[Billet d'humeur] Comment gérer une visio quand on se trouve moche?
Tous les jours, on est filmé comme à la télé. Sauf qu'il n'y a pas de maquilleuse, ni de caméraman en visio. Résultat on ne sent pas toujours à son avantage face à ses collègues. Comment gérer cette impression ?
Je m'abonne15h38. Dans 3 minutes, c'est le kick off avec StepBeyond, l'agence digitale bordelaise qui va refondre votre site Internet. Vous entrez dans le vestibule de Teams. Micro enclenché, caméra activée, vous cliquez sur « Rejoindre » et là, quelque chose que vous auriez préféré ne pas voir apparaît : votre face.
Vous êtes CEO d'une entreprise parisienne en plein boom avec 20 employés, des bureaux neufs, mais face cam', dieu que vous avez l'air pâle ! Votre coupe soi-disant « désinvolte » ressemble à un cactus. Et à la lumière de l'halogène, votre barbe de startupper ressemble à des poils de biquette. Trop tard pour vous déconnecter, les initiales de vos interlocuteurs apparaissent.
- "Bonjour Lydia, bonjour Steve, bonjour Audrey", dites-vous d'une voix chevrotante.
Lydia est la directrice de projet, Steve, le directeur artistique de StepBeyond, et Audrey, votre responsable de com', en télétravail le jeudi. C'est votre première rencontre avec l'agence de visu. Le malaise est palpable. Steve ressemble à une momie. Audrey est tendue , mais sourit. Lydia parle dans le vide comme dans The Artist.
- "Lydia....Lydia ?... Lydia !!! Ton micro est coupé", dit Steve en mimant un temps mort.
Tout le monde rit faussement. Paradoxalement, ce moment malaisant vous rapproche. La glace est cassée, la réunion démarre vraiment. Vous assumez peu à peu votre tête de chèvre et observez celles des autres : ils ont fait des efforts, mais l'angle de la webcam écrase leur esthétique. Ça vous rassure.
Vous osez même prendre une gorgée de café. Et c'est là qu'est le danger. Vos tics de réunions en présentiel réapparaissent en visio. Sauf que là, on les voit en gros plan. Accoudé, vous tenez votre tête dans votre main. Vos yeux occupés à décrypter les livres en arrière-plan d'Audrey semblent fuyants. Tout trahit chez vous un manque d'intérêt, alors que vous êtes pourtant très attentif. Audrey semble convaincue par leur roadmap. Tout se passe bien, on arrive à la fin. On se fait un au revoir général en agitant la main. Et pouf , c'est fini. Plus rien, plus personne...Vous étiez quatre, à discuter stratégie digitale et là, vous êtes seul avec votre gobelet de café.
Pourquoi se sent-on si moche en visio ? Parce qu'il est impossible d'être beau. Dans sa salle de bain, on est bien, on trouve la bonne lumière, le bon angle. En plan de face, en contre plongée, même avec la tête de Brad ou d'Angelina, on n 'est vraiment pas à notre avantage.
Et surtout, personne ne vous voit. L'enfer, c'est les autres. Surtout en visio car la caméra tourne toujours. Impossible de se curer le nez ou de s'accouder, comme vous l'avez fait. Et à force d'être soumis au regard des autres, on fatigue.
Aujourd'hui, le monde est une vaste performance (de l'anglais, to perform jouer un rôle). En distanciel, devant la caméra et en présentiel, avec les collègues d'open space qui vous épient. Les moins adaptés au jeu du je-t'observe-mais-ne-te-juge-pas-mais-en-fait-si sont vite repérés. A la fin de la journée, la fatigue est autant due au travail qu'à l'attitude qu'il faut avoir.
En plus, l'exigence s'étend partout avec LinkedIn où pour son personal branding (le marketing de soi), il faut faire bonne figure, mettre en avant ses réalisations, exhiber ses états d'âme professionnels.
Alors si vous êtes épuisé avant une performance en visio, désactivez votre webcam. Prétextez un problème de bande passante. Ou mieux, dites que c'est pour des raisons de sobriété énergétique.