[Billet d'humeur] Séance 3 : Les enfants sont nés princes et princesses, leurs parents les ont transformés en grenouille !
Scène : Le bureau de Sigmund Freud. Le Père Noël débarque, pose sa hotte dans le coin et cette fois, au lieu de s'allonger directement, s'assoit les coudes posés sur ses genoux et mains liées, l'air pensif. Il renâcle le plus discrètement possible pour marquer un léger mécontentement.
Je m'abonneFreud : « Comment allez-vous aujourd'hui Nicholas ? Comment cela s'est-il passé avec les lutins ? »
Père Noël : « Eh bien, nous avons entamé des négociations ! »
Freud : « C'est une très bonne chose, une excellente nouvelle ! Qu'est-ce qui a motivé votre appétence à l'apaisement ? »
Père Noël : « Il est probable que je n'ai pas été complètement honnête avec vous la dernière fois Docteur Freud. Elwyn, Fizban et Taurin m'ont signalé un point de notre histoire où selon eux, tout a basculé ! Mon comportement avait complètement changé au point de devenir le persécuteur que j'ai toujours voulu éviter de devenir ! il semble qu'à l'insu de mon plein gré... »
Freud : « Ah bon, c'est une réflexion que vous aviez déjà commencé à avoir ? »
Père Noël : « Quand j'étais un peu plus jeune, je ne voulais pas devenir comme ma mère. Ni comme mon père en fait. Mais il semble qu'à un moment, j'ai, selon Frodi, Thistle et Puck, littéralement pété un câble. Et il est probable que je me sois retrouvé à réitérer des schémas parentaux ! et pas les plus saints ! »
Freud : « Très bien, je vois que vous avancez ! Parlez-moi de Nadine ! »
Parlez-moi de votre mère
Père Noël (un peu sarcastique) : « Nadine ? Ma mère ? Ah ça oui, j'y ai bien réfléchi ! Oh, c'était une sainte, une femme incroyablement gentille. Un peu con, on ne va pas se mentir. Un peu perverse aussi, voire carrément narcissique. Et toujours à me répéter : « Sois gentil, Nicholas, aide les autres, dépêche-toi de faire ce qui doit être fait. Nanananananananananaanana ! Ce qui est fait n'est plus à faire ! Nininininiiiniiniininiiiniini ! » Elle m'a inculqué cette idée que le bonheur des autres passait avant tout. Au fait, j'ai réfléchi au « fais effort » de la dernière séance. Et ça, c'est mon père qui n'arrêtait pas de me répéter que la vie, ce n'est pas gaufrette ! »
Freud : « Ah oui, en effet, alors si la vie, ce n'est pas gaufrette ! Bon, et par rapport à votre mère, vous semblez être plutôt remonté contre elle, non ? Maintenant que vous avez quelques centaines d'années de recul, que pouvez-vous me dire non pas à son sujet, mais au sujet de la relation mère-fils que vous avez développée ? Car je vous rappelle, dans une interaction, il y a deux personnes et il est probable que vous l'ayez laissé agir de la sorte avec vous ! »
Père Noël : « En tout cas, les repas du 24 décembre, forcément, je n'y suis pas, mais le 31, bah, je n'y vais plus ! En fait, vous savez quoi Sigmund ? J'ai décidé de ne plus voir ma mère. Je me suis tapé ses remontrances de drama queen pendant près de 1 300 ans ! Un jour, j'ai donc décidé de me barrer ! Figurez-vous que c'est à peu près la même période à laquelle mes lutins se sont syndiqués ! Comme si ça ne pouvait pas se passer à un autre moment ! Je ne vous raconte pas les difficultés que j'ai rencontrées à ce moment-là de mon existence ! »
Freud : « Et vous ne voyez pas le rapport ? Eh beh, moi, je ne vous raconte pas alors comment vous avez probablement décompensé ! »
Père Noël : « Décompensé ? »
Freud : « La décompensation désigne un phénomène psychique qui se produit lorsqu'une personne, confrontée à une situation stressante ou à un conflit émotionnel, perd son équilibre psychique. C'est un processus où les mécanismes de défense, qui permettaient jusque-là de gérer les angoisses et les tensions, deviennent insuffisants ou inadaptés, ce qui entraîne l'émergence de symptômes psychopathologiques tels que des crises d'angoisse, des dépressions, des comportements psychotiques ou des troubles somatiques. Bon en bref, c'est quand vous pétez littéralement un câble ! Et il est probable, Nicholas, que vos lutins se soient syndiqués et organisés en SCOP, en partie au moins, parce que vous avez décompensé en vous séparant de votre mère ! »
