Entreprises : quelles structures pour exercer ou financer une activité ou une oeuvre d'intérêt général ?
Soucieux de leur image et de leur impact sociétal, de plus en plus de groupes souhaitent aujourd'hui se doter de leur propre structure dédiée à la réalisation d'opérations ou d'activités non-lucratives d'intérêt général. Mais laquelle choisir ?
Je m'abonneParmi les différents organismes susceptibles d'exercer une activité d'intérêt général, l'association est généralement plébiscitée du fait de la simplicité de sa création et la souplesse de son fonctionnement.
L'association
En effet, sous réserve du respect des lois et des bonnes moeurs, aucune disposition légale ne restreint son objet et ses activités, qui sont librement fixés par ses fondateurs. Sa création n'est ni conditionnée à un apport minimum, ni à une autorisation administrative ; une simple déclaration en préfecture étant suffisante. Les fondateurs disposent par ailleurs d'une grande liberté pour la rédaction des statuts et l'organisation de son fonctionnement.
Pour autant, l'association ne sera pas toujours la structure la plus adéquate pour une entreprise souhaitant développer et conserver la main sur une activité d'intérêt général.
D'abord parce que sa création suppose la présence d'au moins deux fondateurs liés par un projet associatif commun. Ensuite, parce que l'association est une structure ouverte et démocratique par nature : son organisation repose en partie sur l'adhésion de membres ayant vocation à exercer un certain contrôle sur la direction de l'association au travers de l'assemblée générale. Les dispositions statutaires peuvent certes encadrer les adhésions et le fonctionnement de l'association dans une certaine mesure, mais l'assemblée générale conservera quoiqu'il en soit des pouvoirs importants : e.g., approbation des comptes, nomination et la révocation des organes sociaux, autorisation d'actes dépassant les attributions des organes d'administration, modification des statuts, etc.
Par ailleurs et bien qu'il existe des exceptions, les associations, même d'intérêt général, ne bénéficient pas d'une fiscalité allégée sur les legs ou des donations reçus de tiers.
La fondation d'entreprise
La fondation d'entreprise a été spécialement conçue pour permettre le développement durable du mécénat d'entreprise.
Cet outil permet à l'entreprise d'organiser le financement d'oeuvres ou d'activités d'intérêt général de façon cohérente, de fédérer les collaborateurs de l'entreprise, tout en garantissant transparence et stabilité. En effet, les textes imposent aux créateurs de la fondation d'entreprise de définir précisément dans ses statuts les projets soutenus et leur financement pour les cinq années à venir (durée minimale de la fondation). Ce financement est assuré par un programme d'actions pluriannuel (« PAP ») qui ne peut être inférieur à 150 000 euros, somme que les fondateurs s'engagent formellement à verser, en une ou plusieurs fois.
Gage de stabilité et de transparence, le PAP peut donc aussi s'avérer handicapant, financièrement certes, mais aussi car il apporte une certaine lourdeur au processus de constitution de la fondation (obligation d'établir des actes d'engagement des fondateurs participants, mais aussi des actes de cautionnement bancaire garantissant le versement des montants prévus). Constitution qui, par ailleurs, doit obligatoirement faire l'objet d'une demande d'autorisation en préfecture, ce qui allonge considérablement le délai de constitution (autour de 6 mois en moyenne).
La fondation d'entreprise est d'une manière générale particulièrement encadrée. La composition de son conseil d'administration doit par exemple respecter une répartition stricte posée par les textes : trois collèges sont à constituer, celui des fondateurs, des représentants des salariés, et celui des personnalités qualifiées, qui doivent compter pour plus du tiers du conseil, et qui sont élus selon des modalités précises.
Sa capacité patrimoniale et son cercle de mécènes sont par ailleurs limités : elle ne peut ni posséder d'immeubles de rapport, ni faire appel à la générosité du public, et n'a pas accès aux dons et legs de dehors de ceux de l'entreprise fondatrice, des membres de son groupe ou de leurs salariés.
Cette structure, lourde dans son fonctionnement et limitée dans sa capacité à collecter des fonds auprès de tiers, n'est donc en pratique retenue qu'au sein de grands groupes disposant de ressources financières importantes à consacrer à de tels projets.
Fonds de dotation
Créé par une loi de 2008 qui s'inspire de « l'endowment funds » américain, le fonds de dotation est une structure hybride combinant la logique de la fondation et la souplesse de l'association.
La souplesse se constate dès sa constitution : il peut être créé par tout type de personnes, sa dotation minimale est légalement fixée à 15 000 euros, et sa constitution n'est soumise qu'à une déclaration préalable en préfecture. Un fonds de dotation peut donc être constitué dans un délai relativement court (1 à 3 mois).
Hormis l'obligation de créer un conseil d'administration d'au moins trois membres, les créateurs d'un fonds de dotation sont libres dans l'organisation de son fonctionnement (pas d'assemblée générale ni d'obligation d'inclure un représentant de l'Etat dans les organes de direction). Le fonds jouit par ailleurs d'une grande capacité juridique, peut détenir tous types de biens et percevoir différentes ressources.
Ses deux principales limites sont afférentes à son financement. La première tient au fait que sa dotation initiale (le cas échéant augmentée des donations ou legs reçus) n'est théoriquement pas consomptible ; ses ressources se limitant aux revenus générés patrimoniaux générés par sa dotation (e.g., intérêts, dividendes) ou ses éventuelles activités (e.g., loyers et autres produits de ventes ou services), et aux dons reçus des tiers. La consomptibilité de la dotation peut être statutairement prévue mais, dans ce cas, les revenus patrimoniaux du fonds deviennent soumis à l'impôt. La seconde tient au fait qu'il lui est impossible de percevoir des subventions publiques.
Le point commun à ces organismes : le régime fiscal de faveur
En dépit de leurs particularités ces trois organismes bénéficient d'un même régime fiscal de faveur les exonérant partiellement ou totalement des impôts « commerciaux » (IS, TVA, CFE, CVAE, etc.), sous réserve du respect de deux séries de conditions.
Une condition de fond, tenant à l'exercice d'activités non-lucratives - ce qui suppose notamment que les activités de l'organisme se situent en dehors d'un marché concurrentiel, par leurs natures ou par leurs modalités d'exercice - au service d'une mission d'intérêt général.
Et des conditions de forme : principalement l'exigence d'une gestion désintéressée de l'organisme et l'absence de relations privilégiées avec l'entreprise. Il convient ainsi de veiller à ce que l'organisme n'ait pas pour objet ou pour effet d'avantager l'entreprise en réduisant ses charges, en augmentant ses prof
its ou en facilitant son activité. Il sera également sage de limiter leurs interactions et de prévoir que les postes de direction de l'entreprise et de l'organisme soient exercés par des personnes différentes.
Conclusion
Depuis sa constitution, le fonds de dotation s'est révélé être un outil particulièrement performant qui emporte le plus souvent les faveurs des entreprises souhaitant agir pour une oeuvre d'intérêt général. Ce constat n'exonère cependant pas l'entreprise et ses conseils d'analyser précisément les données spécifiques de son projet afin d'identifier la structure la plus pertinente dans son cas particulier.
Pour en savoir plus
François Vignalou est avocat associé du cabinet Bignon Lebray et est responsable du département droit fiscal.
Mais aussi
Matthieu Bultel est avocat counsel du cabinet Bignon Lebray au sein du département droit fiscal.