DossierEntreprise en difficulté : vous n'êtes pas seul
1 - PISTE 1 : Faire appel à des experts pour sauver votre entreprise
Face aux difficultés, vous ne devez ni vous isoler, ni vous voiler la face. Reconnaître les premiers symptômes et se tourner vers des experts à même de trouver les remèdes d'urgence, puis le traitement de fond, est essentiel.
" Plus l'entreprise est ancienne, plus le dirigeant s'avoue vaincu le plus tard possible, constate Laurent Borg, expert-comptable et commissaire aux comptes, qui dirige le Cabinet Julien et Associés près d'Aix-en-Provence. C'est un mauvais réflexe : plus on repousse le moment d'agir, plus il est difficile de trouver des solutions. " Et de citer l'exemple d'entreprises qui fonctionnent structurellement sur du découvert : " Les banques vous coupent les vivre en trois mois. " Constituer des tableaux de bord et des indicateurs (suivi de la marge, des délais de règlements, etc.) permet d'anticiper ou de réagir vite. " L'attente augmente les difficultés et le stress qui les accompagne, confirme Pascal Claude, dirigeant de KDA Développement, spécialisé dans l'accompagnement en gestion des entreprises. Le dirigeant perd le recul nécessaire à la prise de décision en plus d'être confronté à l'hyper quotidien : relances, huissiers, etc. " Agir rapidement permet de ne pas entrer dans ce cercle infernal où la pression est énorme.
D'où la nécessité d'établir un diagnostic. Pour commencer, vous pouvez consulter le site des CIP (Centres d'information sur la prévention des difficultés des entreprises), CIP-national.fr, qui propose un formulaire confidentiel de diagnostic permettant de prendre les " décisions concrètes et adaptées ". Un premier pas avant de rechercher des avis et conseils plus personnalisés...
Quels conseillers solliciter en premier ?
Premières difficultés, premier réflexe : se tourner vers son expert-comptable, confident naturel du dirigeant. Le dialogue avec cet expert va permettre de prendre du recul, de mettre en place des indicateurs de rentabilité au mois ou à la semaine afin de piloter le risque de cessation de paiements et de comprendre l'origine des difficultés. " Une étape absolument indispensable ", martèle Fabrice Coulon, administrateur de la CNCEF (Chambre nationale des conseils experts financiers), qui a remis en place, il y a un an et demi, une commission destinée à prévenir et traiter les difficultés des entreprises.
Réactivée par la Chambre nationale des conseils experts financiers (CNCEF) fin mai 2011, la commission " Prévention et traitement des difficultés des entreprises " est un dispositif destiné aux dirigeants qui, par des procédures amiables, vise notamment à instaurer un moratoire sur les dettes tout en sauvegardant la structure. Composée d'experts et de consultants permanents opérationnels, elle peut être saisie par le chef d'entreprise.
La première consultation, effectuée confidentiellement et à titre gracieux, permet d'émettre des préconisations qui peuvent ensuite faire l'objet d'une proposition de suivi et d'interventions tarifés. " 2012 aura été une année charnière, avec un nouveau gouvernement, une situation économique difficile. En 2013, nous comptons accentuer notre participation au débat et apporter des idées ", indique Fabrice Coulon, administrateur de la CNCEF. La première pierre de cette participation consiste d'ailleurs en un ouvrage d'information édité en juin, qui synthétise la multitude d'outils à disposition des entreprises en difficulté : La prévention et le traitement des difficultés des entreprises de Pierre Gueneau, aux Editions Mesnil, 92 pages, 10 euros.
Vidéo : prévention et traitement des difficultés des entreprises ; interview d'Olivier Janier Dubry
" Ensuite, rien n'empêche le dirigeant de se rapprocher de son expert financier ou de son avocat. " Car, cette analyse faite, une multitude de solutions existent pour chaque situation : dans le cas d'un client défaillant, non seulement le règlement n'arrivera pas, mais le client est perdu. Il faut alors négocier un décalage ponctuel des encours fiscaux et sociaux, et pourquoi pas un gel des remboursements des créances bancaires, voire un renouvellement de crédit. Si le client représentait un volume d'affaires récurrent, ce réaménagement ne suffira pas. Il faudra alors opter pour une restructuration de fond. Négocier des délais de paiement avec ses fournisseurs, voire obtenir un abandon de créance (au lieu de payer 100 dans six mois, je paie 80 maintenant) permet également de gagner du temps. Et si la négociation de l'échelonnement des dettes fiscales et sociales s'avère impossible, il faut s'adresser à laCommission des chefs des services financiers du département, qui peut obtenir jusqu'à 36 mois de délai pour le seul paiement du principal (les pénalités ne sont pas dues). De plus, les remboursements peuvent être faibles les premiers mois puis évoluer. A partir du moment où le planning de cette commission est établi, le chef d'entreprise retrouve de la sérénité.
, des fournisseurs qui n'accordent plus les délais de paiement convenus, des clients qui retardent leur règlement, un carnet de commandes qui se tasse, des banquiers qui réduisent leur concours, l'impossibilité de régler l'intégralité d'une échéance fournisseur, ses dettes fiscales et sociales... Il suffit parfois d'un gros grain de sable pour que la machine s'emballe. Une diminution du chiffre d'affaires peut résulter de difficultés immédiates (un client important en difficulté, une équipe commerciale moins performante) ou profondes (un produit qui n'est plus adapté au marché, des marges en baisse, une concurrence agressive). " La dégradation de la trésorerie, qui cristallise des problèmes antérieurs, est le principal symptôme d'une crise qui pousse le dirigeant à agir ", constate Fabrice Coulon, administrateur de la CNCEF (Chambre nationale des conseils experts financiers).
