Vers la fin du métier de manager?
Comment les managers européens envisagent-ils leur rôle et les relations avec leur direction? Éléments de réponse avec une étude de Cegos publiée le 30 novembre.
Je m'abonneSeuls 21% des managers européens passent plus de la moitié de leur temps à manager les personnes. Voilà le premier constat de l'étude de l’observatoire Cegos*, groupe de formation professionnelle, sur les pratiques managériales en Europe, publiée le 30 novembre. À l’intérieur même de ce temps de management, une grande part est dédiée au reporting: une vaste majorité de managers (65%) y passe plus du tiers de son temps.
Selon Christophe Perilhou, manager au sein de l’unité management de Cegos, «le peu de temps passé à diriger les équipes tient sans doute à la crise qui exige un suivi des indicateurs économiques plus précis et donc davantage de reporting».
En ce qui concerne le pilotage des équipes, 85% des managers indiquent que leur tâche la plus importante consiste à gérer les conflits au quotidien et c’est en France qu’on perçoit le plus (88%) ce phénomène. «La tendance est à l’individualisation des conflits, ce qui place les managers en première ligne pour résoudre les tensions sociale», estime l'expert.
À 89%, les managers se déclarent confiants dans leur hiérarchie. Véritable plébiscite que l’on constate dans les quatre pays, la France est un peu en retrait sur cet item, 84% des managers affirment leur confiance.
Néanmoins, lorsqu’un problème survient, il n’est pas toujours facile d’exprimer son désaccord face à la direction. Un quart des personnes interrogées souligne ce phénomène, avec une nette différence entre les Allemands (17%) et les Français (27%).
Un niveau d’autonomie déclaré très élevé sauf sur les sujets sensibles
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De manière générale, les managers européens se sentent autonomes (à 87%) dans leurs pratiques managériales. En revanche, lorsqu’on leur demande s’ils sont partie prenante concernant les décisions liées aux augmentations salariales de leurs collaborateurs, ils ne sont plus que 64% à déclarer détenir un vrai pouvoir de décision.
Les managers sont avant tout évalués sur des performances mesurables quantitativement (chiffre d’affaires généré, rentabilité, nombre d’actions menées, etc.). C’est le cas pour 89% des personnes interrogées, les Français étant même légèrement au-dessus de cette moyenne (91%).
Annick Allégret, directrice de l’unité ressources humaines et management chez Cegos, analyse cette situation: «Il est assez interpellant de voir que les éléments plus qualitatifs comme le comportement, la fidélité des équipes ou la conduite de projets transversaux ne semblent pas constituer des critères décisifs dans l’évaluation du travail du manager. Les entreprises insistent pourtant énormément auprès de leurs cadres pour qu’ils assument pleinement leur posture managériale.» Elle poursuit: «On attend également d’eux qu’ils soient le relais non seulement des décisions entrepreneuriales prises, mais également de la politique RH mise en place par la direction. Mais pourquoi les managers devraient-ils faire des efforts dans ce domaine si ce dernier n’est pas pris en compte par leur hiérarchie?»
De la même façon, cette "prime au résultat mesurable" se traduit dans la manière dont les managers jugent leurs collaborateurs. Les compétences et surtout le comportement sont moins pris en compte.
Le défi managérial de demain: gérer les problématiques générationnelles
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Les managers sentent poindre les problématiques liées au renouvellement des effectifs, avec d’un côté des seniors qui seront amenés à rester plus longtemps dans l’entreprise, et de l’autre l’arrivée en masse de la génération Y qu’ils ne peuvent plus manager comme leurs aînés.
En conclusion, Annick Allégret explique qu'au global, on observe assez peu de différences entre les pays. «On constate, au contraire, une certaine harmonisation des pratiques managériales entre les Latins et les Anglo-saxons. L’environnement économique, la mondialisation et l’arrivée de la nouvelle génération obligent les managers à repenser leurs pratiques.» L'experte indique que les entreprises semblent encore mal comprendre ces modifications et restent pour le moment focalisées sur les résultats opérationnels, sur ce qui est mesurable quantitativement. «Mais elles vont sans doute devoir rapidement repenser ce système si elles veulent continuer à garder la confiance et la motivation de leur ligne managériale», affirme-t-elle.
*Le Groupe Cegos a interrogé 1496 managers en octobre 2010 au Royaume-Uni, en Allemagne, en Espagne et en France.