Patrick Mouratoglou (coach de tennis et entrepreneur) : "Je pense qu'il faut vivre avec son temps"
À l'âge de 16 ans, son rêve de devenir champion de tennis s'arrête. Qu'à cela ne tienne, des années plus tard, il sera reconnu quatre fois meilleur coach du monde. Celui que l'on surnomme The Coach doit sa réussite à sa célèbre collaboration avec Serena Williams et à un palmarès impressionnant. Rencontre.
Je m'abonne(NDLR : interview réalisée pour le numéro juin/juillet de Be a Boss magazine)
Au moment où nous écrivons ces lignes, vous venez d'ouvrir un nouveau Mouratoglou Tennis Center, quelle est la vocation de vos centres ?
Les Mouratoglou Tennis Centers s'adressent aux clients de resorts prestigieux qui souhaitent vivre une expérience unique autour du tennis. Nous avons à ce jour un centre à Dubaï, un autre en Grèce et, plus récemment, un nouveau en Sardaigne. Ces offres s'ajoutent au Mouratoglou Tennis Programme en partenariat avec Epsom College que nous avons ouvert en Malaisie et, évidemment, à la Mouratoglou Academy située sur la Côte d'Azur, qui regroupe plus de 200 élèves à plein temps en tennis-études et qui propose des stages ouverts à tous toute l'année.
Quels sont les critères pour intégrer la Mouratoglou Academy en tant qu'élève ?
Le processus de sélection pour intégrer l'école est assez poussé. Il repose sur des tests physiques, tennistiques et scolaires. Les places étant très limitées, nous ne retenons que les meilleurs profils. Ensuite, tout au long de l'année, chaque élève est suivi et évalué selon sa singularité car nous avons l'ambition de hisser le jeu tennistique de nos athlètes au plus haut niveau. Pour une immersion totale dans le monde de la compétition, 15 à 20 tournois sont organisés chaque saison, tout en garantissant le maintien du rythme scolaire.
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Le sport est souvent porteur de valeurs fortes, quelles sont celles de Patrick Mouratoglou ?
Le travail est pour moi une valeur fondamentale, vient ensuite la capacité à se remettre en question, c'est indispensable pour avancer. Puis, la résilience compte et bien sûr l'ambition, même si elle est très mal vue en France. Si on regarde les joueurs étrangers, ils sont nourris à l'ambition et grandissent avec une image positive de la réussite. À la Mouratoglou Academy, j'ai fait écrire sur un mur la phrase "All it takes is a dream". Elle est importante pour moi parce qu'elle rappelle que c'est le début de tout. La suite dépend de la passion des élèves, de leur détermination, et surtout de leur investissement au quotidien.
Tous les élèves que vous formez n'ont pas la capacité à devenir champion du monde, quelles sont les alternatives qui s'offrent à eux le cas échéant ?
Selon moi, les leçons dispensées n'ont pas vocation à servir uniquement les champions. Au sein de l'Academy, nous confrontons les élèves aux difficultés, à la douleur. Ils ont la pression des matchs, des résultats. Ils doivent se dépasser. Je suis fier de les voir progresser, évoluer et se forger avec le temps. Nous leur enseignons un dépassement de soi qui leur sera utile toute la vie, aussi bien sur le plan professionnel que personnel. Par ailleurs, nous avons également un service de placement universitaire qui assure à nos élèves d'avoir accès aux meilleures universités américaines et de décrocher le plus souvent une bourse d'études sur place.
Vous êtes à même de jauger au premier regard du potentiel d'un futur champion ; à quoi les reconnaissez-vous ?
Pour moi, l'essentiel ce sont les caractéristiques mentales. Les aptitudes physiques sont également importantes mais, en cas de carence, cela peut se travailler. L'inverse est moins évident.
Vous relancez UTS (Ultimate Tennis Showdown) à partir de cet été. Pouvez-vous nous en dire davantage sur cette compétition ?
UTS est un format hybride qui répond à une demande à laquelle le tennis traditionnel ne répond plus. Aujourd'hui, les jeunes se désintéressent de plus en plus des loisirs et des sports tels que nous avions l'habitude de les consommer. Chez les moins de 40 ans, plus personne ne regarde un match en entier. Ils préfèrent regarder des temps forts, plus courts. La moyenne d'âge pour les fans est de 61 ans et ils vieillissent chaque année un peu plus. À ce rythme-là, si nous ne nous réinventons pas, le sport risque de disparaître. Nous avons donc imaginé un tournoi qui répond à ces nouveaux modes de consommation.
Avec UTS, les jeux sont découpés en quart-temps de 8 minutes. Entre chaque quart-temps, les joueurs sont interviewés. Les temps morts sont donc beaucoup plus courts avec de l'action à chaque instant. Les seules choses que nous avons conservées sont : la taille du terrain, les balles et pour le reste tout est différent, surtout le temps. Nous avons même assoupli le code de conduite traditionnel pour que les joueurs puissent exprimer leurs émotions comme ils l'entendent. UTS passera par les États-Unis (20-23 juillet), l'Europe (14-17 septembre) et l'Asie ou le Moyen-Orient (du 30 novembre au 3 décembre). Enfin, la finale se déroulera du 7 au 10 décembre, en Asie ou au Moyen-Orient.
Quelles têtes d'affiche ont déjà signé pour participer à UTS ?
Après quatre saisons qui se sont jouées sans public, nous avons décidé de frapper un grand coup. Pour la première session qui se déroulera à Los Angeles, des joueurs comme Nick Kyrgios, Taylor Fritz, Diego Schwartzman ou encore Gaël Monfils ont été annoncés au moment où je vous parle. Les affrontements vont être passionnants à suivre !
Que pensez-vous des innovations et applications dérivées autour du sport ?
Je pense qu'il faut vivre avec son temps. Certaines applications peuvent même être un atout. Le meilleur exemple est celui de Sorare qui a donné envie aux fans de sport de suivre les différentes performances des joueurs et des équipes qu'ils aiment et donc de consommer davantage. C'est un bel exemple de complémentarité.
Vous venez de lancer votre première ligne de vêtements de sport au moment même où le prêt-à-porter est au plus mal, pourquoi ce choix ?
Cette collection, c'est avant tout une réponse à une demande forte de nos clients. Nous avons tout imaginé en interne et nous avons pu compter sur le soutien des équipes de mon ami Sébastien Bismuth, Pdg de Celio, qui partage les mêmes ambitions que moi : démocratiser et moderniser ce sport passionnant qu'est le tennis. La collection sera donc distribuée chez Celio, en plus d'être disponible à la Mouratoglou Academy et sur mouratoglou-shop.com.
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Avec cette collection, vous vous lancez également en tant que marque sur le circuit professionnel, c'est assez ambitieux, non ?
C'est vrai. Jérémy Chardy sera le premier joueur professionnel habillé en Mouratoglou. Vous pourrez le voir à Roland Garros. Toute mon équipe est fière du travail accompli pour que ce projet puisse voir le jour. En septembre, la collection viendra s'étoffer de modèles femmes et enfants.
Le sport et l'entrepreneuriat, la même école ?
J'en suis totalement convaincu. Je pense que c'est d'ailleurs pour cela que de nombreuses entreprises font intervenir des sportifs lors de différents séminaires. Nous aidons les joueurs à déployer leur potentiel comme les entrepreneurs et les managers aident leurs salariés à déployer le leur.
En ce sens, pour moi, les ponts entre ces deux univers sont évidents.