Le Brevet Unitaire, une alternative avantageuse pour les PME
Le Brevet Européen à Effet Unitaire et la Juridiction Unifiée apportent un nouveau souffle à la création industrielle. Ce nouveau système supranational a, en effet, vocation à promouvoir l'innovation à l'échelle européenne en facilitant l'accès à la protection aux petites et moyennes entreprises.
Je m'abonneVéritable outil démocratique d'accès à la protection des inventions, le Brevet Européen à Effet Unitaire (dit « Brevet Unitaire ») est entré en application depuis le 1er juin dernier, conformément aux dispositions du paquet réglementaire sur le brevet de l'Union européenne[1].
Des démarches administratives allégées
Le Brevet Européen, tel qu'instauré par la Convention de Munich de 1974, nécessite d'être enregistré et renouvelé auprès de chacun des Offices nationaux visés par la protection, une fois approuvé par l'Office Européen du Brevet (OEB). Face à des exigences nationales variables d'un pays à un autre, ces différentes procédures administratives peuvent se révéler particulièrement longues et fastidieuses. Par ailleurs, cette protection européenne conduit, non pas à la délivrance d'un seul et unique titre, mais en réalité à la création d'une multitude de brevets nationaux. Aussi, et contrairement au Brevet Européen dont la protection octroyée n'a pas d'effet automatique dans les 38 Etats partis à la Convention de Munich, le Brevet Unitaire est un brevet unique et identique valable dans les 17 Etats ayant ratifié le paquet réglementaire à ce jour, à savoir la France, l'Allemagne, l'Autriche, la Belgique, la Bulgarie, le Danemark, l'Estonie, la Finlande, l'Italie, la Lettonie, la Lituanie, le Luxembourg, Malte, les Pays-Bas, le Portugal, la Slovénie et la Suède. A terme, il est prévu que le Brevet Unitaire offre une protection pour 25 Etats membres de l'Union européenne.
Afin de faciliter les démarches administratives, l'OEB conserve son office de guichet unique puisque l'utilisateur doit suivre la même procédure centralisée que celle d'ores et déjà mise en place pour l'obtention du Brevet Européen auprès de l'OEB pour se prévaloir du Brevet Unitaire. C'est seulement au stade de la délivrance du brevet, après examen de la demande, que le titulaire du brevet pourra requérir auprès de l'Office l'effet unitaire du titre afin d'obtenir un Brevet Européen à Effet Unitaire.
Un coût financier réduit
Cette unicité du nouveau brevet européen, avec la simplicité procédurale qu'elle apporte, engendre de nombreux avantages pour les futurs utilisateurs de ce système.
Le premier étant la réduction considérable des coûts de la protection. En effet, non seulement aucune taxe n'est due pour la demande et l'inscription de l'effet unitaire, mais surtout, les taxes annuelles à régler à l'Office pour les 10 premières années de vie du Brevet Unitaire sont particulièrement intéressantes en ce qu'elles s'élèvent à moins de 5 000€. En outre, ce règlement n'est à intervenir qu'auprès de l'OEB directement, et non auprès de chaque office national, comme c'est le cas pour le Brevet Européen, pour lequel le système des taxes est fragmenté. Par ailleurs, pour certaines entités établies dans l'Union européenne, dont les PME, un système de compensation a été mis en place afin de couvrir les coûts liés à la traduction de la demande de brevet, requise lorsque la demande est déposée dans une langue autre que l'anglais, le français ou l'allemand. Ainsi, ce système unitaire a l'avantage d'être très abordable et rentable puisque plus le nombre de pays où le titulaire du brevet veut valider son brevet européen est élevé, plus les économies sont importantes s'il opte pour un brevet unitaire.
Une juridiction spécialisée
Jusqu'à présent, les litiges relatifs aux brevets européens étaient tranchés par les juridictions nationales compétentes pour chaque Etat où la protection était revendiquée. Le paquet réglementaire relatif au Brevet de l'Union européenne a mis un terme à ce système procédural coûteux. Ainsi, a été instaurée une Juridiction Unifiée du Brevet (dite « JUB »), composée d'un Tribunal de première instance, à Paris, et d'une Cour d'appel, à Luxembourg.
Désormais, cette juridiction supranationale a compétence exclusive pour connaître les litiges relatifs tant aux Brevets Européens qu'aux Brevets Unitaires. A cet égard, celle-ci aura le pouvoir de prononcer des dommages et intérêts pour des actes de contrefaçon couvrant les 17 Etats membres, alors qu'une juridiction nationale ne peut prononcer de telles sanctions que pour des actes de contrefaçon commis sur le territoire pour lequel elle a compétence. Enfin, outre une simplification procédurale et une réduction des frais de justice, cette juridiction unifiée va assurer une plus grande sécurité juridique pour les déposants et titulaires en dégageant une jurisprudence harmonisée en matière de contrefaçon et de validité des brevets.
Une unification à la faveur des PME non dénuée de risque
Toutefois, ce titre de propriété industrielle unifié et, en particulier, cette juridiction unique, peuvent s'avérer dangereux dans l'éventualité où cette dernière prononcerait une décision défavorable concernant un brevet, dans la mesure où cette décision aurait vocation à s'appliquer uniformément à l'ensemble des 17 Etats membres.
Ainsi, certaines entreprises, ayant les ressources humaines et financières suffisantes, pourraient stratégiquement préférer assumer les taxes des 17 Offices nationaux afin d'éviter de soumettre leur titre de propriété industrielle à une seule et unique juridiction ayant le pouvoir de faire tomber leur droit sur l'ensemble des territoires couverts. Dans ce cas de figure, ce sont surtout les grandes structures, habituées à cette gymnastique administrative et procédurale, qui disposeront des moyens humains et financiers afin de privilégier cette alternative.
À l'inverse, les entreprises de taille plus modeste, disposant de moindres ressources, misent volontiers sur ce nouveau dispositif à effet unitaire qui leur permet d'accéder à une protection suffisante pour un coût raisonnable, couvrant de surcroît un vaste marché et partant, de bénéficier d'une plus grande sécurité juridique.
[1] Règlement (UE) n °1260/2012 du Conseil du 17 décembre 2012 mettant en oeuvre la coopération renforcée dans le domaine de la création d'une protection unitaire conférée par un brevet, en ce qui concerne les modalités applicables en matière de traduction et Accord relatif à une juridiction unifiée du brevet du 19 février 2013
Corinne Thiérache assiste ses clients en droit des technologies et du numérique, droit de la propriété intellectuelle et droit pharmaceutique. Avocat associé au cabinet Alerion, elle intervient tant en conseil qu'en contentieux pour des personnes physiques ou des entreprises de toute taille, actives dans différents secteurs de l'économie (mode, design, médicaments, dispositifs médicaux, puériculture, médias, logistique et e-commerce, services financiers). Elle dispense également des formations, notamment en matière de Cybersécurité et de protection des données personnelles.
Caroline Leroy-Blanvillain, avocate collaboratrice au cabinet Alerion, exerce son activité en Propriété intellectuelle et Droit des technologies et du numérique. Elle assiste et conseille une clientèle française et internationale, notamment dans les secteurs de la santé, de l'éducation, de la distribution et des médias. Elle intervient également en contentieux de la propriété intellectuelle, du pénal numérique et en droit de la presse. Elle a ainsi développé une compétence spécifique qui lui permet d'accompagner de manière pertinente les acteurs économiques dans leur mise en conformité au RGPD et peut assister ces derniers pour mener des actions tant en amont qu'en aval à la suite de cyberattaques.