Philippe de Ladoucette : "La fin des tarifs réglementés dans l'énergie provoque un vrai risque d'embouteillage"
Le marché français de l'énergie est en pleine effervescence avec la fin des tarifs réglementés. Et, les entreprises sont directement impactées. Le point avec Philippe de Ladoucette, président de la Commission de régulation de l'énergie (CRE).
Je m'abonnePour commencer, quelles sont les missions de la Commission de régulation de l'énergie (CRE) ?
Rappelons tout d'abord que la CRE est une autorité administrative indépendante, c'est-à-dire indépendante du gouvernement et des entreprises du secteur de l'énergie. En revanche, elle rend des comptes au Parlement. Quant à nos missions, elles sont multiples : réguler et ouvrir le marché du gaz et de l'électricité, fixer les tarifs des réseaux de distribution et de transport, contrôler le programme d'investissement des gestionnaires de réseaux de transport -qui restent en situation de monopole-, définir l'évolution de la CSPE (contribution au service public d'électricité)et des tarifs réglementés du gaz, ainsi que les TRV d'électricité que nous fixerons à partir du 2016.
Nous avons également des missions de surveillance des marchés de gros et de détail... Difficile de tout lister, tant nos champs d'intervention et nos responsabilités sont nombreuses. Je tiens à préciser, que le CRE, avec ces 125 collaborateurs, dispose de faibles moyens comparés à ceux de ses homologues européens.
Concernant la CSPE, taxe sur les consommations d'électricitéqui finance les subventions aux énergies renouvelables, le JDD annonçait en juillet sa possible extension au gaz et à l'essence. En savez-vous plus ?
Cette possibilité fait effectivement partie des hypothèses de travail du gouvernement, dans le cadre de la loi de finances rectificative. Néanmoins, pour l'instant, rien n'est acté à ma connaissance.
Au 1er janvier 2016, ce sera donc la fin des tarifs réglementés de vente (TRV) d'électricité et de gaz. Pourtant, aujourd'hui, 41 000 clients de gaz naturel* et 385 000 clients d'électricité** ne sont toujours pas passés en offre de marché. Est-ce un problème ?
Le risque d'embouteillage, notamment au niveau de l'électricité, est réel. Il est probable que plusieurs milliers d'entreprises n'auront pas changé leur contrat de fourniture d'énergie d'ici l'échéance du 1er janvier 2016. Elles basculeront alors automatiquement vers l'offre tarifaire transitoire par défaut du fournisseur historique, sensiblement plus élevée que les TRV et valable uniquement six mois.
Il est donc important de s'informer et d'opter rapidement pour une offre de marché, d'autant que les formalités sont relativement simples et qu'il n'y a aucun préavis à respecter. Le CRE a d'ailleurs édité une vidéo (voir ci-après) et un site Web, www.tarifsreglementes-cre.fr, qui expliquent toutes les démarches.
Comment expliquez-vous qu'autant d'entreprises n'aient pas anticipé cette échéance ?
Les entreprises ne se sont pas vraiment intéressées à la question, principalement car elles n'y ont pas vu leur intérêt. Notamment en ce qui concerne l'électricité. Car pour le gaz, la situation est très différente : la concurrence a ouvert le marché depuis longtemps.
Les prix de marché ayant baissé depuis ces dernières années, les fournisseurs alternatifs ont pu faire des offres attractives pour convaincre les entreprises de quitter les TRV. En revanche, le marché de l'électricité ne s'est pas ouvert aussi vite et compte un nombre plus faible d'acteurs. Les offres de marché, insuffisamment attractives, n'ont pas attiré l'attention des entreprises. La donne est en train de changer depuis plus d'un an. Et, l'entrée de nouveaux acteurs sur le marché dernièrement pourrait apporter une dynamique supplémentaire. Il faut savoir que la France est l'un des rares pays européens à avoir gardé aussi longtemps des TRV pour le secteur professionnel.
Concrètement quels gains peuvent espérer les entreprises avec une offre de marché ?
Pour le gaz, l'économie est, en moyenne, de 10 à 15 %. Pour l'électricité, elle est de 5 à 10%.
*ayant une consommation annuelle supérieure à 30 mwh.
**ayant une puissance souscrite supérieure à 36 kva, tarifs jaunes et verts.
Passage à une offre de marché, la vidéo explicative du CRE :
Comparer les offres de marché, mode d'emploi du CRE
Avant de changer de contrat, l'entreprise doit être vigilante. Elle doit :
- vérifier si l'offre de marché inclut ou non l'acheminement ;
- comparer les prix sur une même base (soit hors TVA, soit TTC) ;
- tenir compte de l'évolution des prix : prix fixe ou variable, choix des variables d'indexation, etc. ;
- vérifier la période d'engagement et les pénalités éventuelles en cas de résiliation anticipée ;
- prendre en compte les modalités de facturation et de paiement proposées ;
- analyser les services proposés : interlocuteur dédié, modalités de contact, gestion pour les contrats multi-sites, services d'efficacité énergétique, offres "vertes", etc.
- s'assurer qu'un fournisseur qui propose une offre de plus d'un an propose en parallèle une offre d'une durée maximale de 12 mois qui laisse le temps de mieux comprendre le fonctionnement du marché.
Sur le site energie-info.fr/Pro, vous trouverez une liste de tous les fournisseurs desservant votre commune, ainsi que leurs coordonnées. Un formulaire de demandes d'offres de fourniture de gaz et d'électricité est également disponible sur le site. Il permet aux consommateurs professionnels de se faire connaître des fournisseurs et de recevoir des offres commerciales de ces derniers.