DossierTrois pistes pour faire décoller votre trésorerie
1 - Trésorerie : apprenez à piloter votre entreprise en mode cash
Avant de rechercher des solutions coûteuses à l'extérieur, assurez-vous d'avoir exploré tous les gisements de cash que recèle votre entreprise. Voici quelques conseils pour rapatrier vos créances au plus vite et reporter les décaissements au plus tard.
Chez JMC, société de terrassement et de mise à disposition de matériel de travaux publics avec chauffeur (45 salariés, 7,2 millions d'euros de chiffre d'affaires), située au Rove, la relance clients, c'est l'affaire du p-dg, Éric Catellani. " Dès que j'ai un peu de temps, au quotidien, je regarde ma "Chrono clients", où sont pointés les règlements mois par mois, chantier par chantier, et je décroche mon téléphone. Ensuite, nous envoyons une première relance, puis une deuxième, et ainsi de suite. " Pour ce chef d'entreprise, le contact téléphonique est prioritaire. Il permet le dialogue sans mettre en péril la relation qu'une lettre, expédiée seule, pourrait fragiliser. JMC évite ainsi l'erreur de certaines entreprises qui se refusent à faire pression sur leurs clients retardataires, de peur de compromettre leur relation commerciale.
Accélérer les encaissements
" Suivre l'encours client au quotidien est fondamental, estime Laurent Borg, qui dirige le cabinet d'expertise comptable Julien et associés, près d'Aix-en-Provence. Mais beaucoup de PME n'ont pas de directeur administratif et financier, et le dirigeant ne peut y consacrer tout son temps. D'où l'importance de désigner une personne pour s'acquitter des relances, mettre en place des procédures régulières, ainsi que des tableaux de bord de suivi des équilibres financiers (clients, fournisseurs, trésorerie...). "
Pour sa part, Jean-Marc Eyssautier, vice-président du Conseil supérieur de l'ordre des experts comptables, en charge des marchés professionnels, suggère d'organiser des relances automatiques : " Certaines entreprises ont pour principe de ne payer qu'à la première ou à la deuxième relance. Dans tous les cas, il ne faut surtout pas trop attendre : psychologiquement, une créance trop ancienne devient irrécouvrable, plus personne n'y croit. " Des mesures incitatives peuvent aussi être proposées : une baisse de prix si le paiement intervient la première semaine, par exemple. " Une réduction qui doit être plus importante que le loyer de l'argent ", précise Jean-Marc Eyssautier.
Mettre en place une politique de paiement d'acomptes a également un effet immédiat sur la trésorerie. " De même que facturer la prestation à l'avancement, recommande Laurent Borg, du cabinet Julien. Les entreprises du BTP pratiquent ainsi le paiement par tranches. " Et si vous proposez des prestations récurrentes, il peut être intéressant d'instituer des abonnements et d'opter, dans ce cas, pour le prélèvement automatique.
Proposer des traites à son client constitue aussi une solution : il s'agit d'une lettre de change que la banque escompte. C'est un procédé peu coûteux et plus facile à obtenir qu'un découvert. " Découvert qu'il vaudra d'ailleurs mieux négocier quand la trésorerie est positive que lorsque l'on en a besoin ", recommande l'expert. Enfin, n'attendez pas d'être en difficulté pour recourir aux procédures amiables, voire contentieuses (mises en demeure, injonctions, huissier...). Et ce, même si elles sont très délicates commercialement. " Il vaut parfois mieux aller à la rupture que ne pas être payé ", reprend Jean-Marc Eyssautier.
Si le poste clients constitue le moteur principal de la trésorerie, il existe d'autres leviers à actionner pour faire rentrer du cash. Passez notamment en revue vos créances fiscales. L'État est loin d'être un débiteur exemplaire et renâcle souvent à payer ses dettes en temps et en heure... Lorsque vous avez des remboursements d'IS ou de TVA en cours, par exemple, n'hésitez pas à relancer le SIE (Service des Impôts des Entreprises) pour les faire accélérer. Sans réclamation, l'opération peut prendre 11 mois !
Retarder les décaissements
Bien entendu, le premier réflexe pour éviter de creuser le trou de votre trésorerie est de faire languir vos fournisseurs, comme font vos propres clients. C'est de bonne guerre, mais plutôt risqué si le rapport de force est en faveur de vos créanciers. Ils pourraient, en effet, vous blacklister. La négociation reste la méthode la plus sûre. Et, pour cela, disposer d'un acheteur rompu aux bras de fer avec les prestataires est au moins aussi utile qu'un bon commercial. " La fonction achats constitue une vraie force dans l'entreprise ", remarque Jean-Marc Eyssautier, qui préconise de se rapprocher d'autres PME pour effectuer des achats mutualisés, offrant un pouvoir de négociation plus important.
