[Tribune] Licenciement collectif : les règles qui s'appliquent pour les PME en 2017
La jurisprudence récente du Conseil d'État et de la Cour de cassation a apporté quelques modifications concernant le licenciement collectif pour motif économique. Voici une sélection des principaux arrêts par Deborah David et Patrick Thiébart, avocats associés au sein du cabinet Jeantet
Je m'abonneSi les règles qui s'appliquent en matière de licenciement collectif pour motif économique découlent pour l'essentiel de la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi, la jurisprudence récente du Conseil d'État et de la Cour de cassation a apporté quelques modifications, dans un sens plutôt favorables aux entreprises.
La vision pragmatique du Conseil d'État
1. Le contrôle de la procédure d'information-consultation
Avant un licenciement collectif pour motif économique, le comité d'entreprise doit, selon la loi, être consulté sur le projet économique, ses raisons et ses conséquences pour l'emploi. C'est l'objet de la procédure d'information-consultation.
Dans son arrêt du 21 octobre 2015, le Conseil d'État a considéré que la circonstance que l'expert-comptable du comité d'entreprise n'ait pas eu accès à l'ensemble des documents dont il avait demandé la communication ne vicie pas la procédure si le comité d'entreprise a néanmoins disposé de tous les éléments utiles pour formuler son avis.
Faisant preuve de pragmatisme, le Conseil d'État a, dans son arrêt du 29 juin 2016, annulé un PSE au motif que le CHSCT avait été insuffisamment informé sur le projet de compression des effectifs. Ainsi, bien que l'intervention du CHSCT dans les procédures de PSE, n'ait pas été expressément prévue par le code du travail, le Conseil d'Etat a considéré que " l'esprit de la loi " commandait de donner au CHSCT les mêmes prérogatives que le comité d'entreprise.
2. Contrôle du PSE par l'administration
Le contrôle administratif ne s'étend pas aux éléments du PSE ayant fait l'objet d'un accord collectif. Dans son arrêt Darty du 7 décembre 2015, le Conseil d'État souligne que l'administration " doit seulement s'assurer de la présence, dans ce plan, des mesures prévues aux articles L.1233-61 et L.1233-63 ", notamment de l'existence d'un plan de reclassement.
Avant d'homologuer le PSE fixé dans un document unilatéral, la Direccte doit s'assurer que les mesures du PSE sont suffisantes, au regard des moyens dont dispose l'entreprise ou le groupe auquel elle appartient. Dans son arrêt du 17 octobre 2016, le Conseil d'Etat précise qu'il convient de rechercher si les mesures prévues dans le PSE satisfont aux objectifs de maintien dans l'emploi et de reclassement des salariés. En d'autres termes, la proportionnalité du PSE au regard des moyens du groupe ne se fait pas en " sortant la calculette " et en additionnant le coût des mesures du PSE les unes après les autres.
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La Cour de Cassation affine sa jurisprudence
1. La Cour de cassation referme les vannes du coemploi
La notion de coemploi renvoie au fait qu'un salarié peut avoir deux employeurs : un employeur de droit, à savoir la société avec laquelle il a signé un contrat de travail, et un employeur de fait, la société-mère de la société qui l'emploie. En cas de licenciement abusif, le salarié pourra chercher à de se retourner contre la maison-mère lorsque celle-ci s'est immiscée abusivement dans les affaires de sa filiale. Son intérêt est de pouvoir négocier avec une entité solvable.
Dorénavant, seule une ingérence " anormale " d'une société d'un groupe dans la gestion économique et sociale d'une autre société de celui-ci peut caractériser une situation de coemploi. C'est ce que rappelle la Cour de Cassation, dans son arrêt " Continental " du 6 juillet 2016, selon lequel " le fait que la politique du groupe déterminée par la société mère ait une incidence sur l'activité économique et sociale de sa filiale et que la société mère ait pris dans le cadre de cette politique des décisions affectant le devenir de la filiale [...] ne pouvaient pas suffire à caractériser une situation de coemploi ".
2. Obligation de reclassement à l'étranger : ne tenez pas compte des préférences du salarié
Dans un arrêt du 19 janvier 2017, la Cour de cassation a précisé que l'employeur doit seulement tenir compte des restrictions émises par le salarié dans le cadre de son obligation de reclassement à l'étranger. Dans le cadre de son questionnaire de reclassement, le salarié avait indiqué qu'il préférait travailler en Suisse. L'employeur, qui avait identifié deux postes de reclassement correspondant à l'emploi du salarié, lui avait alors proposé celui se situant en Suisse mais pas celui localisé en Grande-Bretagne. Erreur ! L'obligation de reclassement de l'employeur ne peut se limiter aux préférences exprimées par les salariés.
Les auteurs
Deborah David et Patrice Thiébart sont avocats associés au sein de Jeantet, cabinet d'avocats d'affaires basé à Paris et présent également à Budapest, Casablanca, Genève, Kiev, Luxembourg et Moscou, rassemblant 150 avocats.
Deborah David a développé une expertise tant en conseil qu'en contentieux en matière de restructurations d'entreprises, notamment à l'international. Elle assiste également les entreprises étrangères dans leur implantation en France ainsi que dans l'harmonisation de leurs politiques groupe.
Patrick Thiébart conseille des sociétés à dimension internationale sur différentes problématiques relatives au droit social et aux ressources humaines.