[Reportage] La chaude fin d'année du chocolatier de la Reine Astrid
L'approche des fêtes signe la dernière ligne droite de l'année pour les chocolatiers. À la Reine Astrid, le patron, Christophe Bertrand, tente de régler les problématiques de dernière minute. En 2022, malgré la crise du cacao, son chiffre d'affaires égalera celui de l'année précédente.
Je m'abonneDes moments difficiles
Le 19 décembre au matin, un de ses employés s'est brûlé la main en prenant une décharge électrique dans sa boutique de Meudon. "Ça m'inquiète, car a priori sa main a noirci. Mais j'ai été rassuré au téléphone", confie-t-il en entrant dans sa boutique laboratoire de Savigny-sur-Orge.
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Et ce n'est pas tout ! Le chef d'entreprise s'est récemment rendu compte qu'un de ses employés volait dans la caisse. "Je vais attendre la fin des fêtes pour me séparer de cette personne. Il ne faut pas qu'en plus, cela impact nos ventes de fin d'année, se désole Christophe Bertrand. En un an, c'est le troisième employé que je remarque en train de me voler".
Pour faire face, le chocolatier tente d'engager ses collaborateurs. Ainsi, il s'associe avec ses salariés pour un euro symbolique. "Je le fais dans les petites boutiques en leur rétribuant 50 % des parts. Cela permet de les impliquer plus", assure l'entrepreneur. Sur huit boutiques, quatre d'entre elles suivent ce modèle. "Cela concerne les boutiques dans lesquelles les locaux sont les moins chers", précise-t-il.
Transformer et fabriquer
La Reine Astrid fait partie des 100 chocolatiers en France qui transforment leurs fèves de cacao en chocolat. Le processus est réalisé dans le laboratoire attenant à la boutique. "Ici, nous réalisons la cuisson des graines, nous séparons la peau des fèves et nous les broyons avec des roues en pierre", explique le chocolatier.
Pour minimiser les pertes, l'entreprise utilise les peaux pour faire des tisanes au goût de cacao, ou simplement pour s'en servir d'engrais.
Préparer Noël malgré tout
Si Noël et Pâques sont les périodes les plus intenses en chocolaterie, les produits sont préparés largement en amont... En témoignent les étagères bien fournies du labo et de la réserve au premier étage.
"Les chocolats de Noël sont fabriqués en mai, juin et juillet. Je sors donc de la trésorerie en été pour me rembourser en décembre. En général, je suis à moins 150 000 euros entre août et décembre", précise-t-il café en main. Mais depuis qu'il a obtenu un PGE, le dirigeant parvient à sortir de ce schéma. "Il me reste 300 000 euros à rembourser PGE compris. Dans trois ans, je pense avoir terminé dans trois ans", s'exclame-t-il.
Recruter au conditionnement
Pour épauler ses équipes, La Reine Astrid recrute trois collaborateurs supplémentaires durant les périodes de rush. "Ce sont des contrats saisonniers et presque chaque année les mêmes personnes, explique-t-il. Ils nous aident sur la partie conditionnement".
Actuellement, la hausse du prix d'énergie a directement impacté les résultats de l'entreprise. "Sur les 60 000 euros de bénéfice, nous perdons 15 000 euros à cause de la hausse des prix", remarque l'entrepreneur.
Si cette augmentation ne met pas en péril son activité, il se désole du cours de sa matière première : "Contrairement au reste, le cacao n'a pas augmenté et c'est bien triste, s'exclame-t-il. C'est désolant, car en Afrique, les producteurs se rémunèrent moins du fait de l'explosion des prix des produits de culture".
Chocolatier engagé
Afin de contrecarrer cette tendance, Christophe Bertrand a fondé l'association Chocolatiers Engagés, qui vise à rémunérer les producteurs de cacao. L'initiative compte une centaine d'adhérents. "Nous incitons les cacaoculteurs à faire fermenter leurs graines pour qu'elles révèlent davantage leurs arômes. Ensuite, nous aidons à créer des coopératives. L'association augmente aussi le prix d'achat. Nous sommes l'équivalent de la marque C'est qui le Patron ?! dans le domaine du cacao", définit-il.
Lui, a pris parti de développer le cacao camerounais face à la popularité du cacao d'Amérique latine. Cette initiative aurait permis de passer à travers la crise du cacao. "Cette crise ne nous touche pas. Nous nous manquons de cacaoculteurs, pas de cacao. Alors pour encourager la croissance d'un cacao durable au Cameroun, j'y vais trois fois par an et j'ai emmené plus de 50 confrères afin de leur montrer notre matière première et ce que nous faisons là-bas", affirme-t-il. Dorénavant, l'entrepreneur y emmène des meilleurs ouvriers de France comme Jean-Paul Hévin, Nicolas Cloiseau ou Nicolas Bernardé. La mission, à présent, serait d'exporter le modèle au Bénin, au Togo et au Congo.
2022, une bonne année ?
À la veille de Noël, l'heure et déjà au constat pour l'année 2022. "Il y a encore beaucoup d'interrogations. C'était une année particulière. Nous avons accueilli deux ukrainiennes dans notre laboratoire, retrace Christophe Bertrand. Mais ce n'est pas la première crise que nous traversons. Et lorsque ça va mal, on se rassure en mangeant du chocolat !" Le chocolatier devrait clôturer l'année avec le même chiffre d'affaires qu'en 2022. En attendant, les livraisons s'enchaînent...
Pdg : Christophe Bertrand (59 ans)
SARL Bellevue et compagnie / Enseigne La Reine Astride
Fondation en 1935 et reprise en 2008 > 25 salariés
Savigny-sur-Orge (Essonne)
CA 2022 : 2 millions €
CA 2021 : 2 millions €
CA 2019 : 1,5 million €