Travail au noir : que risque l'employeur ?
Le travail "au noir" se définit comme le fait de ne pas déclarer totalement ou partiellement l'activité d'un salarié pour ne pas payer de charges sociales. C'est alors à un jeu dangereux que se livrent l'employeur et le salarié tant les sanctions peuvent être lourdes.
Je m'abonneLe travail dissimulé est dit total lorsque l'employeur n'a pas procédé aux formalités de déclaration préalable auprès des organismes sociaux et fiscaux des salariés qu'il emploie.
Travail dissimulé total ou partiel
De telles pratiques concernent principalement les travaux de courte durée ou pour un temps réduit. Le personnel de ménage ou de baby-sitting occasionnel des particuliers est souvent concerné. Le secteur du bâtiment est régulièrement pointé du doigt lorsque des retards pris sur des chantiers nécessitent l'apport de moyens humains supplémentaires par rapport à ceux initialement prévus. Le secteur de la restauration n'échappe pas non plus à cette difficulté et certains extras se font régler leur service du soir ou du week-end via enveloppe sans bulletin de salaire...
La dissimulation partielle d'activité et quant à elle plus fine à observer. Elle consiste pour l'employeur à ne pas déclarer sur les bulletins de paie comme temps de travail effectif toutes les heures réalisées par le salarié.
Ces heures sont alors payées totalement ou partiellement d'une autre façon, soit en espèces, soit sous la forme de primes qui seront pourtant soumises à charges sociales.
Sanctions du travail dissimulé
Le travail total dissimulé n'entraine cependant pas les mêmes conséquences selon qu'il a été constaté par l'inspection du travail, à l'Urssaf, ou dénoncé par le salarié victime.
Dès lors que le travail dissimulé est constaté par l'inspection du travail, l'employeur risque au plan pénal une peine délictuelle de 3 ans d'emprisonnement et de 45000€ d'amende, doublée en cas de récidive. À cette sanction initiale peut s'ajouter pour le dirigeant l'interdiction d'exercer, l'interdiction de concourir aux marchés publics, la perte de ses droits civiques. La personne morale peut quant à elle être condamnée à une peine d'amende pouvant aller jusqu'à 220 000€ voire à une interdiction de pratiquer l'activité incriminée. Il faut toutefois que l'intention de l'employeur de ne pas déclarer le salarié soit démontrée, ce qui évitera toute condamnation pénale en cas de simple oubli ou de retard de déclaration.
Ce retard ne constituera en revanche aucune excuse vis-à-vis de l'Urssaf qui se rendrait compte lors d'un contrôle qu'un salarié est en train de travailler alors qu'il n'a fait l'objet d'aucune déclaration préalable. Ce retard de déclaration emportera un redressement forfaitaire majoré de 25% à 40% et le constat de travail dissimulé sans qu'il soit nécessaire de démontrer l'intention de l'employeur de ne pas déclarer son salarié.
Enfin, le travail dissimulé dès lors qu'il est constaté par le Conseil de prud'hommes à la demande du salarié dont le contrat a été rompu ouvre droit au versement d'une indemnité forfaitaire de 6 mois de salaire quelque soit son ancienneté. Si l'intention de l'employeur est évidente en cas de travail dissimulé total, il faut que le salarié démontre la volonté de l'employeur de tirer profit de la dissimulation partielle d'activité.
Ce sera le cas si les primes versées à l'intéressé en lieu et place des heures supplémentaire réellement réalisées ont été payées avec une majoration moins importante que celle prévue par la loi ou la convention collective. Ce sera également le cas si la non-déclaration des heures faites a permis à l'employeur d'échapper au versement des contreparties obligatoires en repos. Là encore, la seule façon pour l'employeur d'éviter une condamnation sera de prouver que le salarié était actif dans la dissimulation d'emploi. La lecture des décisions de justice met en lumière un ingénieur demandant la location d'une semaine de bateau à voile plutôt que le versement de salaires, un cuisinier réclamant par SMS le versement d'une enveloppe hebdomadaire négociée au moment de son embauche.
Travailleurs sans titre de séjour et travail dissimulé
La situation de travailleur dissimulé peut également s'accompagner malheureusement de celle de travailleur clandestin qui ne dispose pas d'un titre l'autorisant à travailler en France.
Lorsqu'un agent de contrôle constate qu'un travailleur étranger est occupé sans titre le permettant, il lui remet un document l'informant de ses droits, informe immédiatement l'Office Francais de l'Immigration et de l'Intégration (OFII) de l'identité de "l'employeur" à qui il sera demandé selon les cas une contribution d'un montant allant de 17 700 € à 53 100 €.
Au plan pénal, le fait d'embaucher un salarié non muni d'un titre l'autorisant est passible pour le dirigeant de 5 ans d'emprisonnement et de 15000 € d'amende par étranger concerné, outre la confiscation des matériels de l'entreprise, la fermeture des locaux, l'interdiction d'exercer l'activité pour 5 ans au plus. La société peut quant à elle être condamnée à 75 000 € d'amendes, voire à sa dissolution.
Le salarié étranger bénéficiera d'une indemnité forfaitaire de 6 mois de salaire mais fera l'objet d'une Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et vraisemblablement d'une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée maximale de 2 ans.
Pour aller plus loin
Laurent Beljean - Avocat Associé chez Ressource Avocats, spécialisé en droit du travail, droit de la sécurité sociale et de la protection sociale assiste une clientèle composée de chefs d'entreprises dans le cadre des relations de travail individuelles et collectives tant en conseil qu'en contentieux.