[Dossier] L'international, un vrai enjeu pour les PME
L'export représente un relais de croissance indéniable pour les PME. Ne pas y aller, c'est prendre le risque de se sentir à l'étroit sur le marché français. Reste que la démarche nécessite une dose d'audace et une certaine pugnacité.
Je m'abonneÉdouard Philippe l'a rappelé lors de la 4e édition de Bpifrance Inno Génération (BIG) au mois d'octobre : la grande faiblesse des PME françaises est l'export. Et il s'agit d'une faiblesse qui s'accroît. Mais cette situation n'est pas inexorable. Ainsi, 84 % des entreprises françaises veulent augmenter leur chiffre d'affaires à l'international en 2018, contre seulement 79 % en 2016, selon le Baromètre export 2018 Euler Hermes.
Pour les soutenir, l'État, les chambres consulaires, les instances professionnelles et les associations d'entrepreneurs se mobilisent. Pour la première fois, le Réseau Entreprendre a organisé sa biennale hors de France et a choisi Bruxelles, considérée comme la capitale de l'UE, illustrant la volonté des dirigeants de se lancer d'abord en Europe.
Au mois d'octobre, Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des Affaires Étrangères, et Hervé Morin, président de Régions de France, se sont exprimés devant le réseau national et international de Business France, CCI France et Bpifrance pour mobiliser les énergies autour du dispositif "Team France Export", un projet au service des entreprises.
Le ministre a présenté le modèle d'accompagnement des PME à l'export et la réforme des financements déjà mis en oeuvre dans plusieurs régions, accompagnés d'un effort symétrique à l'étranger où devrait être mis en place un "guichet unique" autour des ambassadeurs pour les entreprises exportatrices.
Connaître les aides
Le gouvernement donne donc des signes d'encouragement à l'export. D'autant que "le contexte mondial est favorable à la France", se félicite Pedro Novo, directeur exécutif en charge de l'Export chez Bpifrance, qui propose toute une panoplie d'aides. Parmi les nouveautés, Bpifrance a annoncé en septembre la création du Fonds Build-up International, dans le cadre du Programme d'investissements d'avenir (PIA) pour accompagner les PME et ETI françaises indépendantes dans leurs stratégies d'acquisition d'entreprises à l'étranger.
L'outil cible les PME, dès 20 millions d'euros de chiffre d'affaires, jusqu'aux ETI de 1,5 milliard d'euros de chiffre d'affaires, indépendantes et à fort potentiel de développement à l'international, dans le cadre d'opérations de croissance externe d'une valeur de 10 à 150 millions d'euros. Il participe à l'acquisition de sociétés en investissant directement à leur capital, aux côtés de la PME ou ETI française, des montants de 3 à 30 millions d'euros. Les entreprises devant investir un montant au moins équivalent à celui du fonds. "À date, une vingtaine de projets sont en cours d'instruction", déclare Pedro Novo.
La banque publique d'investissement accompagne les PME avec de nombreux dispositifs, plus ou moins connus, de prêts, d'assurance, de prise de capital, mais aussi de formation, de conseil et de mise en relation. Le plus utilisé - environ 1 500 par an - est l'assurance prospection, qui se traduit par un soutien en trésorerie immédiat, grâce à une avance à hauteur de 50 % du budget engagé. L'entreprise ne rembourse cette avance qu'après une période de franchise de deux ans minimum, en fonction du chiffre d'affaires généré sur la zone. En cas d'échec, l'entreprise ne devra que 30 % des sommes avancées .
D'autres dispositifs existent, comme le "Prêt croissance internationale" (de 30 000 à 5 millions d'euros sans garantie, prêt sur 7 ans, à taux fixe, avec remboursement différé), le crédit export qui permet aux entreprises françaises de proposer un financement à leurs clients (jusqu'à 85 % du contrat commercial), une assurance "change" , etc.
Bpifrance soutient également les entrepreneurs avec ses accélérateurs depuis cinq ans, avec un module dédié, et annonce le lancement en 2019 d'un accélérateur spécifique avec un programme de dix-huit mois permettant aux PME de parfaire leur stratégie globale. "La première promotion devrait compter 30 entreprises, notre ambition étant d'en accompagner 200 sur les 4 000 accélérées d'ici 2021", précise Pedro Novo.
