Blockchain : tout savoir sur les tokens
Dans leur livre "Au coeur de la blockchain", Mickael Lewrick et Christian Di Giorgio nous décryptent l'univers de la blockchain. Troisième extrait, dédié à tout ce qui concerne les tokens.
Je m'abonneAprès avoir expliqué comment fonctionnait une blockchain, et surtout ce qu'elle permettait de résoudre, attelons-nous à préciser le fonctionnement des tokens. Le monde des crypto-monnaies admet plusieurs types de tokens. Dans ce chapitre nous allons les définir, décrire ce qui les différencie les uns des autres et exposer brièvement les étapes de leur développement.
Les tokens sont à la base des transactions qui se déroulent dans le cadre des nouveaux écosystèmes. À titre d'illustration, nous prendrons l'exemple d'une ICO, l'une des procédures les plus répandues pour financer un projet blockchain.
Qu'est-ce qu'un token ?
La blockchain permet d'affecter une identité digitale unique à tout type d'actif ou d'objet. Le token est le moyen par lequel un actif est représenté dans l'univers crypto. Du point de vue technique, l'émission d'un token s'effectue de deux manières :
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1. Sur une blockchain nouvellement développée.
2. Au moyen d'un smart contract sur une blockchain existante.
À partir du moment où un actif existe sous forme de token sur une blockchain, nous savons :
- qu'il existe
- d'où il provient
- qui en est propriétaire
Quelles sont les différentes catégories de tokens ?
Nous avons vu qu'un token est la représentation numérique d'un actif, quel qu'il soit. Cette valeur peut exister tant sous forme physique (par exemple, une voiture) que digitale, sous forme de monnaie numérique.
La tokenisation
Outre l'étude des caractéristiques techniques et des différentes possibilités d'émission d'un token numérisé cryptographiquement, nous estimons indispensable d'aborder d'emblée les aspects juridiques et légaux. Dès lors se posent deux questions :
1. Quel objet ou quel actif est représenté par le token ?
2. Est-ce que le token constitue une forme de droit opposable ?
La réponse à ces questions, compte tenu des impératifs réglementaires, influence la fonctionnalité du token, ainsi que les droits et les obligations des parties concernées. On peut sur cette base distinguer trois catégories de tokens : les tokens de paiement, les tokens d'utilisation et les tokens d'actifs.
Les différents tokens possibles
Dans certains cas les tokens ont une contrepartie contractuelle, dans d'autres cas c'est le protocole (c'est-à-dire un réseau décentralisé) qui fait office de contrepartie. Cela a un impact déterminant sur votre capacité à faire valoir vos droits devant un tribunal.
Les tokens sans contrepartie contractuelle :
Les tokens de paiement (crypto-monnaie native) Ces crypto-tokens, tels que le bitcoin, font office de moyen de paiement mais aussi de stockage de valeur.
Les tokens d'utilisation.
Ces tokens sont utilisés comme moyen de paiement pour des plateformes et des applications spécifiques. Ils sont généralement développés par des communautés open source telles qu'Ethereum.
Ces deux types de tokens sont actuellement les plus répandus. Leur valeur dépend de l'offre et de la demande ; leur possession et leur transfert ne sont pas limités par la loi. La situation est différente s'agissant des tokens qui ont une contrepartie légale clairement définie. Ils représentent par exemple un droit d'accès à un service, un paiement de dividende ou la (co)propriété d'un actif. La valeur du token est par conséquent déterminée par l'usage du service ou par la valeur de l'actif. Les droits et les obligations associés doivent être documentés conformément à la loi, ce qui donne au détenteur du token l'opportunité de faire valoir ses droits dans le cadre des dispositions légales.
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Les tokens avec contrepartie contractuelle :
Les tokens d'utilisation (sur une plateforme commerciale)
Ces tokens ont une contrepartie précise et les droits et obligations afférents sont enregistrés, par exemple dans les conditions générales, comme on peut le voir dans les applications blockchain de programmes de fidélité. Contrairement aux tokens d'utilisation décrits précédemment (sans contrepartie contractuelle), il est possible de faire valoir un droit.
