Conseils pratiques pour la mise en place de délégations de pouvoirs
Dans une précédente publication, nous avons vu quelles étaient la finalité, la portée et les conditions de validité de la délégation de pouvoirs. Il s'agit désormais de proposer des conseils pratiques pour sa mise en place la méthodologie suggérée consiste en 5 étapes.
Je m'abonneIl est recommandé dans un premier temps d'étudier l'organisation interne de l'entreprise et, pour cela, de disposer des organigrammes hiérarchiques et fonctionnels, des statuts, des fiches de poste des salariés concernés par la mise en place d'éventuelles délégations de pouvoirs, des délégations et subdélégations de pouvoirs d'ores et déjà en vigueur, ainsi que des délégations de signature.
Analyse de l'existant
L'analyse de ces documents permet d'établir une première photographie des périmètres de responsabilités de chacun. Cette appréciation de la réalité opérationnelle est importante, car il ne s'agit pas de calquer sur l'entreprise un schéma-type de délégations de pouvoirs, mais au contraire de mettre en oeuvre des délégations qui, dans leur structuration et leur contenu, tiennent compte de l'organisation et des risques spécifiques de l'entreprise concernée.
Ce travail préalable permet de définir une première arborescence de délégations et subdélégations de pouvoirs et donc d'identifier les personnes qui, au sein de l'entreprise, vont consentir ou recevoir une délégation.
Conduite d'entretiens individuels
Dans un second temps, il est utile de procéder à des entretiens individuels avec les délégants et délégataires potentiels, qui auront été identifiés dans le cadre du travail d'analyse précédent. Si cette étape est chronophage et implique de mobiliser les intéressés, elle est précieuse en ce qu'elle permet de définir précisément leurs fonctions, périmètre d'intervention, marge de manoeuvre en matière de prise de décision et engagement de dépenses, rapports avec l'autorité hiérarchique délégante mais également avec les autres délégataires, etc.
La conduite de ces entretiens permet en outre de mettre en lumière les éventuelles difficultés ou incertitudes s'agissant de la délimitation des périmètres d'intervention - points qui devront être clarifiés voire faire l'objet d'arbitrages et de réorganisations en interne, dans la perspective de l'établissement des délégations de pouvoirs.
Rédaction des délégations de pouvoirs
Une fois la structuration du schéma de délégations de pouvoirs arrêtée et les prérogatives de chacun identifiées et délimitées, il convient de procéder à la rédaction des délégations de pouvoirs.
Erreur trop souvent rencontrée, la délégation de pouvoirs, dès lors qu'elle porte sur le transfert de la responsabilité pénale personnelle, n'est pas consentie par la personne morale à un salarié, ni d'une fonction à une autre (par exemple, du président directeur général au directeur administratif et financier), mais bien du délégant à titre personnel au délégataire à titre personnel (M. X, agissant en sa qualité de président directeur général de la société X, à M. Y, en sa qualité de directeur administratif et financier de la société X).
En outre, nos conseils en matière de rédaction sont :
- D'indiquer en préambule les raisons ayant conduit à la mise en oeuvre de la délégation de pouvoirs (taille, organisation de l'entreprise, dispersion géographique des établissements, etc.) ;
- D'être suffisamment précis s'agissant des pouvoirs délégués, mais également des moyens attribués au délégataire pour mettre en oeuvre ses missions (et d'indiquer, s'agissant des moyens, que le délégataire doit en référer sans délai et par écrit au délégant s'il devait considérer que certains moyens lui font défaut pour s'acquitter de ses obligations, en spécifiant les moyens concernés) ;
- De faire figurer un article sur la portée de la délégation de pouvoirs et l'acceptation expresse, par le délégataire, des conséquences sur sa responsabilité pénale personnelle.
Formation des délégants et délégataires
La pratique montre qu'il est parfois difficile de convaincre les collaborateurs de l'intérêt de la mise en place d'un système de délégations de pouvoirs, a fortiori lorsque l'entreprise en était dépourvue jusqu'alors. Plus généralement, la signature de délégations de pouvoirs tend à susciter des réticences et inquiétudes de la part des délégataires, auxquelles l'entreprise doit répondre pour garantir la mise en oeuvre sereine et effective du système de délégations de pouvoirs.
Il est dès lors utile d'accompagner la signature des délégations et subdélégations de pouvoirs d'une formation des personnes concernées, pour expliquer le mécanisme de la délégation de pouvoirs et souligner l'intérêt représenté en termes de prévention du risque pénal. Il s'agit en outre d'un temps d'échange utile pour répondre aux éventuelles interrogations des délégataires sur la délégation qu'ils sont amenés à signer.
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Suivi du schéma de délégations de pouvoirs
Une fois les délégations de pouvoirs signées, il est important, outre la conservation desdites délégations, d'assurer un suivi de celles-ci pour les mettre à jour (en cas de mutation du délégant ou du délégataire, modification du périmètre d'activité du délégataire, etc.), et ce afin de garantir l'efficacité du système. Ce suivi implique une intervention conjointe de la direction juridique et de la direction des ressources humaines, pour garantir une mise à jour régulière du schéma de délégations mis en oeuvre.
Pour en savoir plus
Clarisse Le Corre est avocate au barreau de Paris, associée du cabinet AdWise. Elle accompagne les entreprises et leurs dirigeants sur l'ensemble des problématiques pénales liées à leurs activités. Outre le contentieux devant les juridictions pénales, Clarisse Le Corre a ainsi développé une expertise spécifique en matière de prévention du risque pénal en entreprise (audit du risque pénal, délégations de pouvoirs, formation et sensibilisation des dirigeants, procédures d'alerte et de conformité, enquête interne).