Frédéric Rey, directeur associé du cabinet conseil Aread, qui aide les chefs d'entreprise dans leur recherche de financement et le montage de leurs dossiers, note néanmoins que "le crédit d'impôt pour la prospection commerciale à l'export a été supprimé en 2018". Aujourd'hui, "si Bpifrance centralise l'essentiel des dispositifs, les entrepreneurs ne doivent pas négliger de solliciter leur région, bien que les aides soient disparates". Citons en exemple la région des Pays de la Loire et sa présélection de consultants qui proposent des missions à moindre coût pour établir un diagnostic de la PME et un plan d'action. La Nouvelle Aquitaine favorise la participation des PME à des salons, et le recrutement de cadres à l'export. Enfin, l' Î le-de-France qui, avec PM'Up, fournit un programme global, dont une aide à l'export.
Recruter des VIE
Parmi les dispositifs existants, les chefs d'entreprise apprécient celui du volontariat international en entreprises (VIE), géré par Business France. Le VIE permet aux entreprises françaises de confier à un jeune, jusqu'à 28 ans, une mission professionnelle à l'étranger durant une période modulable de 6 à 24 mois.
Études de marchés, prospection, animation d'un réseau de distribution, support technique d'un agent... la mission est définie par l'entreprise. "C'est un superbe outil, qui nous permet de vérifier l'appétence d'un marché", témoigne Renaud Josse, p-dg de CMF, concepteur et fabricant de serres.
Business France met à la disposition des entreprises un vivier de candidats motivés et formés (ingénieurs, informaticiens, commerciaux, techniciens, contrôleurs de gestion), les pré-sélectionne, puis gère tous les aspects contractuels, du versement des indemnités à la protection sociale. Bénéficiant d'un statut public, le volontaire est placé sous la tutelle de la Mission Économique, auprès de l'Ambassade de France dans son pays d'affectation. "Nous avons actuellement un VIE en poste au Brésil pour développer l'activité. Qualifié et compétent, il représente un vrai relais de croissance dans un pays plutôt fermé, mais qui est très demandeur de solutions de sécurité", déclare Stéphane Bidault, président de TEB, fabricant de solutions de vidéosurveillance et conseiller au commerce extérieur.
Écouter ses pairs
WinMs, société experte dans le diagnostic et la surveillance de réseaux de câbles (15 collaborateurs), basée à Orsay, se positionne sur un marché global par ses activités dans le secteur de l'aéronautique. La PME a ouvert une filiale aux USA et un bureau à Singapour. Lauréate du réseau Entreprendre en 2015, WinMS a bénéficié des bienfaits du réseau. "La valeur ajoutée de ce type d'accompagnement provient du regard que les chefs d'entreprise posent sur le projet, le recul et le pragmatisme de leur vision. Sur place, les dirigeants présents nous fournissent aussi des informations précieuses qui nous font gagner du temps", explique Arnaud Peltier, CEO et fondateur de l'entreprise.
Sa stratégie à l'export ? Cibler un gros client depuis la France, signer un premier contrat, puis s'appuyer sur cette référence pour développer l'activité. Un modèle éprouvé. "C'est moi qui gère le compte et qui me déplace", précise le dirigeant. Car l'export est l'affaire du chef d'entreprise. "C'est le sujet de l'entrepreneur qui doit embarquer son entreprise. Cela suppose une transformation de la société, une organisation juridique adaptée, des collaborateurs bilingues, un site Internet adéquat, un comptable sachant gérer les devises... Bref, une PME dotée d'un plan stratégique précis", confirme Pedro Novo.
Pour mener le projet à bien, les entrepreneurs ont besoin de soutien. "Qui mieux qu'un dirigeant qui a déjà expérimenté l'export peut aider un autre dirigeant à piloter sa croissance ?" questionne Isabelle Saladin, présidente d'I&S Adviser, réseau français d'operating partners, des entrepreneurs expérimentés qui épaulent au plan opérationnel les fondateurs de start-up, PME ou ETI. "Nous mettons les mains dans le cambouis. Nous avons tous vécu une expérience à l'international, mais nous n'acceptons des missions que dans les pays que nous connaissons", affirme Isabelle Saladin, pragmatique.
L'idée est de partager un savoir-faire et d'apporter aux entreprises la connaissance des spécificités culturelles afin d'adapter au mieux les stratégies internationales pour générer rapidement du revenu et de la croissance. Du co-pilotage plutôt que du conseil, terme que réfute Isabelle Saladin. Un soutien actif et rassurant, d'autant que les préoccupations d'ordre géopolitique inquiètent aussi les dirigeants de PME. Le contexte international est à prendre en compte, car un retournement de situation peut coûter cher à une entreprise mal orientée.
Néanmoins, sans rester sourds aux grondements du monde, les dirigeants ne doivent pas brider leur appétit. Car, comme le rappelle Pedro Novo, "les chefs d'entreprise qui se lancent à l'international retrouvent le plaisir de la chasse et de l'entrepreneuriat". Et c'est peut-être par là que tout commence.