d'entreprise doit réaliser, selon les cas, une analyse d'impact relative à la protection des données (AIPD).
Comme le rappelle la Cnil, l'AIPD est un outil permettant de construire un traitement conforme au RGPD et respectueux de la vie privée. Elle concerne les traitements de données personnelles susceptibles d'engendrer un risque élevé pour les droits et libertés des personnes concernées.
En fonction notamment de la finalité de l'utilisation du portable par ses salariés, le chef d'entreprise doit donc faire face à des obligations particulières (cf. cnil.fr).