Deuxième poste à analyser pour éviter les décaissements intempestifs : le stock ! Sans aller jusqu'à la rupture, il faut réfléchir à une meilleure rotation des produits. " Grâce aux outils informatiques, il est possible de réaliser des études et des statistiques sur la popularité, les marges, la péremption de chaque produit, analyse Jean-Marc Eyssautier. Dans le cas où une entreprise a plusieurs points de vente, elle peut décentraliser ses stocks. Réaliser des opérations de déstockage à prix coûtants peut aussi permettre de faire entrer de la trésorerie immédiatement pour réinvestir dans une marchandise mieux adaptée. "
Enfin, vous pouvez également diminuer le poids de votre masse salariale, le cas échéant, en ayant recours au chômage partiel. Un dispositif qui permet aux entreprises confrontées à des difficultés économiques de réduire ou de suspendre temporairement leur activité, tout en assurant aux salariés une indemnisation compensatoire.
Actionner des leviers financiers
Quand on dispose d'une trésorerie fluctuante, il faut aussi savoir utiliser les bons instruments financiers pour la lisser : anticiper les creux pendant les périodes fastes et vice-versa. " Le placement d'excédents de trésorerie sur des supports sécurisés et rapidement mobilisables de type dépôts à terme (3 à 36 mois, 0,2 % à 3 % d'intérêts selon les banques et les durées de placement) permet de couvrir les frais bancaires ", explique Laurent Borg (cabinet Julien). Ce dernier préconise de fonctionner avec deux ou trois banques en ayant un compte principal pour la TVA et les charges, et un compte secondaire pour le reste. L'intérêt est subtil : " Les banques sont gérées par des êtres humains avec lesquels il vaut mieux bien s'entendre. Elles pratiquent le turnover notamment pour éviter que le facteur humain prenne le pas sur la relation commerciale. Avoir plusieurs banques multiplie les chances d'entretenir de bonnes relations avec son banquier. "
Cela dit, malgré l'importance des facteurs subjectifs, vos interlocuteurs financiers sont avant tout des hommes de chiffres, et ils passeront votre bilan au peigne fin avant de décider, ou non, de vous accorder des prêts. Ainsi, la courtoisie de votre banquier est souvent indexée sur votre ratio dette/ fonds propres : plus il est faible, plus votre banquier sera aimable. Autrement dit, si vous voulez accroître votre capacité d'endettement, pensez aussi à augmenter vos fonds propres, comme le conseille Lauren Borg : " Depuis 2009, je préconise de monter les bénéfices affectés aux réserves en capital. Ceci a pour effet - je l'ai vérifié - non seulement de rassurer les partenaires (fournisseurs, clients, banques), mais aussi de favoriser sa capacité d'emprunt. Par ailleurs, le montant du capital, c'est aussi le gage des créanciers, au premier rang desquels la banque. Enfin, il constitue un signe fort : j'augmente mon capital, je crois en mon entreprise, vous pouvez me faire confiance. "
En dernier recours, vous pouvez aussi étudier l'opportunité d'une opération de "sale and lease-back". Cela consiste à vendre un actif et à le récupérer en location pour une longue durée : " Je cède à une banque l'immeuble dont mon entreprise est propriétaire, j'encaisse le prix de la vente pour dégager de la trésorerie, et je prends une LOA dessus (un crédit-bail immobilier) ", schématise Laurent Borg. Mais attention aux conséquences à long terme de cette décision stratégique. La vente de votre actif peut vous rapporter de l'argent frais immédiat, mais vous condamne à grever vos résultats futurs par de nouvelles charges locatives.
Vidéo : les solutions de financement des besoins de trésorerie à court terme
- Pour accélérer les encaissements de vos créances clients, mettez en place des relances automatiques et des mesures incitatives au paiement avant échéance.
- Autre levier pour préserver votre cash : reportez au plus tard vos décaissements en négociant des conditions plus favorables avec vos fournisseurs et en gérant votre stock au plus juste.
- Suivez de près vos ratios financiers pour obtenir les meilleures conditions de prêt avec vos banquiers, et étudiez aussi l'intérêt de certaines opérations génératrices de cash comme le "sale and lease-back".