Les tokens d'actifs
Ces tokens remplaceront à l'avenir les certificats de propriété et les titres. Les droits et obligations qui y sont attachés dépendent en grande partie du type d'actif et de la législation applicable. Leur possession et leur transfert sont généralement régulés et dans la plupart des cas, outre le token en soi, il demeure indispensable de recourir à des mécanismes traditionnels, par exemple un contrat par écrit juridiquement contraignant.
La classification et la définition des tokens constituent une étape décisive lors d'un projet blockchain ; il existe plusieurs modèles de classification. À cet égard, le cadre développé par le cabinet juridique MME (MME, 2018) a valeur de référence. L'expérience nous enseigne qu'il n'apparaît pas toujours clairement au début à quel usage le token est destiné, ni de quelle manière son utilisation va évoluer. L'Ether en est un exemple. Il a été conçu comme un droit d'utilisation de la plateforme Ethereum, mais aujourd'hui il sert également de moyen de paiement.
Les étapes de développement d'un token
Nombre de tokens ne possèdent pas de fonction définie lors de leur création. Cela signifie qu'il n'existe alors rien d'autre que le droit de recevoir le token réel ultérieurement.
Les stades de développement d'un token On peut donc distinguer plusieurs étapes : préfinancement, prévente, stades préfonctionnel / préopérationnel et opérationnel.
Préfinancement du token. À ce stade, il n'existe encore que la description conceptuelle du token. Aux termes d'un accord, sur un investissement, les investisseurs se voient offrir la possibilité de recevoir des tokens réels ultérieurement (c'est-à-dire dès qu'ils seront opérationnels). Les accords négociés dans cette perspective sont des contrats SAFT (Simple Agreement for Future Tokens).
Prévente du token. À l'étape de prévente, l'investisseur reçoit un token susceptible d'être échangé contre le token réel (c'est-à-dire fonctionnel) à un stade ultérieur. Ce type de token est donc parfois qualifié de token " voucher " ou bon à être échangé.
Token préfonctionnel/préopérationnel. Ces tokens sont déjà transférables, mais ils ne sont pas encore fonctionnels. Le protocole, l'infrastructure ou l'applicatif fondateurs se trouvent généralement encore en développement.
Token opérationnel. Le token est fonctionnel au regard de sa finalité originelle.
Les classifications décrites ci-dessus et les quatre étapes de développement sont généralement utilisées par les régulateurs pour établir une évaluation. Les régulateurs procèdent le plus souvent à un examen au cas par cas ; chaque projet ou modèle de token est évalué et classé individuellement.
On observe actuellement que les autorités de surveillance des marchés financiers (par exemple la FINMA en Suisse, le BAFIN en Allemagne, l'AMF ainsi que l'ACPR en France) s'intéressent particulièrement à l'utilisation des tokens. Elles prennent en compte deux aspects principaux : la conformité avec la législation contre le blanchiment d'argent et le terrorisme et la protection de l'investisseur, qui est par exemple intégrée dans les lois sur le négoce de titres.
Des réglementations différentes s'appliquent aux tokens en fonction de leur type et de leur stade de développement
Avant de soumettre un modèle de token à une instance de réglementation il vaut mieux demander l'avis d'un spécialiste de la législation.
Les types et les catégories de tokens présentés ici sont fondés sur notre interprétation des textes des régulateurs allemands et suisses d'accès public.
Dans d'autres pays, aux États-Unis par exemple, la situation est plus complexe. Il semble que chaque instance applique ses propres critères. Ainsi un token de paiement peut-il être classé comme titre par la SEC (Securities and Exchange Commission), l'organisme fédéral de régulation des marchés financiers et simultanément considéré comme une matière première par la CFTC (Commodity Futures Trading Commission), l'agence fédérale de régulation des bourses de commerce. On ne soulignera jamais assez l'importance de faire appel à un avis compétent en matière juridique, compte tenu de l'évolution de la législation.
Pour aller plus loin
Dans ce livre, Mickael Lewrick et Christian Di Giorgio nous expliquent tout sur la blockchain et prennent de revenir petit à petit sur cette incroyable révolution. Voir le livre sur Amazon. Voir la fiche sur le site de l'éditeur Pearson.