Père Noël : « Probablement. Ce n'est pas notre première séance Sigm... Docteur Fred ! Freud ! Désolé ! Je suis toujours en train de courir partout, d'essayer de satisfaire tout le monde, de répondre aux attentes. Mais parfois, je me demande... Est-ce que je fais tout ça parce que je le veux, ou parce que j'ai été conditionné à le faire ? »
Freud : « C'est marrant comment vous déviez du sujet ! Admettons votre système de défense. Peut-être que cette exigence de « se dépêcher » et de « faire plaisir ». Vous vous êtes effacé derrière l'image de Père Noël, au point d'oublier vos propres besoins. Du coup, vous sentez-vous obligé de continuer ce rôle, même s'il vous épuise ? Qu'est-ce que vous n'arrivez pas à lâcher ? »
Père Noël : « Oui, c'est ça. C'est comme si je ne pouvais pas exister autrement. Si je ne suis pas le Père Noël, alors qui suis-je ? »
Freud : « C'est une question profonde. Un homme peut-être ? »
Père Noël : « Bah non, désolé, je ne suis pas exactement un homme. Je suis une légende. L'équivalent d'un Dieu quoi ! »
Freud : « Ah ça y est ! Le syndrome de la toute-puissance qui revient ! Vous me gavez les Dieux ! Tiens d'ailleurs entre nous, c'est fou ça parce qu'il semble à ce que vous me racontez que, paradoxalement, vous avez intériorisé des injonctions qui limitent vos choix. Vous pensez que sans tout ce travail, vous ne seriez pas reconnu ou apprécié ? »
Père Noël : « Vous m'emmerdez docteur ! Elle pique votre question ! Et en même temps, je sais que j'ai besoin de repos. J'ai peur de ne pas être assez bon, que les enfants et les lutins soient déçus de moi. »
Freud : « Absolument passionnant tout cela. Il semble que vous souffrez de ce que l'on pourrait appeler un « burnout du Père Noël ». Ça ressemble au burnout de l'entrepreneur, mais vous savez à l'avance qu'on vous exploite et que vous ne serez jamais payé autrement qu'en petits biscuits et en gorgées de lait. Vous vous trouvez pris dans un cycle de travail sans fin, sans jamais prendre le temps de vous reposer ou de réfléchir à ce que vous voulez vraiment. Peut-être est-il temps de penser à votre propre bien-être. »
Père Noël : « Mais comment puis-je faire ça ? Les enfants comptent sur moi. Et les lutins... ils ont aussi des attentes. Si je ralentis, ne suis-je pas en train de trahir tout le monde ? Je me sens coupable de prendre une pause. Mais en même temps, je suis épuisé. La charge de travail est immense ! J'aime les enfants, j'aime voir leurs sourires, mais à quel prix pour moi ? »
Freud : « Ah beh non, du coup, vous me faites un petit syndrome du « super-héros entrepreneur ». Ça ressemble au burnout mais... »
Père Noël : « Vous ne m'inventeriez pas des maladies par hasard et des syndromes en veux-tu en voilà, au moins au fur et à mesure que je vous expose ma vie, hein ? »
Freud : « Juste entre nous, est-ce que je suis coach en développement personnel ? »
Père Noël : « Bah non... »
Freud : « Très bien merci, reprenons ! Bon, en fait, vous ressentez le besoin de tout faire, de tout contrôler, mais vous oubliez que même les super-héros ont besoin de repos. Peut-être est-il temps de réévaluer votre mission. Vous pourriez déléguer davantage, ou vraiment envisager une forme de compensation pour vos services, comme on en a parlé tout à l'heure ! »
Père Noël : « Vous avez raison. Peut-être que je pourrais commencer par des petits changements. Déléguer plus de tâches aux lutins, prendre un peu de temps pour moi... Mais c'est difficile de lâcher prise. J'ai l'impression que si je ne fais pas tout moi-même, je ne suis plus vraiment le Père Noël. »
Freud : « C'est une peur commune chez les entrepreneurs et les leaders. La crainte de perdre le contrôle, de ne plus être indispensable. Mais paradoxalement, en déléguant, en prenant du recul, vous pouvez en fait devenir plus efficace, plus inspirant. Et peut-être que cela vous permettra de retrouver cette étincelle qui a fait de vous le Père Noël. Si vous ne prenez pas soin de vous, vous ne serez plus en mesure de prendre soin des autres. Peut-être pourriez-vous déléguer davantage, confier plus de responsabilités aux lutins, et prendre du temps pour vous reposer et vous ressourcer. Même les super-héros ont besoin de vacances. Ce que j'essaie de vous dire M. Noël, c'est qu'il va falloir faire la paix avec votre mère et reprendre votre pouvoir personnel ! S'il n'y avait pas de liste au père noël, il n'y aurait pas de commandes dans les ateliers et les lutins pointeraient au chômage ! Prenez des vacances, faites du sport, je m'en fous, mais prenez-vous en main bon Dieu »
