Transformer la gestion de notes de frais en atout(s)
Le contexte actuel d'incertitudes économiques incite les décideurs à se pencher sur les moyens de réduire leurs coûts. Digitaliser les notes de frais fait partie de ces leviers. C'est aussi l'occasion de découvrir les autres avantages qu'apporte cette modernisation.
Je m'abonneLa crise de la Covid-19 semble avoir donné un coup d'accélérateur aux projets digitaux, principalement en raison des économies et des gains d'efficacité qui en découlent. Mais qu'en est-il en matière de gestion des notes de frais? 74% des décideurs estiment que l'amélioration des processus et des outils de gestion Travel & Expense est essentielle, souligne une enquête réalisée en 2020 par le cabinet Forrester, pour le spécialiste du voyage d'affaires Amadeus.
Si les entreprises utilisant toujours des feuilles de calcul pour suivre les dépenses restent nombreuses, la pandémie pourrait bien accélérer la digitalisation des processus dans ce domaine.
Gilles d'Huiteau, président fondateur du fournisseur de services de paiements C2A, se montre confiant : "Les paiements à distance et leur caractère pratique ont ouvert la voie. Les habitudes de travail ont récemment changé dans de multiples domaines. Il est fort probable que les dirigeants se penchent davantage sur l'intérêt des nouvelles technologies pour la gestion des dépenses."
Volume des données
La transformation des pratiques par le biais du numérique devient d'autant plus incontournable que les volumes à traiter pèsent sur les trésoreries.
Pierre Lahbabi, directeur général du fournisseur de moyens de paiement Galitt, estime que "les effets de la Covid-19 ont permis de gagner 3 à 4 ans en termes de maturité quant à l'adoption du potentiel des innovations technologiques, à l'image des règlements sans contact qui sont désormais devenus la norme".
Dans ce contexte, nul doute que le poids que représente le traitement des notes de frais sans outil innovant provoque d'ores et déjà des remises en cause des pratiques. En s'appuyant sur une analyse des paiements extraite de son panel de clients sur l'année 2019, le spécialiste du domaine Traveldoo révèle qu'une note de frais comprend en moyenne 5,8 dépenses différentes. Par ailleurs, on totalise annuellement 34 notes de frais en moyenne par collaborateur en entreprise. Les volumes de données à traiter deviennent donc rapidement considérables avec des effectifs importants.
L'agence spécialiste du voyage d'affaires Amadeus rappelle, dans une étude publiée en 2020, que 74% des voyageurs déclarent qu'une mauvaise expérience de paiement peut affecter la qualité d'un déplacement. Une majorité de dirigeants mentionne par ailleurs que la gestion des notes de frais est responsable de frustrations pour le voyageur et d'inquiétudes pour l'équipe dirigeante. Il en ressort une expérience dégradée et une insatisfaction pour le collaborateur, peut-être bien à l'origine du taux élevé (65%) des voyageurs d'affaires au sein de l'Union européenne qui pratiquent des réservations en dehors des circuits autorisés en interne, comme le souligne une enquête de l'association GBTA réalisée en 2018.
Frustrations
La digitalisation de la gestion des notes de frais a pour effet direct des gains d'agilité et de temps. Lors d'un paiement, l'envoi par le collaborateur d'une photo du ticket correspondant à la dépense permet l'intégration sans délai des données au système en place dans l'entreprise. Les écritures comptables se génèrent automatiquement, en y associant d'autres informations indispensables telles que le taux de TVA.
La gestion de cette dernière représente d'ailleurs "une des difficultés que les entreprises souhaitent simplifier", indique Pierre Queinnec, président et fondateur de l'éditeur de solutions d'expense management Jenji. "Certains frais n'étant pas assujettis à la récupération de la TVA, le travail de récupération peut s'avérer fastidieux. Là encore, la digitalisation facilite considérablement la tâche par la prise en compte automatique des différences entre les typologies de dépenses ou entre les pays." 80% des entreprises européennes ne récupèreraient pas systématiquement la TVA étrangère dans le cas des voyages d'affaires. Ces négligences sont à l'origine de pertes non négligeables. Elles représentent en Europe un montant annuel de 2 milliards d'euros sur un total de 7 à 8 milliards d'euros concernés, indique la société VAT IT, spécialisée dans le remboursement de la TVA européenne.
