"Chez Fauchon, j'ai compris le métier de chef d'entreprise"
Christophe Adam, chef de Dépôt Légal et Dg de l'Eclair de Génie
Christophe Adam alimente lui-même son fil Instagram, il répond aussi aux messages des abonnés, il assure les rendez-vous avec Monoprix pour négocier la distribution de nouvelles références (tablettes de chocolat, mousses au chocolat)... Il est ainsi, il gère tout - ou presque - lui-même. "Quand on a envie de se développer et qu'on est très créatif, ça offre une certaine liberté", estime le fondateur de l'enseigne L'Éclair de Génie. Aussi, à la supervision de la production, s'ajoutent les recrutements, les commandes...
"Je signe toutes les factures de l'entreprise. J'ai un regard sur tout, coûts comme rendements. Créer un produit qui n'a pas la bonne marge ou qui est mal ciblé, c'est inutile." Et une fois par semaine, chaque collaborateur des postes clés (création, boutique, production, comptabilité) lui présente un bilan.
La méthode Adam est similaire qu'il s'agisse des magasins ou des restaurants Dépôt Légal. "Je suis très content d'avoir vécu plusieurs années chez Fauchon pour bien comprendre ce que pouvait être le métier de chef d'entreprise. On m'a donné l'occasion de beaucoup déménager, de changer de laboratoire assez souvent, de mettre la tête dans les chiffres, de bien comprendre comment fonctionne une entreprise. J'étais prêt à être un futur chef d'entreprise. Mais c'est un vrai métier."
Si sa carte de visite indique Dg, lui ne se sent pas comme tel, mais bien comme un chef d'entreprise. Un Dg, il en espère un pour l'horizon 2021-2022.
Christophe Adam
Éclair de Génie : Création en 2012
Dépôt Légal : Création en 2017 (3 restaurants à Paris)
Effectif total : 65 personnes
"J'ai évolué avec l'entreprise et mes collaborateurs"
Cyril Lignac, chef et chef-pâtissier
Evoqué en chiffres, le groupe Lignac donne le tournis : quatre restaurants, un bar à cocktails, cinq pâtisseries, une chocolaterie, un atelier de création, une société de production audiovisuelle, 2 millions de followers sur les réseaux sociaux... Pour le célèbre chef, l'évocation de son groupe provoque d'autres sentiments, peut-être tout aussi étourdissants : "Je dirais responsabilité et fierté. "Responsabilité" des 150 collaborateurs qui nous font confiance et qui sont impliqués dans l'entreprise ; "Responsabilité" également de la qualité des produits et du service rendu à nos clients. Et "fierté" d'être un groupe indépendant et d'avoir une pleine liberté de développement ; "Fierté" de mes équipes et de mes établissements."
Entré à l'école hôtelière à 16 ans, Cyril Lignac passe un CAP de cuisine, puis de pâtisserie. Et déjà, les choses lui apparaissaient clairement : "C'était important pour moi d'avoir les deux formations car je souhaitais maîtriser l'ensemble du menu, de l'entrée jusqu'au dessert. J'avais l'ambition de devenir chef et d'ouvrir un jour mon propre restaurant." Voeu exaucé, fois quatre et même plus !
Avec, tout le long de l'aventure, une certaine impression de progression : "J'ai évolué avec mon entreprise et mes collaborateurs. Plus l'entreprise se développait, plus je pouvais prendre de la hauteur et avoir une vision stratégique sur le long terme."
Vers où ? Bouillonnant d'idées, le chef essaie d'avoir un "coup d'avance", de travailler constamment sur un nouveau projet tout en bâtissant une entreprise pérenne. Et d'avouer : "un développement à l'international reste l'un des sujets qui me séduisent le plus."
Cyril Lignac
4 restaurants : Aux Prés (6e), Le Bar des Prés (6e), Le Chardenoux (11e) et très prochainement Ischia (15e) ; 1 bar à cocktails : Dragon (6e) ; 5 boutiques La Pâtisserie Cyril Lignac (6e, 11e, 15e, 16e, 17e)
150 collaborateurs
CA 2019 NC
"Le bel ouvrage, c'est ce qui m'a toujours porté"
Philippe Etchebest, chef du Quatrième Mur, Brasserie et "LA" Table d'Hôtes
"L'inquiétude ne m'a jamais compliqué la vie." Lorsque Philippe Etchebest lance cette affirmation, on le croit sur parole, tant l'homme dégage une forme de confiance. Sans prétention. Celle qui rassure. Et c'est d'ailleurs ce que dit de lui son entourage: "On dit que je suis à l'écoute, qu'on peut avoir confiance en moi. Ça tombe bien parce que j'ai confiance en moi aussi", plaisante-t-il.
