Au secours, ma start-up est rentable !
Cette réalité pourrait sans doute s’appliquer à bon nombre de start-up. Au-delà de la boutade, il n’existe pas de vérité dans le domaine. La recherche de la croissance ne doit pas faire oublier la nécessité d’un business model pérenne à terme.
Je m'abonneRentabilité ou non : choix ou nécessité ?
Apparu dans les années 70 aux Etats-Unis, l’anglicisme « start-up » est selon la définition du Larousse une « jeune entreprise innovante, dans le secteur des nouvelles technologies ». Étymologiquement l’on retrouve les notions de démarrage (start) et de phase de croissance (up) : il s’agit donc d’un état transitoire et non d’une fin en soi. Steve Blank, l’un des pontes historiques de la Silicon Valley, et incitateur de la méthodologie « lean-startup » de développement d’entreprise semble, confirmer cela : «une startup est une organisation temporaire à la recherche d’un business model industrialisable et permettant une croissance exponentielle ».
Le premier niveau semble donc la recherche d’une rupture technologique, voire d’un « grall » qui ouvrirait la voie à un fort développement. Derrière cette réalité se cache une notion que la définition ne présente pas clairement : une start-up doit-elle être forcément à déficitaire ?
Au-delà de l’épineuse question de leur financement, il est estimé qu’environ 90% des start-up échouent après 5 ans. Parfois effectivement par manque de « fuel » pour soutenir leur croissance, sans doute également souvent faute d’avoir trouvé assez rapidement un business model rentable.
Derrière la notion d’innovation, se cache souvent une exigence de vitesse, une course à la part de marché pour devancer la concurrence (ce qui n’est d’ailleurs pas la panacée car l’on n’est jamais à l’abris d’une nouvelle évolution risquant de mettre à mal l’édifice) justifiant des pertes, censées être cependant passagères. Selon le fondateur de Blablacar, Frédéric Mazzella, elles seraient un passage obligée « La rentabilité, c'est un choix. Nous ne sommes pas du tout rentables car nous innovons en permanence et nous investissons à l'étranger. Pour être rentable, il faudrait arrêter d'innover et de s'étendre, et ce n'est pas dans nos plans ! ».
« Vallée de la mort » ou opération suicide ?
Il est compréhensible qu’une start-up (à l’instar d’une entreprise classique) n’atteigne pas immédiatement la rentabilité. L’innovation, la constitution d’une base de clients nécessitent des investissements souvent incontournables au départ. Cependant la course à la taille (qui a certes réussi à Amazon) ne doit pas transformer le déficit en une culture d’entreprise, et la recherche de financement en une religion (pendant la bulle internet au début des années 2000, il semblait presque chic et indiqué d’être valorisé via un multiple de son déficit).
On évoque souvent la « vallé de la mort » ou l'equity gap, ce passage périlleux entre les financements early stage (où les pouvoir public tels que la BPI jouent un rôle positif) et l’atteinte d’une taille plus importante permettant d’avoir accès à des sources de financement plus classique... Ce passage ne doit pas se transformer en « opération suicide » où la recherche de financement monopolise l’intégralité des efforts, où les schémas et les valorisations retenues sont souvent autant de bombe à retardement, au détriment de la recherche d’un business model rapidement rentable.
Il existe en fait deux niveaux d’analyse de la rentabilité : l’EBE (ou l’EBITDA) qui mesure la capacité contributrice de la société, sa rentabilité opérationnelle, et le REX (EBIT) qui prendra en compte les charges liés aux investissements ou aux dépenses structurantes amorties sur plusieurs exercices. Les questions qui se posent alors : Quand le premier niveau de rentabilité sera-t-il atteint ? Les investissements ont-ils vocation à s’arrêter ou à diminuer proportionnellement avec le temps, ou bien sont-ils une dimension intrinsèque et nécessaire du système au risque de repousser sans cesse l’atteinte de l’auto-financement ?
Des start-ups telles que Priceminister, au-delà de la vision de son fondateur Pierre Kosciusko-Morizet, ont connu le succès grâce à leur capacité à atteindre rapidement un seuil en termes de volume pour amortir les coûts de structure, mais surtout à diminuer le coût d’acquisition client via une meilleure fidélisation et une diversification de ses sources de revenus. A l’heure de son rachat par le japonais Rakuten (nouveau sponsor du FC Barcelona) pour véritablement s’internationaliser, la société était en croissance mais également déjà rentable.
A l’inverse, d’autres obnubilés par la course à la taille en ont oublié les fondamentaux : ce fut le cas de Take Eat Easy, la start-up belge de livraison de repas. Employant des livreurs en propre avec un salaire fixe afin de s’assurer de leur disponibilité, la société n’arrivait pas à amortir ce coût logistique avec la marge brute générée par les commandes sur chaque zone (sans évoquer les coûts marketing). En cause, un maillage trop large (une présence dans 20 villes) et malgré 3 000 livreurs et 3 500 restaurants partenaires, la société n’avait pas su trouver l’équilibre… De la même manière Viadeo, l’un de premiers réseaux sociaux professionnels avait levé 37,5 millions d’euros, développé une base de 40 millions de profils jusqu’en Chine et en Inde, avant d’être finalement revendu pour 1,5M€, ayant perdu la bataille du financement et de l’offre face à l’américain Linkedin...
La règle d’or de la Start-up : l'adaptation
Dans les faits, la critique est facile, et il est rare pour l’entrepreneur de trouver directement le chemin de la rentabilité. Malgré tout, certains business semblent plus propices à l’atteinte rapide de la rentabilité ou de l’autofinancement, c’est le cas par exemple des modèles BtoB qui nécessitent moins de frais marketing que les business BtoC et peuvent plus facilement fidéliser leurs clients. De même, les business d’intermédiation avec une base de coût fixe limitée et des coûts variables alignés sur les revenus, et parfois un BFR négatif permettant une plus grande latitude financière.
Tout est souvent au final question de réglage, à l’inverse de Take Eat Easy, la foodtech française Nestor a ainsi su trouver la voie vers la croissance et le profit en fondant son approche sur plusieurs piliers : une implantation limitée dans un secteur à haut potentiel (quartier d’affaire type la Défense) avant un déploiement géographique ultérieur plus important, un laboratoire en propre assurant la production, une couche d’algorithmes intelligents et prédictifs permettant d’optimiser les livraisons. Une grande partie des repas sont ainsi en livraison avant même d’être commandés : résultat un temps d’attente réduit pour le client, un coût de logistique optimisé.
Il n’est pas forcément nécessaire de choisir entre croissance, profit, et innovation : la start-up Sogilis (que nous avons financée sur WeShareBonds, partenaire de La Banque Postale) a fondé son développement en quasi auto-financement en exerçant une activité de prestataire en génie logiciel rentable auprès d’une clientèle de grands comptes. En découpant son activité entre business récurent et projets d’innovation (mobilisant également des financement publics tels que la BPI), elle a développé et accompagné des projets spécifiques de R&D dans des filiales dans le domaine prometteurs de drone (Hionos) et des infrastructure serveurs (Square Scale).
A la clé, la possibilité de faire appel à un éventail plus large de financement au-delà de l’equity via par exemple la mobilisation d’un financement en crowdlending et une plus grande autonomie en termes de contrôle, de stratégie et de gouvernance.
Retrouvez cet article sur le blog de WeShareBonds : Au secours, ma start-up est rentable !
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