Solliciter son banquier avec un plan d'action... ou pas
Autre possibilité : dialoguer avec votre banquier... " Une solution à double tranchant. Pour un besoin de trésorerie supplémentaire, pourquoi pas, mais l'alerter sur votre situation peut générer une réaction dangereuse ", prévient Fabrice Coulon (CNCEF). Le banquier ne peut s'appuyer que sur des solutions apportées par le chef d'entreprise. Il est capable d'accompagner, mais il a besoin de perspectives : changement d'activité, recherche de nouveaux marchés, réduction de la masse salariale... Dans certaines banques, l'aspect humain et l'historique entrent encore en considération : le dirigeant, ses compétences, l'ancienneté, le respect des engagements pris, etc. Mais de plus en plus d'établissements ont industrialisé leurs process, mis en place du scoring : c'est donc la " machine " qui décide.
Le service SOS Entreprises des chambres consulaires
Lorsque la rentabilité à court terme n'est pas en péril, il est encore temps de se tourner vers les programmes des chambres de commerce et d'industrie ou les directions régionales de l'administration. Mais si la cessation de paiements devient une vraie menace, il faut alors solliciter d'autres pistes et réseaux, comme l'association que Bruno Delcampe a créée dans le Nord-Pas-de-Calais.
Ainsi, les Direccte (Directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi) ont mis en place un numéro Azur, le 0 810 00 12 10, à destination des dirigeants qui se posent des questions d'ordre administratif et financier. Les chefs d'entreprise sont alors orientés, au vu de leurs problématiques, vers le bon interlocuteur : médiateur du crédit, commissaire au redressement productif, etc.
Pour ne pas subir les imprévus sans être préparé, l'Ordre des experts-comptables et le Conseil national des Barreaux ont élaboré l'assurance santé entreprise, qui favorise le recours aux dispositifs de prévention des difficultés. Cette nouvelle garantie, lancée en début d'année, finance les honoraires des experts de crise (avocat, expert-comptable, mandataires ad hoc, conciliateur). Le délai de carence entre la souscription de l'assurance et le déclenchement de la garantie est de 180 jours.
La plupart des chambres de commerce et d'industrie (CCI) proposent également des dispositifs de soutien aux entreprises en difficulté : orientation et accompagnement, autodiagnostic, outils de financement, recours au médiateur du crédit, aides à l'emploi, procédures amiables et collectives, ateliers et formations. Certaines, à l'image de la CCI de l'Essonne, ont créé un service SOS Entreprises, un modèle interconsulaire (CCI / Chambre de métiers) pour accueillir les dirigeants rencontrant des difficultés. " Nous recevons sans rendez-vous, explique Etienne Lebert, ancien dirigeant de PME, qui gère le service créé en 2003. Parce que lorsque le chef d'entreprise se déplace chez nous, la démarche est tellement douloureuse qu'il ne la renouvellera pas. Un jour, un dirigeant m'a même dit " Il était 23 h, j'étais devant mon ordinateur, j'ai tapé " SOS entreprise " sur Google et me voilà... " "
" 95 % des entreprises en difficulté terminent en liquidation, alors que 40 % sont solvables !, assène Bruno Delcampe, ancien dirigeant de PME d'une centaine de salariés dans le Nord, liquidée en 18 mois, et fondateur, en mars 2011 de l'association SOS Entrepreneur, basée en Nord-Pas-de-Calais. Nous sommes là pour casser la solitude du chef d'entreprise, qui croît à mesure que les difficultés s'amplifient. La plupart des dirigeants se battent, persuadés qu'ils vont s'en sortir, qu'un contrat va tomber, alors qu'à un certain stade, ils doivent gérer les difficultés, mais ne savent pas comment. Il est nécessaire de les informer, en amont, de tous les outils mis en place par la loi de sauvegarde de 2005, que l'on découvre trop tard. "
Une ligne téléphonique ouverte 24 h / 24 permet de prendre gratuitement rendez-vous (qui dure de 3 à 5 heures) en face-à-face, dans les 5 à 8 heures suivant l'appel. Les aspects qualitatifs et quantitatifs sont étudiés (environnement, collaborateurs, financement du BFR, haut de bilan, etc.). Objectif : détecter les indicateurs de risque de cessation de paiements à court ou moyen terme et décider ou non d'un accompagnement d'urgence d'une demi-journée par semaine, pendant trois à six mois, pour redonner confiance à l'environnement et consolider la pérennité. L'association a mis en place un fonds de solidarité qui permet d'accorder un prêt d'honneur au chef d'entreprise afin de financer jusqu'à 80 % de son accompagnement. " Nous devons aider ces hommes et ces femmes qui ont su créer des emplois et de la richesse à retrouver le discernement pour remettre leur entreprise sur les rails. " Aujourd'hui soutenue par 240 entreprises, l'association, une fois son modèle économique validé (financement par le mécénat), est appelée à se développer au niveau national.
Vidéo : présentation de l'association SOS Entrepreneur
- Restez attentif à l'état des indicateurs et tableaux de bord afin de détecter les premiers signes de difficultés.
- Tournez-vous immédiatement vers votre expert-comptable ou conseil en gestion afin d'exposer votre situation et envisager des solutions rapides.
- D'autres interlocuteurs sont à votre écoute et à même de vous proposer diagnostic et accompagnement: chambres consulaires, Direccte, CNCEF, associations...