Père Noël : «Du sport, des vacances ? Vous êtes drôle vous... ah et au fait, je m'appelle Nicholas Poyel. M. Noël, c'est vraiment le service marketing qui a trouvé ça. Des vacances ? Cela fait combien de temps que je n'en ai pas pris? Peut-être que vous avez raison. Peut-être devrais-je laisser les lutins gérer un peu plus. Après tout, ils se débrouillent très bien avec leur SCOP de m... »
Freud : « Je vous sens encore un peu amer, M. Poyel. Et c'est vrai, en prenant du recul, vous pourriez redécouvrir la joie de ce que vous faites, sans la pression constante de devoir tout faire parfaitement. Votre rôle en tant que CEO, ce n'est pas de travailler DANS votre entreprise, mais SUR votre entreprise ! Vous devez être capable de tout automatiser et de partir à Punta Cana sans que cela ne puisse avoir d'impact sur vos processus ! Et peut-être que cela vous donnera aussi l'occasion de réévaluer ce que signifie être le Père Noël dans le monde moderne. Maintenant si je veux être tout à fait honnête, il est probable que même dans le cadre d'une éducation toxique, cela ait un impact sur la mission que vous vous êtes donné. J'ai un autre patient, il écrit des bouquins sur la vente et le marketing. Eh beh, vous savez quoi ? Il décrit sa mère comme une mythomane compulsive, et sa soeur comme une kleptomane acharnée ! »
Père Noël : « Et quel rapport avec moi Docteur ? »
Freud : « J'y viens ! Il s'est donné la mission de définir les grandes lignes d'une vente éthique, d'un marketing responsable et d'un management assertif ! Au point d'avoir pour ambition de redorer les lettres de noblesse de ces disciplines ! »
Père Noël : « Parce que sa mère et sa soeur ont les bras cassés ? Et il y arrive malgré tout ça ? »
Freud : « Bah oui, on a fait 4 séances... et hop « coup de coeur des étudiants de l'IDRAC » en 2024 tout de même ! Mais bref, revenons un peu à vous Nicholas ! Ce que vous faites et la manière dont vous faites, tout est lié à la manière dont vous vous êtes construits ! Mine de rien, la relation que vous entretenez avec votre mère, même si vous avez rompu tout lien avec elle, cette relation a considérablement impacté votre vie. La manière dont vous vous comportez avec les lutins, autant qu'avec votre femme et aussi tous les enfants du monde ; toute la magie que vous avez décidé d'insuffler à votre destin et surtout à leur destin ; eh bien que vous l'acceptiez ou non, peut-être que vous pourriez en effet la remercier ! »
Père Noël : « Ok, je prends l'information ! »
Freud : « Faites un point pour la prochaine fois sur ce sujet. Faites de votre mieux pour considérer votre environnement entrepreneurial comme un système que vous entretenez et qui s'est modelé avec toutes les décisions que vous avez prises, toutes vos expériences, vos croyances, vos ancres émotionnelles, vos valeurs intrinsèques et tout le reste ; que les relations que vous avez entretenues, celles que vous entretenez aujourd'hui et celles que vous initierez ; toutes ces relations et tout le chemin que vous vous construisez, et que vous arpentez, tout cela est lié d'une manière ou d'une autre. »
Père Noël : « Cela conclut admirablement tout votre accompagnement ! »
Freud : « Si vous pensez en avoir terminé, c'est en effet à vous de vous prononcer sur ce sujet ! »
Père Noël : « Pour tout vous dire Sigmund, j'aimerais faire avec vous une toute dernière séance. Cela fait un temps que je réfléchis à réenchanter mon quotidien, et il semble que nos séances me libèrent de quelques noeuds au niveau émotionnel. J'aimerais prendre une dernière fois rendez-vous pour le mois prochain.
Freud : « à votre convenance Nicholas ! »
Père-Noël : « Le dernier mercredi comme d'habitude ? »
Freud : « Très bien, cher Nicholas, cela me convient. A mercredi dans un mois alors. »
Hello je m'appelle Guillermo Di Bisotto et je suis l'auteur Eyrolles Business de "C'est où qu'on signe ? L'art de traiter les objections" (http://tinyurl.com/s93ufjx5) et de "Questions pour un champion de LA vente"(https://c3po.link/QJyHhbRRZa) | Mon dernier livre a remporté le prix du coup de coeur de l'IDRAC Business School et c'est un honneur que ce livre ait été plébiscité par ses étudiants. J'espère donc de tout coeur, en ayant écrit cet article, vous avoir donné envie de vous le procurer 😊(et surtout de le lire à votre tour)