Un tel virage technologique permet aussi de lever les obstacles liés aux avances de frais. Le cabinet de conseil Axys Odyssey constate que ceux-ci sont toujours en vigueur dans près de 30% des entreprises, avec pour conséquence d'importantes lourdeurs de gestion. "C'est invraisemblable de se rendre compte que cette pratique est toujours aussi répandue à l'heure des technologies innovantes", s'exclame Gilles d'Huiteau. La centralisation des paiements automatisés ne nécessite aucune contrainte de saisie par l'employé et offre une remontée des données de dépenses immédiate dans les systèmes d'information de l'entreprise.
Plus de conformitéet de transparence
Jenji a récemment lancé une solution capable d'émettre un avis sur le niveau des coûts relatifs aux déplacements, en agrégeant des données RSE et d'autres éléments. "Il s'agit de pouvoir comparer des schémas différents, comme par exemple le niveau des indemnités kilométriques en voiture, en incluant des frais de parking, d'une part, et le recours au taxi, d'autre part, aussi bien sur un axe RSE que sur un axe financier. Un choix pertinent dans un domaine n'est pas nécessairement intéressant dans un autre domaine", illustre Pierre Queinnec. Ce type d'outils permet de disposer des données pour savoir si une filiale est plus vertueuse qu'une autre, en établissant des comparaisons, dans le cadre d'une feuille de route à respecter sur des engagements sociétaux ou environnementaux.
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Une approche digitalisée permet ainsi de gagner en transparence et en respect de réglementations. Il devient très aisé de conduire des audits relatifs aux notes de frais engagées, et d'établir la cohérence ou non de ces dernières, au regard des obligations vis-à-vis du contrôle interne ou de l'Urssaf. Il s'agit aussi d'un outil pour réduire les comportements non souhaités comme les dépenses auprès de fournisseurs incompatibles avec les politiques d'achats.
Le digital pourrait par ailleurs mettre fin au problème endémique de la fraude aux notes de frais. Ainsi, près de 30% des salariés avouent avoir déjà gonflé leurs frais professionnels, comme l'a révélé une enquête de la plateforme d'expertise comptable Wity.fr. Ce sujet est l'une des grandes causes des procédures de redressement initiées par l'Urssaf. À cela, s'ajoutent les dépenses non conformes à cause de simples erreurs.
Valoriser les données de la mobilité
Afin de souligner l'intérêt économique de la digitalisation, le fournisseur de solutions de paiements Airplus a procédé à une évaluation du coût moyen de traitement d'une note de frais : il est de 53 euros, et demande un temps de gestion allant de 40 minutes à une heure. Au-delà des gains quantitatifs, les outils à disposition se caractérisent par des options de paramétrages avancés en termes de politique de remboursement. La gestion des plafonds autorisés par type de dépense, de montants maximum par zone ou la possibilité de paiements donnée à une catégorie de salariés forment d'autres atouts.
En étant mises en relation avec une activité, les notes de frais digitalisées permettent de disposer d'une visibilité totale sur le coût d'un déplacement ou d'une typologie de dépenses, grâce à des tableaux de bord dédiés. Ils donnent dès lors la possibilité de mieux cerner certains enjeux et problématiques et constituent ainsi une aide supplémentaire à la décision. Bon nombre d'outils de ce domaine intègrent également des fonctionnalités synonymes de gain de temps comme la gestion multidevises, facilitant le travail comptable à réaliser en aval.
À l'heure où la recherche d'efficacité et la réduction des coûts préoccupent toutes les catégories d'entreprises, Pierre Queinnec se réjouit de voir que "ces solutions sont désormais accessibles à des entreprises de taille modeste. Elles sont de moins en moins chères. Parallèlement, on constate l'existence de grandes quantités de données jamais exploitées dans les organisations. C'est l'occasion de les mettre à profit."
Le digital, levier d'attractivité pour les nouvelles générations
Pouvoir transposer les habitudes de la vie privée dans la sphère professionnelle est un élément d'attractivité, notamment auprès des jeunes générations de travailleurs, pour qui les paiements automatisés sont d'ores et déjà une réalité avec des services innovants du quotidien (VTC, néobanques, etc.). Le Boston Consulting Group précise que les millennials représentent déjà pour plus de 50% des dépenses relatives au voyage d'affaires. "La digitalisation de ces pratiques est aujourd'hui un enjeu RH, non seulement vis-à-vis des jeunes collaborateurs, mais aussi plus largement au sein des personnels. Les conflits de remboursement liés à des tickets perdus, à des droits différenciés, sont autant d'obstacles qui disparaissent avec un fonctionnement technologique intégré", assure Gilles d'Huiteau.