Jeune et entrepreneur : entre ambition et galère
Porteurs d'un concept novateur, ces chefs d'entreprise ont débuté leur activité sur les bancs de l'école. Ils reviennent sur les forces et faiblesses lorsqu'on est un jeune entrepreneur.
Je m'abonneLa valeur n'attend point le nombre des années. Cet adage de Corneille peut aisément s'appliquer à Maxime Valette. Serial entrepreneur à 29 ans, le jeune homme a créé sa première structure dès ses 15 printemps. Une entreprise revendue au moment où il passe le bac.
Néo-bachelier, il fonde par la suite une nouvelle société dans laquelle il crée, notamment, le célèbre site Vie de merde. "Quand on est jeune, on peut se permettre de lancer des projets au bout de quinze ans de carrière. Même si on approche seulement la trentaine", plaisante-t-il.
Aujourd'hui, il gère une trentaine de salariés, principalement dans l'édition de site web, et assume des responsabilités au sein de cinq sociétés. Une précocité peu étonnante sachant qu'il a appris à coder à l'âge de 7 ans.
Un état d'esprit
Pour lui, un jeune entrepreneur se caractérise par sa propension à oser, "un mode de pensée qui empêche d'être enfermé dans les carcans qu'on observe souvent dans la vie professionnelle." Son leitmotiv ? Tenter et tester de nouvelles choses : "La seule chose qu'on n'enlèvera pas à un jeune dirigeant, c'est d'avoir entrepris. On peut vous reprocher d'avoir pris une mauvaise décision, mais jamais d'avoir agi."
Aurian de Maupeou est également tombé très jeune dans l'entrepreneuriat. Agé de 19 ans en 2007, il lance le comparateur d'énergie Selectra, en compagnie de son associé Xavier Pinon, rencontré sur les bancs de Sciences-Po. Les deux hommes se trouvent désormais à la tête d'une ETI à dimension internationale, comptant 600 salariés, avec un chiffre d'affaires de 24,5 millions en 2017.
Selon lui, la jeunesse se caractérise avant tout par une forte capacité de travail : "La force de quelqu'un d'expérimenté est son réseau, pour un jeune, c'est sa capacité de travail". Un point de vue partagé par Maxime Valette : "Au lycée, je ne dormais que 4 ou 5 heures par nuit. J'étais en hyperactivité. On possède naturellement cette énergie quand on est plus jeune."
Le cofondateur de Selectra voit un autre bienfait de la fleur de l'âge. À savoir, ne pas avoir trop de contraintes et d'impératifs matériels : "On est peu dépensier et on peut se permettre de vivre avec 500 euros par mois. C'est rarement le cas des personnes plus expérimentées."
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Tirer profit de l'expérience
Malgré ces deux belles success stories, ces jeunes dirigeants ont connu certains écueils du fait de leur jeunesse. Notamment dans la méconnaissance du monde des affaires et de l'entrepreneuriat: "Au départ, on se perd avec les différents acteurs à solliciter : la CCI, le greffe du tribunal de commerce, les banques... ", confesse Aurian de Maupéou.
Cette inexpérience fut également prégnante au cours des premières démarches de prospection commerciale de l'entreprise. Sa création convergeait alors avec la libération du marché de l'énergie, à l'été 2007, et l'apparition de grands acteurs tels que Direct Energie ou encore Poweo. Problème de taille, le jeune dirigeant ne réussissait pas à rentrer en contact avec ces grands comptes : "Il nous a fallu trois années pour y parvenir. Ils ont dû certainement penser que nous étions des petits clowns en recevant nos premières propositions !", poursuit le chef d'entreprise, insistant sur le manque de crédibilité d'un jeune entrepreneur à ses débuts.
Il tire enfin une leçon de cette expérience : un jeune dirigeant doit se montrer persévérant afin de construire et soigner une image de marque. À la fois de l'entreprise, mais surtout de soi-même.
Maxime Valette estime, quant à lui, que le manque de confiance en soi constitue la difficulté majeure pour entreprendre jeune. Mais prodigue un conseil à tout porteur désirant se lancer : "Il ne faut pas se démoraliser dans le cas où la première idée, aussi bonne soit elle, n'a pas marché. VDM n'est pas un succès soudain. Il s'agissait de mon centième site !" souligne-t-il. Quand fougue et persévérance finissent par payer.
Témoignage
"J'ai galéré pendant des mois"
Guillaume Benech, p-dg L'petit mardi
À 18 ans, Guillaume Benech ne perd pas de temps et franchit les étapes à vitesse grand V. Patron de presse alors qu'il passera le bac en juin prochain, son magazine culturel papier, L'petit mardi, écrit par des jeunes pour des jeunes, a été lancé en kiosque en septembre 2017. Le jeune adulte s'est lancé tête baissée dans l'aventure: "J'ai commencé mon projet à 12 ans, l'association à 14 ans et l'entreprise à 16 ans. Je ne me suis jamais posé de questions. Je ne me suis jamais dit que je n'avais plus envie, que j'avais besoin d'argent pour vivre. J'ai la chance de pouvoir vivre chez mes parents. Quand on est jeune, il est possible d'entreprendre sans attendre tout de suite un retour sur investissement."
Non sans quelques écueils : "Je n'ai jamais eu de cours théoriques sur l'économie, le management et l'entrepreneuriat. Se retrouver dans le bain, gérer une équipe de 25 personnes, faire face au business model, au business plan, à la comptabilité, l'administratif, les demandes de subvention... j'ai galéré pendant des mois sur ces questions, même si je suis de plus en plus à l'aise."
Encore en phase d'apprentissage de l'entrepreneuriat, Guillaume se nourrit de rencontres avec des chefs d'entreprise plus expérimentés : "J'essaye vraiment de comprendre leur business model, leur fonctionnement, leur stratégie. Pour que mon entreprise devienne pérenne et totalement rentable. Il faut être une vraie éponge et récupérer toutes les informations partout pour pouvoir construire un projet viable", affirme-t'il.
Sans toutefois oublier les préoccupations de son âge, même s'il s'avère complexe de mener de front vie professionnelle et personnelle : "J'ai 18 ans, j'aime sortir et voir mes potes. C'est tellement problématique de trouver du temps, ce sera difficile de m'organiser tant que je serai au lycée. Je me couche tard le soir et je dors très peu. Mais à présent, j'ai pris le rythme", conclut-il.
Repères
L'PETIT MARDI
Activité : Presse
Siège social : Rouen (Seine-Maritime)
Année de création : mars 2017
Statut juridique : SAS
Dirigeants : Guillaume Benech, p-dg, 18 ans. Antonin Assié, dg, 18 ans.
CA 2017 : 100 k€ (prévisionnel)
Effectif : 25 collaborateurs ponctuels