Legaltech, l'avenir des services juridiques des PME
Information juridique, rédaction de contrats, saisine du tribunal, financement des actions en justice... Les petites entreprises peuvent désormais se passer d'avocats pour certaines problématiques juridiques. L'alternative : les legaltech, des start-up du droit qui chamboulent ce secteur traditionnel.
Je m'abonne La santé avec les medtech, le marketing avec les martech, la banque avec les fintech... Les secteurs assistent, un à un, à l'arrivée d'entreprises disruptives. Même le droit est en voie d'ubérisation. Depuis quelques années, les legaltech bousculent les professions juridiques, suivant un mouvement initié il y a 15 ans aux États-Unis avec l'apparition de start-up comme Legal Zoom, Rocket Lawyer ou Lawcracy. Et, au regard des 250 millions de dollars de chiffre d'affaires affiché par la première en 2013, leur réussite ne pouvait qu'inciter l'essor d'entreprises semblables en France.
Seules 9 % des TPE-PME parisiennes disposent d'un service juridique interne
Aujourd'hui, elles sont plus de 3 000 outre-Atlantique, déjà une soixantaine dans l'Hexagone. Leur pari : rendre le droit plus accessible grâce à Internet. Leur cible : les particuliers, mais aussi les TPE et PME. D'après les résultats d'une étude Ifop pour le barreau de Paris, réalisée en novembre 2015, 59 % de ces dernières n'ont en effet jamais eu recours à un avocat.
"Les dirigeants de petites entreprises sont perdus face aux questions juridiques quotidiennes. À qui doivent-ils s'adresser, leur expert-comptable ou leur avocat? À qui peuvent-ils faire confiance? Pour quel tarif? Cela les pousse souvent à se débrouiller seuls, ce qui présente des risques" , estime Maxime Wagner, cofondateur de Captain Contrat, une legal start-up. Avec des besoins en conseil et en services récurrents, sans être toujours dotés de services adéquats en interne, les TPE et PME représentent en effet une manne intéressante de clients.
Une offre en phase avec la demande
"Ces plateformes répondent à une évolution des attentes en venant capter une clientèle qui a un besoin juridique, mais qui souhaite un service compréhensible à un prix accessible", commente Blandine Jugé, auteur de "Comment la digitalisation démocratise l'accès au droit". Honoraires élevés et parfois opaques des avocats, lourdeurs et lenteurs des démarches, difficulté d'accès à l'information, incompréhension des données juridiques... Autant de complexités qui servent aujourd'hui l'activité et l'essor des legaltech.
22 % des dirigeants de PME souhaiteraient profiter de conseils juridiques
Ces dernières interviennent sur toute la panoplie des services juridiques : de l'information aux procédures judiciaires en passant par la création de documents administratifs et le financement. La start-up Mon code juridique, par exemple, propose, depuis 2013, un accès à l'intégralité des codes et de la jurisprudence en version numérique. Les sites comme Captain Contrat, Legalstart ou Legalife mettent à disposition des plateformes de création de documents juridiques automatisés et personnalisables, et incluent, pour certains, l'intervention d'un avocat dans ce processus d'édition des contrats. AlterLitigation et Wejustice se sont, elles, lancées sur le créneau du financement des actions judiciaires. La première, via un fonds d'investissements qui permet aux entreprises d'externaliser le paiement de leurs contentieux, la seconde, via une plate forme de crowdfunding. Quant à Demanderjustice. com ou SaisirPrudhommes. com, elles permettent de saisir le tribunal, en ligne, et sans intervention d'un avocat.
Un périmètre limité
"Grâce à l'automatisation et à l'utilisation de l'intelligence artificielle, ces entreprises réduisent le coût humain pour les petits litiges ou les documents basiques et proposent ainsi ces services, à plus faible valeur ajoutée, à des tarifs bien plus intéressants", indique Blandine Jugé. Elles sont néanmoins limitées dans leur activité et ne peuvent ni proposer un service de conseil juridique, ni toucher de commission sur les honoraires des professionnels mis en relation avec leurs clients via les plateformes, ni "noter" un avocat, et doivent assurer la confidentialité des échanges entre les clients et leurs conseillers.
Le tout, sous peine de poursuite judiciaire. Demanderjustice.com vient ainsi d'être relaxé, début avril, par la cour d'appel de Paris, suite à des poursuites initiées par des avocats pour "exercice illégal du droit". Le site avocats.net a, lui, dû changer de nom suite à une assignation en justice du Conseil national des barreaux.
L'industrie du droit représente 24 Mds€ et pour les entreprises : 10 Mds€
Mais malgré ces contraintes, les opportunités du secteur restent nombreuses pour les acteurs, nouveaux arrivés ou anciens. En témoignent les 600 % de croissance enregistrée en 2015 par Legalstart et les 500 % de Captain Contrat. Et les évolutions à venir, portées par le développement de la blockchain, devraient renforcer cet élan. Ce système de stockage et de transmission d'informations, transparent et sécurisé, contient l'historique de tous les échanges effectués entre ses utilisateurs. Il permet ainsi d'effectuer des transactions, mais aussi de les enregistrer de manière irréversible. Jusqu'ici, l'enregistrement et la conservation des documents officiels étaient exclusivement réservés à l'État et aux notaires. Voici donc encore un monopole que les legaltech, grâce à la blockchain, pourraient, dès demain, disrupter.
Le témoignage de Paulin Dementhon, président de Drivy
" On gagne du temps pour nos travaux juridiques quotidiens "
Entre 2014 et 2015, Drivy est passé de 32 à 58 collaborateurs. Un doublement des effectifs qui n'est pas sans conséquences pour la société, qui fête ce mois-ci ses six ans d'existence. Surtout qu'elle ne dispose pas d'équipe RH en interne. "Nous sollicitons nos avocats sur des sujets de fond ou des projets à long terme comme des rachats d'entreprise, des augmentations de capital ou des levées de fonds, mais pas pour les questions juridiques du quotidien", confie Paulin Dementhon, son président. Alors, pour ces derniers, l'entreprise fait appel, depuis deux ans, à la legaltech Captain Contrat. "C'est rapide, facile et on gagne du temps pour la création des différents documents comme les contrats de travail, les avenants, etc.", indique le dirigeant. Ses atouts : une plateforme simple à utiliser, un réseau d'avocats réactifs, et un intermédiaire qui fait office de tiers de confiance. Au point que Drivy réfléchit en ce moment à un partenariat avec la start-up pour développer un projet d'accompagnement destiné aux loueurs particuliers qui souhaitent créer leur propre entreprise et aux professionnels utilisateurs de la plateforme. "Ils ont besoin de conseils juridiques spécifiques et personnalisés, avance Paulin Dementhon . Nous pensons que c'est une bonne solution pour eux, avec sa simplicité d'utilisation."
Fiche repères:
Activité: Location de voitures entre particuliers
Ville: Paris (IIe arr.)
Dirigeant: Paulin Dementhon, 38 ans
Forme juridique: SAS
Année de création: 2010
Effectif: 58 salariés
CA 2015: NC