Un tempérament de fonceur, un état d'esprit positif, le chef bordelais s'est toujours fixé ses challenges à son rythme et à sa façon. Inspiré par l'acharnement au travail qui caractérisait son père, restaurateur, il fait le choix de la cuisine. Quand arrive le moment de prendre les commandes de sa propre maison, toujours pas d'inquiétude. "Même en tant que salarié, j'ai toujours eu cette démarche de gérer comme si c'était mon propre restaurant, cette volonté de faire attention, d'être sensible aux problématiques de gestion."
Ce n'est pas pour autant qu'il considère évident d'être aussi bon chef que chef d'entreprise. "Parfois les deux s'opposent. [...] Mais des points communs existent, comme la gestion d'une équipe, l'exigence envers soi, la prise de risque en changeant de carte ou de stratégie."
Soucieux des difficultés de recrutement du secteur, l'entrepreneur met à profit son expérience pour accompagner et transmettre à travers ses activités : avec ses propres apprentis, dans les programmes TV qu'il anime ou sa chaîne YouTube (programme Mentor).
Loyal envers Bordeaux, il est fier de ce qu'il y a entrepris, sa brasserie et la table d'hôtes. D'autant plus que cette dernière a été lancée "avec des gars qui n'avaient jamais fait de gastronomique et m'avaient dit "on ne va pas y arriver"." Il suffisait pourtant juste de faire confiance, c'est aujourd'hui la première table d'hôtes étoilée au monde dans une brasserie.
4ème Mur
Bordeaux (Gironde)
Philippe Etchebest
SARL > Création en 2015 > Effectif : environ 60 collaborateurs
CA 2019 NC
Et les étoiles dans tout ça ?
Si sa parution reste synonyme d'événement, le guide Michelin est en perte de vitesse. Les ventes sont en berne - moins 70 % en 12 ans - et certains chefs remettent en question le système. Des polémiques ont entaché l'image du livre rouge, comme l'affaire Marc Veyrat ou le retrait d'une étoile au restaurant de Paul Bocuse.
Mais le palmarès annuel demeure un formidable coup de projecteur pour les professionnels primés, engendrant 20 à 30 % de réservations en plus. L'occasion aussi de réviser les tarifs et de se voir offrir de nouveaux contrats de partenariats.
Après l'obtention d'une étoile pour son comptoir à sushis, Yannick Alléno l'admet : "Ça permet de booster la communication." Et pour ce "mec de banlieue qui crée un truc qui tient à peu près la route", l'édition 2020 a réservé un vrai tremplin : le Pavillon Ledoyen devient le premier établissement indépendant à regrouper trois restaurants récompensés par le guide.
Un exploit qui émeut le chef, qui remercie ses équipes d'exception en cuisine et en salle. Autre performance de la dernière cuvée : les deux étoiles confirmées pour Stéphanie Le Quellec, à La Scène (Paris 8e), après quatre mois d'ouverture !
Une prouesse que la cheffe dédie également à ceux qui l'entourent. "Ils m'ont fait confiance, ils ont sauté dans le vide avec moi, ils n'ont pas compté leurs heures, ni leur sueur, et ensemble nous l'avons fait ! Raccrocher ces deux étoiles qui furent filantes bien malgré nous, je suis si fière de leur rendre le fruit de leur travail acharné !", partage sur Instagram celle qui s'est fait connaître du grand public en remportant Top Chef 2011. Un discours inspirant pour bien des chefs d'entreprise.
Les plus
Le secteur, attractif, bénéficie d'un rayonnement international.
Il y a encore de nouvelles perspectives culinaires à investir.
Les moins
Le secteur est confronté à des difficultés de recrutement et de fidélisation.
La gestion de l'image est permanente et reste délicate.
(1) Cumule restauration et hébergement. Source : Banque de France, 2019
(2) Le Grand Livre du marketing culinaire, Virginie Brégeon de Saint-Quentin et Brian Lermercier. Dunod, 2019.
(3) Données Emerige
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